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Le Courrier | «Réveillons les consciences!»

Le Conseil d’Etat ignore la volonté du parlement en poursuivant les renvois en Italie, dénonce le collectif R. Intellectuels et artistes réclament un moratoire.

Article de Mario Togni, paru dans Le Courrier, le 29 mai 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Le message était pourtant clair. Le 12 mai, une confortable majorité du Grand Conseil vaudois adoptait une résolution demandant au Conseil d’Etat de «faire tout ce qui est possible pour que les migrants appelés à être renvoyés en Italie soient mis au bénéfice de la procédure d’asile ordinaire», c’est-à-dire en Suisse. Hier, le collectif R, à l’origine du refuge de Saint-Laurent, accompagné de politiciens et d’intellectuels romands, a dénoncé la poursuite des expulsions dans le canton, y compris par la contrainte.

«Le Conseil d’Etat foule aux pieds la volonté du Grand Conseil, qui est pourtant le premier pouvoir du canton», s’indigne Jean-Michel Dolivo, député (La Gauche) et membre du collectif. Dans un courrier daté du 20 mai dernier, le conseiller d’Etat Philippe Leuba, au nom du gouvernement, a en effet rappelé que les cantons sont tenus d’exécuter les décisions fédérales et n’ont pas de compétences en la matière. Comme il s’y était engagé début avril, il réitère aussi son intention de favoriser les départs volontaires.

Déjà un vol spécial

aller-retour expressLe 15 avril, pourtant, un vol spécial a été affrété vers l’Italie, dans lequel se trouvaient plusieurs requérants africains pieds et poings liés, critique le collectif. Un Erythréen qui était du voyage est déjà revenu en Suisse et vient de rejoindre le refuge Saint-Laurent (lire ci-contre). Les militants dénoncent également la détention administrative depuis le 22 avril d’un autre Erythréen arrêté dans le canton de Vaud en vue de son renvoi dans la ­Péninsule.

«Renvoyer des requérants d’asile en Italie est stupide et odieux», plaide Jacques Neirynck, conseiller national et député (PDC). De retour d’une visite en Tunisie et en Sicile avec une délégation de la Commission de politique extérieure du Conseil national, il témoigne de son expérience: «Les autorités italiennes font tout leur possible pour accueillir correctement les migrants, mais les limites sont atteintes.» La Suisse, selon lui, doit en faire davantage.

Les réfugiés peuvent aussi compter sur le soutien de 170 artistes et intellectuels, signataires d’une lettre ouverte au Conseil d’Etat vaudois, réclamant un moratoire sur les renvois.
«Votre responsabilité de gouvernants est pleinement engagée. Il vous appartient de donner aux citoyens un message de solidarité et d’humanité, et non des réponses forgées selon une logique bureaucratique, comme ce fut le cas à d’autres moments tragiques de l’histoire européenne», conclut la missive, lue hier par l’écrivain Jérôme Meizoz. «Il faut réveiller la conscience collective», a ajouté Christophe Gallaz, écrivain et chroniqueur.

Les défenseurs des migrants appellent le Gouvernement vaudois à tenir tête à Berne. «Le respect des droits fondamentaux doit l’emporter sur les décisions technocratiques et sur les tentatives d’intimidation fédérales», souligne le collectif R, en référence à une récente réponse du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) adressée au Conseil d’Etat sur les conditions d’accueil en Italie. «Il n’appartient pas aux cantons d’émettre des exigences particulières», y soulignait notamment le secrétaire d’Etat Mario Gattiker.

Philippe Leuba absent

Contacté hier, Philippe Leuba n’a pas donné suite à nos appels. Dans sa lettre du 20 mai, le ministre vaudois de l’asile dit chercher avec ses collègues des solutions alternatives, compte tenu de la fermeté du SEM. Un projet pilote en collaboration avec une organisation internationale y est évoqué, visant à «améliorer les conditions du retour et l’information des personnes frappées d’une décision de renvoi vers l’Italie».