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Comptoir

Intervention du Comptoir | Vous avez dit « spécificité helvétique »?

Le Comptoir des médias est intervenu au mois de novembre à propos de l’article publié sur RTSinfo « Les Erythréens, un point central dans les questions d’asile« , un article dans lequel les journalistes Turuban et Henderson analysent la situation des Erythréens à la fois en Erythrée et dans les pays d’accueil, et notamment la Suisse.

SpecificiteHelvetique

Notre premier message du 18 novembre 2014 que nous avons adressé aux deux journalistes qui ont signé l’article portait sur un paragraphe en particulier:

« Dans un entretien accordé vendredi à la RTS, le spécialiste explique que le succès de la Suisse auprès de la communauté érythréenne tient notamment à un arrêt du tribunal administratif fédéral – datant de 2008 – qui a permis aux déserteurs érythréens d’obtenir l’asile. Une spécificité helvétique qui ne figure pas dans la Convention de Genève et qui n’est ainsi pas retenue dans beaucoup de pays d’accueil ».

Voici le contenu de notre intervention (18.11.2014):

Outre une petite erreur qui s’est glissée dans la date de l’arrêt de principe du Tribunal administratif fédéral (ex-Commission de recours en matière d’asile – CRA) qui date de 2005 et non pas de 2008, j’aimerais revenir sur le fait que vous considérez que l’obtention de l’asile des Érythréens serait une « spécificité helvétique ».

Pour rappel, la CRA, en décembre 2005, a décidé qu' »en Érythrée, la peine sanctionnant le refus de servir ou la désertion est démesurément sévère et elle doit être rangée parmi les sanctions motivées par des raisons d’ordre politique (« malus absolu »). Les personnes nourrissant une crainte fondée d’être exposées à une telle peine doivent être reconnues comme réfugiées ». Ce faisant, elle s’est alignée sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 juillet 2005 (cas Said c. Pays-Bas), qui conclut que « the Court finds that the expulsion of the applicant to Eritrea would be in violation of Article 3 of the Convention« .

Cet arrêt a influencé le comportement de nombreux pays européens, pas uniquement celui de la Suisse. Se sont ajoutées en 2009 les recommandations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés relevant que les demandes introduites par les déserteurs Érythréens étaient susceptibles de remplir les conditions de reconnaissance de la qualité de réfugié. De fait, les demandeurs d’asile déserteurs érythréens sont reconnus réfugiés dans la plupart des pays européens, notamment l’Italie, la France ou l’Allemagne, parmi les pays géographiquement les plus proches de la Suisse.

Les statistiques publiées par Eurostat montrent en effet que les Érythréens ont reçu en 2013, dans les 28 pays européens, 75,6% de réponse positive à leur demande d’asile (6730 décisions positives en première instance sur 8905 demandes, v. tableau ci-dessous).

first instance decisionsEn outre, pour contrebalancer les propos de Toni Locher, un représentant des intérêts de l’Érythrée en Suisse (consul honoraire de l’Érythrée en Suisse), vous ne mentionnez que l’opinion de M. Piguet, or ses propos sont corroborés par de nombreux rapports (vous pouvez vous référer à ceux qui ont été reproduits sur notre site, en cliquant ici).

Vu les récentes déclarations politiques sur l’Érythrée –volonté du chef du PLR de considérer l’Érythrée comme un pays sûr ou les attaques envers les Erythréens sur leur degré d’intégration-, il est important que le public puisse avoir une information juste sur le fait que la Suisse n’a pas une pratique exceptionnelle, mais découlant de ses obligations internationales. C’est pour cela qu’il nous semble important que vous modifiez la mention à la « spécificité helvétique » (et que vous en profitiez pour corriger la date erronée de l’arrêt).

Documents utiles sur le sujet:

Malgré un deuxième message de notre part, envoyé le 2 décembre 2014, aucune réaction ne nous est jamais parvenue.