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Notre regard

Nouveaux centres fédéraux: quid de l’accès à l’aide juridique?

Dans le cadre de la future restructuration dans le domaine de l’asile, la Confédération a mis en place à Zurich un centre fédéral test afin d’évaluer, durant trois ans, de nouvelles procédures accélérées. Tous les projecteurs sont tournés vers ce centre et vers la mise en place d’une aide juridique gratuite, qui seront au cœur des débats parlementaires visant à l’adoption de la nouvelle loi. Or, parallèlement et discrètement, d’autres centres fédéraux ont été ouverts, anticipant le processus en gestation au Parlement et les évaluations finales du dispositif-test. Les choses s’y mettent en place de manière… différente mais néanmoins rapide. Informations directes du terrain et point sur le développement des nouveaux centres fédéraux délocalisés, dont l’isolement met les acteurs de l’asile devant des situations impossibles. (Vivre Ensemble)

A l’ouverture des Centres d’enregistrement et de procédure (CEP) en 1989, la durée maximale du séjour était de 10 jours. Ces centres étaient conçus pour l’enregistrement de la demande d’asile uniquement; la procédure se déroulait dans les cantons. Puis le temps de séjour a été étendu à 30, 60 puis 90 jours. La nouvelle loi prévoit une durée maximale de 100 jours, voire de 140 jours pour les personnes relevant du régime Dublin. La volonté est que les requérants d’asile passent pour les cas simples, évalués à 60% des personnes concernées, toute leur procédure dans un centre fédéral. Après la décision, puis éventuellement le recours, ils sont soit acceptés et attribués à un canton, soit refusés et expulsés.

Pour ce faire, la Confédération envisage de mettre en place des grands centres fédéraux capables d’héberger tous les requérant-e-s pendant la durée de la procédure. Cette prolongation du séjour dans un CEP prévue par la nouvelle restructuration ira normalement de pair avec un accès à une information sur le déroulement de la procédure. Une défense juridique d’office et gratuite dès le dépôt de la demande d’asile est prévue pour compenser la réduction drastique des délais de recours et garantir le principe juridique d’«accès à une procédure équitable». Le dispositif est actuellement testé à Zurich.

Alors que les modifications de la loi sur l’asile prévues dans le cadre de la restructuration dans le domaine de l’asile étaient toujours en discussion au Parlement, et alors que tous les acteurs de l’asile analysent scrupuleusement le centre-pilote de Zurich -dont la phase de test et les évaluations finales ne sont pas terminées-, le SEM développe déjà en parallèle de nouveaux centres fédéraux: les Rochat (VD), Perreux (NE), Bremgarten (AG), Losone (TI), Gubel (ZG). Mais ces nouveaux centres dont personne ne parle, satellites des CEP, ne sont pas aussi urbains et centrés que celui de Zurich. Et aucun système de défense juridique n’y est prévu.

Isolement total

Ces centres satellites riment avec un isolement social sans précédent des requérant-e-s d’asile. Ils participent à les éloigner de la population civile. L’accès à une défense juridique, non financée par l’Etat, en est rendu très aléatoire. Les conditions ne sont pas réunies afin de garantir une procédure d’asile équitable prévue dans la loi sur l’asile.

Selon la base légale actuelle et selon tout Etat de droit, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) serait déjà tenu de favoriser l’accès à un conseil juridique. Or, dans la pratique, un tel accès n’est pas possible près de ces centres!

Suite à la notification de la décision, l’entreprise ORS, en charge des questions d’hébergement, transmet aux requérant-e-s une liste avec les coordonnées des bureaux de conseil juridique dans lesquels ils peuvent se rendre pour faire analyser leurs décisions. Et elle remet un billet de transport aux personnes qui souhaitent se rendre à une consultation juridique.

Pour rappel, les bureaux de conseil juridique (BCJ) pour requérant-e-s d’asile ne reçoivent, à l’heure actuelle, aucune subvention publique et se financent avec difficultés grâce au soutien des Eglises et des œuvres d’entraide. Leurs activités ont toujours été et sont toujours très précaires. Désormais, les BCJ doivent en plus assumer la responsabilité de trouver une solution pour faire face à la multiplication des centres et à la difficulté d’accès, sans aucun nouveau financement.

Au vu de la délocalisation des centres, il est logistiquement et financièrement impossible d’ouvrir un bureau et des permanences à côté des centres, comme le Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE) de l’EPER (Entraide protestante suisse) à Vallorbe par exemple. Pour faire face à la nouvelle situation et pour regrouper ses forces, l’EPER a décidé d’ouvrir un BCJ à Yverdon. Cette ville est accessible, même si péniblement, à pied, puis en transport public depuis les Rochat, Perreux et Vallorbe. Au regard du potentiel de 370 requérant-e-s en procédure dans ces centres, le poste juridique à 60% ainsi créé au sein du nouveau SAJE-Yverdon  ne peut que difficilement garantir à lui seul une procédure d’asile équitable.

Elise Shubs
Adjt. departement projets suisses – EPER

L’exemple du Centre fédéral des Rochat (VD)

Le centre fédéral des Rochat, ouvert le 1er juin 2014, se trouve dans la caserne militaire des Rochat. Il peut accueillir 120 personnes. Il se situe dans le Jura à 1223 m d’altitude, à 6 km à pied du premier village, Provence (VD). Aucune liaison de transport public n’existe entre les Rochat et Provence. En hiver, seuls les véhicules 4×4 peuvent y accéder. Il n’existe aucune infrastructure autour du centre à part un restaurant pour touristes en excursion. Dans le centre, il y a deux cabines téléphoniques dans lesquelles il n’est pas possible de passer des coups de fil. Il est uniquement possible d’en recevoir. Il n’y a pas d’accès à un fax, ni à un ordinateur ou à du wifi.

L’exemple du Centre fédéral de Perreux (NE)

Encore en travaux, ce centre délocalisé accueille actuellement 80 personnes et prévoit d’en accueillir jusqu’à 250. Il se situe sur le complexe psychiatrique de Perreux. Ancienne bâtisse de l’hôpital, ce centre est entouré d’une barrière afin «d’assurer la sécurité des patients du site psychiatrique». Les requérant-e-s n’ont pas le droit de se promener sur le site, ni d’entrer dans la cafétéria. Il n’est pas possible de déposer une demande d’asile dans ces centres délocalisés et les auditions et autres étapes éventuelles de la procédure se font, par exemple pour Les Rochat et Perreux, au CEP de Vallorbe – centre principal.