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Notre regard

Stop bunkers | Lettre ouverte à M. Casella

« Vous parlez d’ethnocentrisme et insistez sur les différences entre les cultures. Sachez que là d’où nous venons, il n’y a que les morts que l’on met sous terre. »

Lettre ouverte à M. Casella
Ancien cadre à l’UNHCR Genève,
le 25 février 2015

Mardi 24 février 2015, dans une émission radio diffusée sur la RTS à une heure de grande audience, intitulée «Les cantons doivent-ils renoncer à loger les requérants d’asile dans les bunkers?», vous avez tenu les propos suivants:

Il est certain qu’il faut un standing minimum. Dans certaines conditions on ne peut pas héberger des gens, et que donc il faut trouver la juste mesure. Et le problème est justement de trouver cette juste mesure. Alors, il ne faut pas tomber non plus dans l’ethnocentrisme. Je me rappelle les camps pour réfugiés vietnamiens à Hong Kong. Les représentants des ONG américaines qui venaient étaient effarés par les conditions de vie. Les gens vivaient les uns sur les autres. Et bien, c’était de la même façon que les gens habitaient au Vietnam chez eux. Donc ce qui pour un Occidental était quasiment inacceptable était la norme pour un Vietnamien, et donc pour eux ça allait très bien. Et il y a une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces nouveaux arrivants qui sont parfois des réfugiés, parfois des migrants, parfois des réfugiés qui ont déjà l’asile et qui cherchent à émigrer ils s’attendent à trouver en Occident un Eldorado. Et cet Eldorado évidemment n’existe pas. Ils ne comparent pas leur façon de vivre en Europe avec celles dans leurs pays d’origine et il y a là une très grande déception. Je pense que c’est en tenant compte de tous ces éléments que les cantons, avec les moyens à leur disposition, font au mieux.

Nous, requérants assignés à des bunkers souterrains, tenons à clarifier un certain nombre de points.

Nous ne sommes pas venus en Europe dans l’espoir de «trouver un Eldorado». Savez-vous combien nous a coûté le voyage pour arriver ici, entre les passeurs, les transports, les rançons des kidnappings, … ? Vous qui aimez les comparaisons entre les «Occidentaux » et nous – «les nouveaux arrivants» – sachez qu’avec cet argent, nous aurions pu ouvrir un commerce dans notre pays et y vivre confortablement. Pourquoi sommes-nous partis alors? Réponse: Parce que la situation politique ne nous permettait plus de rester et que nous avons été forcés de partir pour sauver nos vies.

Alors oui, dans les pays que nous avons fuis, les conditions de vie auxquelles nous étions confrontées étaient proches de celles que nous vivons aujourd’hui dans les bunkers. Certains d’entre nous vivaient dans des caves, d’autres dans des cellules surpeuplées, en Syrie, au Soudan ou en Erythrée – dans des pays en guerre donc, ou dans les prisons des dictatures. Mais peut-on vraiment considérer ces états d’exception comme la «norme»?

Vous parlez d’ethnocentrisme et insistez sur les différences entre les cultures. Sachez que là d’où nous venons, il n’y a que les morts que l’on met sous terre.

Nous sommes venus en Europe parce que nous avions l’espoir de trouver un lieu dans lequel nous pourrions vivre dignement. Nous pensons que la dignité est la seule norme qui devrait guider la recherche de votre «juste mesure». Mais peut être sommes-nous trop ethnocentristes?

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