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Documentation

Sami Kanaan | Requérants du Grütli: une question de dignité

Lettre ouverte de Sami Kanaan parue aujourd’hui dans Le Matin Dimanche, en réponse à l’éditorial de Peter Rothenbühler paru la semaine passée dans ce même hebdomadaire.

Lettre qui peut être lue sur le blog de Sami Kanaan, en cliquant ici.

Cher Peter Rothenbüler,

Vous semblez penser que je suis devenu  le meilleur promoteur de l’UDC et du MCG parce que j’aurais toléré l’occupation d’un bâtiment sous ma responsabilité, plutôt que mettre à la rue une trentaine de personnes ayant demandé l’asile dans notre pays.

Soit, c’est votre appréciation, pourtant les récentes élections municipales genevoises vous donnent tort. Votre billet, en revanche, légitime clairement ces idées à la fois inacceptables et inefficaces. Mais là n’est pas l’important. Vous mettez sur le même pied des soldats effectuant leur cours de répétition (j’en ai fait), des groupes de jeunes logeant quelques jours en marge d’un événement sportif, culturel ou autre (je l’ai fait), et des requérants d’asile qui y entrent et ne savent pas quand ils ont en sortir, 4, 6, 10, 12 mois plus tard. En tant que soldat, on sait qu’on rentre à la fin de la semaine chez soi et on est occupé la journée. En tant que jeune, on sait qu’on y passe quelques jours dans un contexte positif, choisi et détendu. Dans ce cadre-là, dormir en abri PC peut même être ludique.

Certes, les abris PC sont sûrs et salubres. Encore heureux. Mais de là à dire qu’ils conviennent à loger pour une durée indéterminée, nuit et jour, des gens qui ont fui la guerre, des exactions ou simplement la plus grande misère, il y a un pas que vous franchissez en pleine allégresse. Car le problème est là. On ne peut pas simplement « stocker » indéfiniment des gens, quel que soit leur profil ou leur origine ou leur statut, dans des abris, sans la moindre perspective de temps, et sans la moindre possibilité de s’occuper intelligemment la journée. Les problèmes sont programmés si on adopte cette approche qui constitue un déni de réalité, alors que nous faisons face, que nous le veuillons ou non, des flux migratoires importants.

En cela, je ne me moque pas du tout de la générosité de mes concitoyens. Au contraire. Je l’estime à sa plus haute valeur, contrairement à vous, qui mettez en doute le droit d’asile en écrivant que les requérants « prétendent » avoir fui la guerre, la mort ou la misère. De même, j’estime à sa plus haute valeur la longue tradition humanitaire et d’accueil, qui a fondé la Suisse et Genève, bien avant que le droit d’asile lui-même n’existe. Une tradition à laquelle Genève n’a pas fait honneur ces temps.

Enfin, je dois avouer toute mon incompréhension pour votre remarque finale, qui me ferait leur promettre des voitures… Vous avez dû mal regarder mon parcours… Je vous propose plutôt de leur promettre des vélos. Mais tiens, c’est justement un projet-pilote mis en place par Genève depuis des années et aujourd’hui largement reconnus, qui proposent à des requérants d’asile de travailler dans les ateliers et au prêt des vélos Genève-Roule, pour le plus grand bonheur de toutes et tous!

Comme quoi, la mobilité douce conserve une longueur d’avance!