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Notre regard

En bref | Statistiques: Protéger ou faire du chiffre?

En octobre dernier, 1533 Afghans ont déposé une demande d’asile en Suisse, presque le double qu’en septembre. Une augmentation qui n’a pas manqué de faire la une des médias romands. Elle s’expliquerait par le tour de vis des autorités allemandes, qui ont décidé de donner la priorité aux Syriens et de travailler à une intensification des renvois vers l’Afghanistan. Début décembre, Angela Merkel a rencontré à Berlin le président afghan Ashraf Ghani afin d’entamer un dialogue autour de la lutte contre «l’immigration illégale».

Les Afghans se redirigeraient donc vers la Suisse. Mais comment sont-ils accueillis dans notre pays? Reçoivent-ils une protection? Si l’on exclut les quelques 43% des demandes frappées d’une décision de non-entrée en matière, majoritairement Dublin, le taux de protection accordée par les autorités suisses est de 93,2%, en comptant les octrois de l’asile (19,6%) et les admissions provisoires (73,6%). Admissions provisoires qui sont, pour la très grande majorité, prononcées pour cause d’inexigibilité du renvoi, c’est-à-dire lorsque «le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale» (art. 83 al.4 LEtr).

Autant dire que les Afghans ne sont pas vraiment des «migrants économiques», comme tentent de le suggérer certains politiciens européens… ou suisses. Ainsi du président du Parti libéral radical Philipp Müller, qui s’est empressé d’appeler la Confédération à «très clairement dire que les réfugiés afghans ne sont accueillis que provisoirement en Suisse». Une façon de les délégitimer? Monsieur Müller avait cet été jeté l’opprobre sur les Érythréens, alors en tête du classement des pays d’origine des demandes d’asile…

Nora Bernardi

Voir aussi l’intervention du Comptoir des médias auprès de l’ats (novembre 2015): « Autour du taux de reconnaissance du besoin de protection pour les ressortissants afghans« .