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Notre regard

Solidarité: « Félicitations!!! C’est un garçon!!! »

Dans la foulée des mouvements spontanés de solidarité avec les réfugiés qui ont émergé cet automne, diverses initiatives individuelles ont vu le jour. La famille d’Anne Maïa a choisi d’offrir un peu de chaleur humaine et de partager ses repas avec un jeune hébergé dans l’abri de protection civile de leur commune, Versoix. Un exemple parmi d’autres de gestes qui font la différence. Témoignage.

Félicitations!!! C’est un garçon!!! Non, il doit y avoir une erreur. Notre famille est au complet depuis la naissance de notre fille il y a 14 ans et nous n’attendons personne!! Nous sommes trois et il y a aussi les grands-parents, les oncles et tantes, nos nièces et nos amis, notre vie est bien rodée. Mais nous avons vu ces images insoutenables de femmes, d’hommes et d’enfants ramper sous un grillage pour venir chercher un endroit où se reconstruire. Nous avons senti les larmes nous monter aux yeux en regardant ces familles portant leurs enfants et les quelques objets nécessaires à leur survie. Alors quand l’été dernier l’abri PC de notre commune a ouvert pour recevoir des requérants, nous n’avons pas vu d’autre choix que de nous investir.

FamilleCUn groupe de bénévoles s’est formé afin d’accueillir dignement ces personnes et c’est tout naturellement que nous avons pris part aux diverses actions entreprises. Puis une nouvelle évidence est apparue. Nous voulions faire plus et surtout, nous pouvions faire plus. Ouvrir notre porte et pourquoi pas, notre cœur à l’un d’entre eux. Etre à ses côtés, partager nos repas, nos moments de détente, la joie et les rires de notre famille. Nous en avons discuté, pesé le pour et le contre: les différences, le vécu, l’investissement à long terme et la charge émotionnelle que cela pourrait représenter, l’incertitude du futur et le départ possible en cas de décision négative. L’idée a fait son chemin, les questions ont été posées. Pouvons-nous trouver de la place dans nos vies pour quelqu’un de plus? Comment notre fille adolescente réagira-t-elle et serons-nous disponibles avec nos emplois du temps déjà bien chargés? Les réponses ont été trouvées et un jour, est apparu sur notre canapé ce grand jeune homme dont nous ne connaissions que trois choses en plus de son prénom: Henok à 18 ans, il est érythréen et requérant d’asile.

FamilleANotre vie n’a pas beaucoup changé. Nos activités sont restées les mêmes et nous revisitons avec Henok les endroits où nous allions quand notre fille était petite. Son regard nous fait vivre les choses autrement. Désormais nous mettons quatre assiettes à table et la chambre d’ami est souvent occupée. Nos conversations déjà bien fournies ont une nouvelle couleur, de nouveaux mots. Jour après jour nous avons vu Henok nous accorder sa confiance, s’ouvrir, se raconter: son passé, son pays, ses facéties d’enfant qui le font toujours rire, son amour pour sa maman et ses frères et sœurs qu’il n’a pas vus depuis longtemps, sa petite sœur née au mois de novembre dernier sans qu’il puisse la voir mais dont il a choisi le prénom. Mais aussi le périple qui l’a amené jusqu’à notre pays, l’oisiveté forcée et pesante, l’envie d’un travail, d’une famille, d’une vie normale ici en Suisse et surtout, depuis quelques semaines, les fous rires qui interrompent parfois nos conversations. De notre côté nous partageons «notre Suisse», sa langue et ses règles. Le choc est immense, tout est à découvrir et à apprendre mais son intérêt est grand et son envie de s’intégrer fait qu’il est déjà, parfois, «un peu plus suisse que les Suisses» ce qui lui vaut au passage quelques moqueries de toute la famille.FamilleB

La facilité et le naturel avec lesquels chacun a trouvé sa place et l’attachement que nous avons pour ce jeune homme nous ont surpris et ne sont ternis que par l’attente et l’appréhension d’une décision qui ne nous appartient pas. Aujourd’hui Henok est là avec nous et un sourire s’affiche de plus en plus souvent sur son visage. Il découvre une certaine liberté même si le prix à payer est l’éloignement de celles et de ceux qu’il aime, une vie aujourd’hui sans travail ni salaire dans une chambre partagée avec trois autres personnes.

Finalement notre famille pouvait s’agrandir et notre vie bien rodée n’était pas si figée que ça. Nous sommes heureux d’avoir franchi le pas, d’avoir osé cette rencontre et fait entrer ce jeune homme dans nos vies.

Anne Maïa Falconnet

Les initiatives solidaires se multiplient en Suisse romande. Si vous aussi vous avez envie de vous engager,  consultez le « Petit guide solidaire » de la coordination asile.ge.

Vous êtes un groupement ou une association active, d’une manière ou d’une autre, auprès des réfugiés  en  Suisse  romande? Vous récoltez des  habits, cherchez des  bénévoles pour des cours de français, accompagner les réfugiés ou les demandeurs d’asile? Nous pouvons relayer vos actions et vos besoins: écrivez vivre.ensemble@asile.ch.