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ForumAsile |  Le Tribunal fédéral donne raison à Elisa-Asile…

… et reconnaît l’importance de son travail auprès des requérants d’asile à l’aéroport.

Le Tribunal fédéral (TF) vient de donner raison à ELISA-ASILE. Il juge que l’association a la qualité pour recourir devant le Tribunal administratif  fédéral (TAF) ce qui lui avait été refusée. Ce dernier devra donc se prononcer sur le fond du litige qui oppose l’association à l’Aéroport International de Genève, celui qui concerne la délocalisation des requérants d’asile dans un bâtiment clôturé hors zone de transit, loin de celle-ci. Un hébergement qui s’apparente à de la détention illégale au regard du droit international, selon le UNHCR.

Article publié sur le blog ForumAsile, le 13 octobre 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le blog.

[caption id="attachment_25763" align="alignright" width="300"]Un requérant mineur non-accompagné retenu à l’aéroport de Genève. Photo, J.Caye. AIG 2011 Un requérant mineur non-accompagné retenu à l’aéroport de Genève. Photo, J.Caye. AIG 2011[/caption]

Bref historique

C’est l’emplacement du lieu d’hébergement des requérants d’asile à l’aéroport de Genève qui est à l’origine de l’opposition entre l’association Elisa-Asile et l’Aéroport International de Genève (AIG). Dans le projet d’agrandissement de la zone de transit de l’aéroport, appelé Projet Aile-Est, la direction a décidé de délocaliser les requérants d’asile hors zone de transit où ils se trouvent actuellement pour les placer dans un nouveau bâtiment éloigné du bâtiment principal de l’autre côté des pistes de décollage, dans un centre entièrement clôturé, éloigné, isolé et sans surveillance nocturne.

Si dans ce nouveau projet, l’accès à la zone de transit est garanti par une navette régulière, la liberté de mouvement restreinte des personnes en procédure et l’assistance juridique rendue plus difficile ont motivé, dès le début, l’opposition de l’association.

Dans un avis circonstancié, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) soutient que l’hébergement des requérants d’asile dans un bâtiment aussi éloigné de la zone de transit, viole la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 car il s’apparente à de la détention.

Il n’est pas inutile de rappeler que les personnes qui déposent une demande d’asile à l’aéroport peuvent être retenues jusqu’à 60 jours dans la zone de transit, que les délais de recours sont les plus court (5 jours ouvrables), que certaines familles avec des enfants en bas âge ont fait la durée maximale en zone de transit car ils étaient en attente d’un renvoi vers leur pays d’origine et  qu’Elisa-Asile a le rôle de «personne de confiance» (représentant légal) pour les mineurs non-accompagnés retenu dans cette zone, ce qui exige des interventions rapides à l’aéroport et un suivi très soutenu de leur situation.

Chronologie des faits

Dans un premier temps, l’association a fait opposition au projet, puis s’est entretenue avec la direction de l’AIG pour expliquer la situation des requérants d’asile à l’aéroport et son travail d’assistance juridique qui exige régulièrement des interventions rapides sur place. Puis en décembre 2013, Elisa-Asile a fait recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) contre la décision d’approbation du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Mais le TAF a déclaré le recours irrecevable, jugeant que l’association ne bénéficiait pas de la qualité pour recourir, considérant que

« les griefs invoqués n’avaient pas pour objet de protéger les intérêts de l’association mais ceux des futurs occupants des infrastructures projetées ».

Il a également estimé que les contraintes liées aux modalités d’accès au nouveau bâtiment (heures d’ouverture, accès par bus navettes et horaires) ne pouvaient fonder sa qualité pour recourir.

Le Tribunal fédéral se range du côté d’Elisa et reconnaît l’importance de son travail à l’aéroport

Représenté par Maîtres Philippe Currat et Arnaud Moutinot, Elisa-Asile a recouru au Tribunal fédéral pour contester cette décision. Ce dernier a donné raison à l’association.

  • Il reconnaît l’importance de la représentation juridique à l’aéroport et estime que le projet de construction litigieux affectera le travail des mandataires d’Elisa car il les contraindra à emprunter les navettes mises à disposition par l’Aéroport International de Genève pour contourner la zone de décollage alors que ses mandataires bénéficient aujourd’hui d’un «accès direct et indépendant à la zone de transit».
  • En outre, il estime que les délais de recours particulièrement brefs (5 jours ouvrables au lieu de 30 habituellement) impliquent de pouvoir entrer rapidement en contact avec les requérants concernés afin de leur garantir une défense efficace ce que la configuration actuelle des lieux permet.
  • Le Tribunal fédéral rappelle aussi que les mandataires d’Elisa doivent être particulièrement disponibles envers les requérants mineurs non-accompagnés pour lesquels l’association a reçu un mandat de «personne de confiance».

(…) force est de constater que le droit fédéral pose des exigences de célérité particulières en matière de traitement des demandes d’asile; les personnes engagées dans la défense juridique des requérants d’asile doivent ainsi être disponibles et atteignables de manière quasi constante. (considérant 5.2, p.7). 

Le TAF va donc prochainement être contraint d’étudier en détail le recours de l’association, et prendre en compte son argumentaire, avant de rendre une décision de fond.

La possibilité d’un compromis: rêve ou réalité? 

Parallèlement à la procédure judiciaire, plusieurs discussions ont déjà eu lieu entre les personnes en charge du dossier à Elisa (Jasmine Caye & Michel Ottet), la direction de l’AIG et le Conseiller d’Etat, Mr. Pierre Maudet.

L’AIG a déjà commencé les travaux de construction du nouveau bâtiment dont le coût est estimé à quelque CHF 5 millions sans jamais considérer les alternatives proposées par l’association Elisa-Asile. Pourtant l’association continue de penser que le bon sens va à l’encontre d’une construction aussi coûteuse. En effet depuis janvier 2015 le nombre de demandes d’asile déposées à l’aéroport est de 9 et la plupart des requérants ont été rapidement attribués en Suisse.

  1. Communiqué de presse de l’association Elisa-Asile – Communiqué de Presse 14.10.2015
  2. Arrêt du Tribunal fédéral, 18.9.2015, 1C-56/2015 – Arrêt du TF (suite au recours de Maîtres Currat et Moutinot)
  3. Arrêt du TAF, 2.12.2014 (A-6883/2013) – TAF A-6883_2013 (suite au recours de J. Caye, Elisa aéroport).
  4. Avis du UNHCR – UNHCR position on the new facility, Sept.2013
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