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Notre regard

Lettre ouverte d’artistes et intellectuel-le-s au Conseil d’Etat vaudois

Lettre ouverte publiée le 26 mai 2015. Cliquez ici pour lire la lettre sur le site www.desobeissons.ch. Cliquez ici pour voir la liste des signataires.

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

La situation dramatique des réfugiés sur les côtes italiennes suscite beaucoup de désarroi et de compassion dans la population. Pourtant, la Confédération et, ici, le Conseil d’Etat vaudois continuent à traiter les dossiers d’asile selon des principes étroitement administratifs, notamment dans les cas dits «Dublin».

L’accord dit de «Dublin» consiste à pouvoir renvoyer les demandeurs d’asile dans leur premier pays d’arrivée. Nos autorités y trouvent leur compte, car cela justifie administrativement les renvois vers les zones côtières de l’Europe, sans avoir à se poser de questions éthiques. En outre, il fait porter toute la charge de solidarité à l’égard des peuples du Sud à des pays côtiers comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Enfin, le plus souvent, les circonstances personnelles (médicales, familiales, etc.) contraires à un renvoi ne sont pas prises en compte. Les autorités fédérales auraient la possibilité de recourir à la fameuse «clause de souveraineté» qui permet une décision humanitaire, mais son application discrétionnaire, à la libre appréciation du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), reste trop rare.

Il est donc quasiment impossible, pour une personne estampillée comme «cas Dublin», de faire valoir en justice ses droits contre une décision de renvoi, même en cas de problèmes médicaux graves. Les recours sont presque systématiquement balayés. En mars dernier, cependant, le Tribunal administratif fédéral a désavoué le SEM et a jugé que ce dernier doit examiner dans chaque cas les circonstances personnelles contraires à un renvoi, et justifier l’activation ou non de la clause de souveraineté. Cette décision de justice donne un argument supplémentaire pour que le gouvernement cantonal s’engage politiquement en faveur d’une application plus humaine du système Dublin.

C’est pourquoi nous, artistes et intellectuels, soucieux de remettre le vivre-ensemble au centre de l’action politique, demandons au Conseil d’Etat d’avoir la clairvoyance et le courage de dire «non» à des décisions qui redoublent l’exil de personnes ayant cherché refuge en Suisse; de restaurer la primauté de leur responsabilité politique et morale sur la logique aveugle de la mécanique administrative, et, par conséquent,

D’établir un moratoire sur les «transferts Dublin» vers l’Italie.

D’accorder sa protection aux personnes réfugiées à l’église St-Laurent (Lausanne), jusqu’à ce qu’elles aient accès à une procédure d’asile ordinaire en Suisse.

De s’engager auprès des autorités fédérales pour qu’elles examinent, dans chaque situation, les circonstances personnelles contraires à un «transfert Dublin».

Dans cette situation tragique, votre responsabilité de gouvernants est pleinement engagée. Vos décisions et vos actes pèsent aussi sur l’opinion publique. Il vous appartient de donner aux citoyens un message de solidarité et d’humanité, et non des réponses forgées selon une logique bureaucratique, comme ce fut le cas à d’autres moments tragiques de l’histoire européenne.