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HCDH | Violations dans le sud-est de la Turquie

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a déclaré avoir reçu une série de rapports alarmants sur de nombreuses violations qui auraient été commises par les forces de sécurité et militaires turques dans le sud-est de la Turquie au cours des derniers mois. Il a exhorté les autorités turques à accorder à des enquêteurs indépendants, y compris au personnel des Nations Unies, un accès sans entrave aux zones concernées afin de vérifier la véracité de ces informations.

Communiqué du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), du 10 mai 2016 . Cliquez ici pour lire le communiqué sur le site du HCDH.

«De plus en plus d’informations émanent de diverses sources crédibles sur les actions menées par les forces de sécurité dans la ville de Cizre au cours du couvre-feu prolongé qui y a été appliqué de la mi-décembre à début mars», a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein. «Et l’impression qui émerge, bien qu’encore sommaire, est extrêmement alarmante.»

«Je condamne fortement les violences et autres actes illégaux commis par des groupes de jeunes et par d’autres agents non étatiques, qui seraient affiliés au PKK, à Cizre et dans d’autres zones, et je déplore toute perte de vie résultant d’actes terroristes où qu’ils adviennent», a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein. «Toutefois, bien que la Turquie ait le devoir de protéger sa population des actes de violence, il est essentiel que les autorités respectent les droits de l’homme en tout temps lorsqu’elles mènent des opérations de sécurité ou anti-terroristes – et le droit international interdisant la torture, les meurtres extrajudiciaires, le recours excessif à la force meurtrière et la détention arbitraire doit être respecté.»

Le Haut-Commissaire a dit avoir reçu des rapports faisant état de civils non armés, dont des femmes et des enfants, intentionnellement pris pour cible par des tireurs embusqués ou par des tirs émanant de chars ou d’autres véhicules militaires.

«Il semble aussi que des destructions à grande échelle, et semble-t-il fortement disproportionnées, de biens et d’infrastructures communales importantes, aient eu lieu, y compris de bâtiments touchés par des tirs de mortiers ou d’obus, et que des dommages aient été infligés sur le contenu d’appartements et de maisons individuels dont les forces de sécurité avaient pris le contrôle», a-t-il déclaré. «Des allégations d’arrestations arbitraires, de torture et d’autres formes de mauvais traitements ont été reçues, ainsi que des informations selon lesquelles, dans certains cas, les ambulances et le personnel médical ont été empêchés d’accéder aux personnes blessées. De plus, il y a eu des déplacements massifs engendrés par les couvre-feux et par les combats, bombardements, meurtres et arrestations qui ont suivi dans de nombreux endroits du sud-est.»

«Le plus troublant», a déclaré le Haut-Commissaire, «ce sont les rapports citant des témoins et des proches à Cizre qui suggèrent que plus de 100 personnes seraient mortes brûlées vives, alors qu’elles avaient trouvé abri dans trois sous-sols encerclés par les forces de sécurité.»

«Toutes ces allégations, y compris celles dirigées contre les groupes luttant contre les forces de sécurité, sont extrêmement graves et devraient faire l’objet d’une enquête approfondie, bien qu’il semble que tel n’était pas été le cas jusqu’à présent», a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein. «Le Gouvernement turc n’a pas répondu favorablement aux demandes de mon bureau et d’autres organisations des Nations pour se rendre dans la région et recueillir des informations de première main.»

Le Haut-Commissaire a noté que plus d’information avait émané de Cizre que d’autres districts, villes et villages du sud-est, dont Silopi, Nusaybin et le quartier de Sur à Diyarbakýr, la principale ville de la région – qui ont été bouclés pendant des semaines sans interruption, et qui restent quasiment impossibles à atteindre, en raison d’une forte présence des forces de sécurité.

«Un tel manque d’information, en 2016, sur ce qui se passe dans une zone si grande et si facile à accéder géographiquement est à la fois extraordinaire et profondément inquiétant», a dit Zeid Ra’ad Al Hussein. «Ce black-out ne fait que nourrir les suspicions sur ce qui se passe sur place. Je réitère donc mon appel pour l’accès du personnel des Nations Unies et d’autres observateurs et enquêteurs impartiaux, y compris des organisations de la société civile et des journalistes.»

Notant que la sonnette d’alarme avait été tirée par d’autres entités internationales des droits de l’homme ces dernières semaines, Zeid Ra’ad Al Hussein a demandé une enquête rapide et la poursuite de toutes les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des violations du droit à la vie, y compris des meurtres extrajudiciaires, et dans des recours excessifs à la force meurtrière. Il a souligné que le système judiciaire devait agir indépendamment de toute autre branche de l’Etat, y compris de l’armée et de l’exécutif. Il a aussi demandé aux autorités turques d’autoriser le retour de tous ceux qui ont été déplacés de force et les a exhortées à garantir que, dans l’avenir, les couvre-feux soient limités à la durée minimale nécessaire et en prenant les considérations humanitaires dûment en compte.

Le Haut-Commissaire a noté l’engagement continu de la Turquie avec les organes onusiens des droits de l’homme, y compris la visite récente du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, l’examen récent du bilan du pays par le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et l’examen en cours de la Turquie par le Comité des Nations unies contre la torture, qui publiera ses observations finales le vendredi 13 mai.