Aller au contenu
Documentation

Le Courrier | Genève, foyers: les communes mises au défi

Le canton souhaite augmenter sa capacité d’accueil autrement qu’en ouvrant des abris de protection civile, mais il peine à convaincre certaines communes. Tour d’horizon.

Article de Florian Erard, publié dans Le Courrier, le 12 avril 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

«Les communes doivent jouer le jeu et proposer des parcelles», s’exclame Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS). A Genève, pour disposer de davantage de terrains capables d’accueillir des lieux d’hébergement pour migrants, l’Etat se tourne vers les communes. Il dit vouloir éviter, autant que possible, de loger ces personnes dans les abris de protection civile (PC). En effet, la vie en sous-sol coûte plus cher qu’en surface. Elle se révèle aussi néfaste pour la santé physique et psychique des occupants. Aujourd’hui, neuf logements souterrains abritent tout de même 553 personnes. D’ici à la fin du mois d’avril, deux abris PC supplémentaires ouvriront, augmentant la capacité en sous-sol à 700 personnes. En surface, quatorze centres n’accueillent pas moins de 2720 personnes, 3220 migrants occupent des appartements et 105 sont logés à l’hôtel.

Si les chiffres pour 2016 restent équivalents à ceux de 2015, il manquera 1300 places, selon l’Hospice général. Pour autant que tous les projets passent la rampe dans les différentes communes et sans recours, 1480 lits pourraient être créés d’ici à fin 2017, début 2018. Toutefois, des oppositions surgissent, mettant à mal ce scénario idéal. Tour d’horizon.

Résistances

En Ville de Genève, le canton veut disposer de deux parcelles: au parc Rigot, à proximité de la Maison de la Paix, ainsi qu’à Montbrillant. Des demandes d’autorisation de construire devraient être déposées ces prochains jours. Des bâtiments modulaires sont prévus pour accueillir notamment des familles.

Problème: Rémy Pagani, conseiller administratif chargé du Département des constructions et de l’aménagement, ne soutient pas la solution du chemin Rigot: «Cette parcelle est une zone de verdure protégée et non constructible. Pour garantir la construction en dur du collège Sismondi voisin, j’ai assuré aux habitants que le parc resterait tel quel.» Et de dire son scepticisme face à ce projet dont un renvoi dans les commissions consultatives de l’Etat, telle que la commission des monuments de la nature et des sites, pourrait s’avérer fatal. Et cela sans oublier les possibles recours d’habitants.

Alternative à Montbrillant

Comme unique alternative: «J’ai proposé le terrain de Montbrillant qui pourrait accueillir jusqu’à 350 personnes.» Une solution d’autant plus judicieuse, selon M. Pagani, que l’école de Chandieu doit ouvrir dès la prochaine rentrée scolaire. Des classes du primaire pourraient ainsi accueillir les enfants migrants. De son côté, M. Poggia conteste la capacité des modules de Montbrillant qui ne pourront, selon lui, accueillir plus de 150 personnes, puisque des espaces communs et non pas uniquement des chambres doivent être prévus. La Ville de Genève ne peut-elle vraiment pas faire plus? Selon M. Pagani, les zones potentielles d’accueil sont très restreintes, au vu de la densité de la Ville. «Loger 700 personnes dans un même quartier, comme le voudrait le conseiller d’Etat, est intenable pour nos infrastructures scolaires et sociales.»

A Thônex, le maire, Philippe Decrey, ne veut pas du projet de logements modulables (370 migrants) sur un terrain de Belle-Idée, propriété de l’Etat. Le dépôt de la demande d’autorisation de construire est pourtant imminent, indique l’Hospice général. Hormis la gestion des déchets, l’Hospice annonce prendre tous les frais en charge. Le maire reste toutefois sceptique, estimant qu’il devra mettre à disposition davantage de correspondants de nuit pour garantir la sécurité sur le sol de sa commune. Il a annoncé vouloir s’opposer au projet. Des associations de Thônex devraient lui emboîter le pas.

Recours en vue?

A Onex, un projet de logements modulables a passé la rampe politique: 170 places seront créées d’ici à fin 2017, début 2018 sur la parcelle de Morillon-parc. Mais la maire, Carole-Anne Kast, n’exclut pas des recours de particuliers. Yvan Zweifel, élu PLR dont le parti s’est fait le porte-voix de pétitionnaires mécontents, confirme avoir entendu des voisins désireux de déposer un recours: «Le projet a été politiquement accepté, mais reste la question des coûts comme la gestion des déchets. Autre interrogation, la sécurité: les requérants ne vont pas rester dans le centre toute la journée, ils se baladeront», note-t-il avant d’exprimer son scepticisme quant au terme de constructions «provisoires» avancé par l’Hospice général.

A Veyrier, l’Hospice s’apprête à déposer une demande d’autorisation de construire pour ériger des éléments modulables dans le quartier des Grands Esserts. Capacité: 370 personnes. Mais le maire, Raymond Gavillet, voit difficilement comment un tel projet pourrait s’intégrer dans une zone en pleine expansion: «Nous cherchons des alternatives acceptables, même si toutes ne permettraient pas d’accueillir autant de migrants que le veut l’Hospice.» Et si ce dernier dépose quand même sa demande d’autorisation de construire aux Grands Esserts? «Le dialogue pourrait devenir plus compliqué», déclare le maire, sans dire si Veyrier ferait opposition. Des riverains seraient également prêts à déposer un recours. Certains sont représentés par l’avocat Thomas Barth, ancien maire de la commune. Du côté du DEAS, M. Poggia n’est pas opposé aux alternatives à condition qu’elles permettent d’accueillir autant de personnes que prévu par le projet initial: multiplier les centres de faible capacité ferait exploser les coûts d’encadrement, selon lui.

Autres pistes

L’Hospice général est en pourparlers avec d’autres communes. Elles auraient des terrains à mettre à disposition. A Vernier, sur un terrain d’Aïre, un centre pour requérants d’asile mineurs non accompagnés pourrait voir le jour. Le Conseil administratif y est favorable. Sans oppositions, le centre pourrait sortir de terre en 2018 et héberger 200 jeunes. Le PDC verniolan estime toutefois qu’il est peu judicieux de regrouper autant de jeunes sur un site.

A Lancy, deux terrains seraient à l’étude: l’un à proximité du stade de Florimont, l’autre vers le chemin de Surville. Plan-les-Ouates et Bernex, qui tient déjà son centre d’hébergement au Lagnon ainsi que des appartements accueillant vingt-deux Syriens, pourraient proposer des terrains. L’Hospice général attend des propositions concrètes.

D’autres communes ont fait un geste pour loger des migrants en surface. Avully, Dardagny, Meinier ou encore Carouge (qui dispose déjà de trois centres en surface) ont chacune mis à disposition un appartement pour une famille, en collaboration avec l’Hospice général. Si leur geste est pour l’instant symbolique, elles entendent étendre cette pratique, constatant qu’elle favorise l’intégration des migrants dans le tissu social.

Enfin, en périphérie, Choulex, Collex-Bossy, Collonge-Bellerive, Cologny, Bardonnex, Genthod, Meinier et Vandœuvres participent à leur manière à l’effort collectif: elles financent les postes de coordinateurs de l’unité «Action migrants» mise sur pied par l’Hospice général et dont le but est de coordonner les actions de la société civile en faveur des migrants, telles que l’offre de logements.