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Documentation

TAF | Arrêt sur le danger encouru en Somalie par les femmes seules, déplacées internes

Dans un arrêt destiné à être publié dans le recueil des arrêts du Tribunal administratif fédéral suisse (ATAF), le Tribunal administratif fédéral (TAF) examine la situation des femmes déplacées internes («Internally displaced persons») en Somalie. Il reconnaît ainsi la qualité de réfugié à une femme veuve, vivant seule, appartenant à un clan minoritaire, qui est privée de la protection d’un homme adulte de sa parenté. Un retour de cette dernière dans son pays d’origine l’exposerait à un risque de persécution. L’Office fédéral des migrations (ODM; actuellement Secrétariat d’Etat aux migrations, SEM) est tenu d’accorder l’asile à cette femme et à ses enfants mineurs.

Arrêt E-1425/2014 du 6 août 2014. Communiqué du TAF du 20 janvier 2015. Cliquez ici pour télécharger le communiqué du TAF.

Le 25 février 2014, l’ODM avait nié la qualité de réfugiée à la Somalienne, rejeté sa demande d’asile et ordonné son renvoi de Suisse. L’exécution du renvoi étant toutefois inexigible, l’intéressée avait été mise au bénéfice d’une admission provisoire. La requérante a recouru au TAF contre cette décision en concluant à la reconnaissance de la qualité de réfugié et l’octroi de l’asile.

Dans un arrêt datant du 17 septembre 2013 (ATAF 2013/27), le TAF avait constaté en substance que la situation en matière de sécurité à Mogadiscio s’était améliorée au point qu’un renvoi n’était pas a priori absolument inexigible pour toute personne, mais que chaque cas individuel devait faire l’objet d’un examen approfondi.

Dans le présent arrêt, le TAF examine le cas particulier d’une femme qui, après la mort de son mari et de son père, s’est retrouvée seule avec sa mère âgée, sa soeur cadette et ses deux enfants. Par ailleurs, étant donné qu’elle-même et sa famille appartenaient à un clan minoritaire peu considéré dans la société somalienne et qu’elles étaient sans protection après la mort des deux chefs masculins de la famille, la recourante a quitté la Somalie en novembre 2008 de peur d’être victime de persécutions.

L’arrêt décrit en détail comment, en Somalie, les femmes qui sont seules et ne bénéficient pas de la protection d’un homme de leur famille ou de leur clan, sont livrées à des actes de violence. Si, de surcroît, elles appartiennent à un clan minoritaire peu respecté et ne vivent pas – à l’instar de la recourante dans le cas jugé – dans la région habituelle du clan, elles courent le risque d’être victimes de violences. Ces femmes et jeunes filles sont souvent abusées, contraintes au mariage forcé ou obligées de se prostituer. Ces exactions ne sont pas seulement le fait de membres de la milice Al-Shabaab, mais également de soldats des troupes gouvernementales, des gardiens de camps de réfugiés et même, selon les rapports internationaux, des troupes de protection de l’Union africaine AMISOM. Dans ce contexte, les autorités somaliennes n’ont ni les moyens ni la volonté de protéger ces femmes et jeunes filles contre ces agressions. Dans son jugement, le TAF se réfère également aux recommandations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) qui a relevé une nouvelle fois, dans un rapport de janvier 2014, le danger particulier que courent les femmes et les jeunes filles seules, déplacées internes, et leur vulnérabilité en Somalie.

En considérant tous les facteurs pertinents et l’ensemble des circonstances aggravantes, le TAF arrive dans le cas présent à la conclusion, que le risque pour la recourante d’être victime d’actes de persécution est particulièrement élevé. Les dangers qui la menacent vont bien au-delà des conséquences habituelles liées à une guerre civile qui peuvent concerner tout un chacun. Dans ces circonstances, étant donné aussi l’impossibilité pour la recourante de trouver refuge dans une autre région de la Somalie, le tribunal lui reconnait la qualité de réfugié et invite l’ODM (actuellement SEM) à lui accorder l’asile ainsi qu’à ses enfants mineurs.

L’arrêt est définitif et n’est pas susceptible de recours au Tribunal fédéral.