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Notre regard

Humeur | Noël pour tous à Genève

Ce sont des cadeaux de Noël un peu particuliers que l’Office cantonal de la population et des migrations de Genève (OCPM) a distribués en décembre dernier. Qu’on en juge.

Premier bénéficiaire: Monsieur K.S., requérant d’asile débouté russe.

Blessé à la jambe, se déplaçant avec des béquilles, il a été évacué du foyer des Tattes suite à l’incendie du 17 novembre. L’OCPM l’a fait arrêter dans ses locaux lors du renouvellement de son attestation de délai de départ, sans qu’il ne remplisse aucune des conditions prévues pour une telle interpellation. L’office en question s’était en effet engagé à n’y recourir que pour les personnes recherchées pour infraction pénale et pour celles frappées de décision de renvoi Dublin, proches du départ et ayant disparu de leurs foyers. Mis en détention administrative, K.S. a été expulsé vers la Russie le 15 décembre. Lui au moins aura peut-être eu un Noël enneigé.

Grâce à l’OCPM, Monsieur B.A. n’aura pas passé le sien à la rue. Mais au chaud à la prison de Frambois, en attente de son expulsion de Suisse prévue le 29 décembre. Le 15 décembre, cet autre requérant d’asile débouté a également été arrêté dans les bureaux de cet office, à nouveau en complète violation des engagements pris à ce sujet. N’étant ni recherché par la police ni dans une procédure Dublin proche de son terme, il avait passé un accord avec son assistante sociale pour dormir hors de son foyer tout en étant atteignable, comme le font nombre de requérants d’asile. Mais les autorités genevoises n’en ont eu cure, pas plus qu’elles n’ont estimé bon d’attendre le dépôt du recours qu’il était en train d’adresser aux instances fédérales et son éventuel effet suspensif. On ne saurait être plus élégant. Souffrant d’importants problèmes psychiques connus desdites autorités, B.A. n’a cependant pas pu être renvoyé à la date voulue. Il le sera finalement le 20 janvier.

Enfin, quoi de mieux pour bien passer les fêtes qu’une décision de renvoi de Suisse? Deux ou trois jours avant Noël, de nombreux demandeurs d’asile ont ainsi reçu de l’OCPM une décision de transfert vers un autre pays européen. Une NEM Dublin sous le sapin, la classe. Le délai de recours contre de telles décisions étant de cinq jours, ces heureux destinataires n’avaient plus qu’à trouver une ou un juriste disponible pour leur venir en aide. Manque de chance, la profession a la fâcheuse tendance à faire comme tout le monde et à prendre congé à cette période. La seule permanence juridique ouverte a donc été prise d’assaut, et on imagine que certains ont dû se retrouver sur le carreau.

Suspendre l’envoi de ces décisions et l’exécution des renvois pendant une quinzaine de jours n’aurait pourtant rien changé aux procédures en cours et au départ des intéressés. L’OCPM procédait d’ailleurs de la sorte il n’y a pas si longtemps, et il en va ainsi dans d’autres cantons, celui de Vaud notamment. Mais les temps changent. Et avoir une pensée pour son prochain à Noël n’est pas donné à tous les fonctionnaires.

Jérôme Félix