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Le Courrier | La mobilisation pour les exilés des Tattes prend de l’ampleur

Une quarantaine de militants et de migrants occupent le Grütli depuis lundi soir contre le transfert en abri PC de quatre-vingts requérants d’asile.

Article de Pauline Cancela, paru dans Le Courrier, le 17 juin 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

La mobilisation continue contre le transfert de requérants d’asile dans des abris PC. A l’heure où nous mettions sous presse, une quarantaine de personnes, dont des ex-pensionnaires du foyer des Tattes, à Vernier, s’apprêtaient à passer une deuxième nuit au sein de la Maison des arts du Grütli. Un rassemblement a réuni hier soir plus de cent personnes sur le parvis de l’institution pour s’opposer à l’hébergement de migrants dans des bunkers, avant de défiler dans les rues du centre-ville.

Après l’intervention de la police aux Tattes et un premier rassemblement de protestation lundi, le théâtre leur avait ouvert ses portes dans la soirée sur autorisation de la Ville de Genève. Dans la nuit de lundi à mardi, déjà trente-cinq migrants ont dormi dans les couloirs du deuxième étage de l’institution, accompagnés de sympathisants du collectif Sans retour, de Solidarité Tattes et du parti Solidarités. Ils s’opposent à une décision de l’Hospice général de les déménager dans les abris PC de la Gabelle, Annevelle et Châtelaine.

Hier après-midi, une délégation du mouvement a été reçue par le conseiller d’Etat Mauro Poggia, magistrat de tutelle. Qualifiée d’«infructueuse», la rencontre a convaincu les manifestants de poursuivre la mobilisation jusqu’à l’obtention d’un nouveau lieu d’hébergement durable et en surface. «Nous n’avons eu aucune garantie de sa part. Nous continuerons à nous battre pour un foyer décent et si on ne nous le donne pas, nous le prendrons!» scandent les militants.

Le magistrat explique, de son côté, ne rien pouvoir faire dans l’immédiat face à la nécessité de libérer de la place pour loger des familles aux Tattes (lire ci-contre). La mesure concerne environ quatre-vingts personnes selon l’Hospice général et a déjà été effective pour au moins vingt-trois d’entre elles. Mais hier soir, les militants auraient été prévenus par un employé du foyer de Vernier qu’une nouvelle «rafle» allait avoir lieu ce matin pour évacuer l’ensemble des pensionnaires visés, ce que nous n’avons pas pu confirmer.

Dans un communiqué, l’Hospice général rappelle que le déménagement en abri PC concerne uniquement des hommes célibataires déboutés. «Cette mesure d’urgence est prise pour faire face à l’arrivée massive de personnes attendues dans les semaines à venir. Cela permettra de libérer deux bâtiments qui seront aménagés pour accueillir une quarantaine de familles.»

Résistance juridique

Un argument dont doutent certains manifestants rencontrés hier, pour qui il s’agit surtout d’une opération de «nettoyage». «Ils veulent juste se débarrasser de nous!» se désole Salif, l’une des victimes de l’incendie du foyer qui a eu lieu cet automne et qui s’attend à être cueilli ce matin. Pour Moussa, «même les conditions de logement au foyer des Tattes ne sont pas adaptées à des familles. Il faut leur trouver un lieu décent pour elles aussi.»
«On dort bien mieux ici que sous la terre. Les abris PC c’est pour les rats. Au moins aux Tattes, il y a des fenêtres», ajoute un requérant tunisien également évacué.

Forts de ce constat, plusieurs des migrants ont décidé de faire opposition à leur évacuation. A midi, une résistance juridique était en train de s’organiser. Pendant ce temps, des jeunes sympathisants préparaient un copieux buffet grâce aux invendus donnés par les commerçants du marché de Plainpalais.

Lundi, l’occupation du Grütli par les manifestants avait été tolérée par la Ville de Genève, propriétaire des lieux. Après que l’église voisine du Sacré-Cœur leur aurait refusé l’entrée, la maire Esther Alder et le chef de la Culture Sami Kanaan se sont rendus sur place pour les écouter. «Nous appelons le Conseil d’Etat à trouver une alternative décente à l’hébergement sous terre. Le Grütli n’est pas une solution durable et la Ville n’a pas pour responsabilité de les loger à long terme», réagit M. Kanaan.

La Ville en quête de solutions

Le conseiller administratif souligne que les requérants d’asile, quel que soit leur statut légal, constituent une population «traumatisée» et que les conditions de leur transfert lundi ont été très dures de la part des autorités cantonales.
En attendant, la Ville cherche d’autres solutions d’hébergement. La possibilité d’un refuge au sein d’une église ou d’un temple, comme à Lausanne, était évoquée hier soir par les sympathisants.

Mauro Poggia promet une alternative avant la fin de l’année

Le conseiller d’Etat Mauro Poggia, magistrat de tutelle de l’Hospice général, a reçu les manifestants hier. Il réagit à la mobilisation. «Depuis des mois, nous n’écartons aucune piste et avons plusieurs terrains en vue. Donc l’Etat cherche activement des solutions et l’on pourrait espérer un minimum de reconnaissance. En attendant mieux, les manifestants ont quand même un toit pour vivre et ils ont eu trois jours pour prendre leurs dispositions, contrairement à ce qui a été dit.»
Le magistrat explique la démarche de l’Hospice: «Il s’agit de la moins mauvaise décision et nous ne souhaitons pas qu’elle se prolonge. Je garantis toutefois de tout mettre en œuvre pour trouver une alternative avant la fin de l’année, car la solution de l’abri PC n’est ni humainement acceptable ni économiquement viable.»

Et de souligner qu’il a fallu procéder à un arbitrage. «Le déménagement en abri PC ne concerne que des personnes pour qui cela devrait poser le moins de problèmes, des hommes qui ne devraient pas rester en Suisse. Face aux autres requérants d’asile dont la procédure est en cours ou qui nécessitent un encadrement, nous avons dû faire des choix.» Selon lui, trois familles syriennes seraient déjà arrivées au Foyer des Tattes.