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Notre regard

Le Courrier | Le renvoi «précipité» d’une famille afghane choque

Mercredi matin de la semaine passée, la famille A., originaire d’Afghanistan, est réveillée par la police, chargée de la renvoyer en Allemagne. Habitant au foyer des Tilleuls près de l’aéroport, ces réfugiés ont été expulsés en vertu des accords Dublin dans le premier pays européen où ils ont été enregistrés.

Article de Rachad Armanios, publié dans Le Courrier, le 1er juin 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

A Versoix, où la famille a logé dans un premier temps et où les trois enfants de 7, 10 et 15 ans étaient scolarisés, la façon dont ce renvoi «inhumain et précipité» a été opéré suscite indignation et émoi. Une bénévole de l’association «Versoix accueille» – qui propose des activités pour les requérants – et amie de la famille raconte que, deux jours avant le renvoi, l’Office cantonal de la population et des migrations avait pourtant accordé un délai de deux semaines et que la famille était en train de préparer ce départ avec la Croix-Rouge. «Ce délai devait permettre de terminer correctement le suivi psychologique de cette famille, qui a subi des traumatismes dans les pays qu’ils ont fuis, l’Afghanistan, puis l’Iran où ils s’étaient installés.» Cette amie tombe donc des nues quand elle reçoit des coups de fil, vers 7 h 20, le jour du renvoi. Elle a juste le temps d’arriver au domicile de la famille A., qui n’a pu que réunir quelques affaires en urgence. «Ils étaient en état de choc, surtout les enfants!» Les enseignants des trois enfants ont été consternés en apprenant le renvoi. L’un d’eux témoignant aussi de l’émoi de ses élèves, qui n’ont pas compris pourquoi ils n’ont pu dire au revoir à leur camarade. «Une élève m’a demandé si elle aussi allait être renvoyée.»

Les personnes qui ont accompagné cette famille ne dénoncent pas le renvoi en tant que tel, même si des démarches pour s’opposer à la non-entrée en matière sur leur demande d’asile ont été effectuées, en vain. «La famille s’était difficilement faite à l’idée du départ, mais elle l’avait accepté», témoigne Sandra de Meiris, une autre bénévole de «Versoix accueille». Elle ne comprend pas pourquoi la date du départ n’a pas été annoncée: «La police agit peut-être ainsi pour éviter que des requérants déboutés disparaissent dans la nature? Mais où voulez-vous qu’une famille avec trois enfants aille? Nous voulons dénoncer la façon traumatisante dont ce renvoi s’est déroulé pour que cela ne se reproduise plus.»

Le Département de la sécurité et de l’économie nous fait savoir qu’il ne communique pas sur les cas particuliers. Quant à un délai plus long qui aurait été accordé à la famille A.: «De manière générale, le canton n’est pas habilité à accorder des prolongations pour les délais de renvoi dans le cadre des accords de Dublin.»

La famille est aujourd’hui en Allemagne, dans des conditions difficiles, en attente d’être transférée dans une ville d’accueil, témoigne l’amie. «J’ai pu leur transmettre des messages et photos des élèves par messagerie. Cette famille tenait à rester en Suisse, car elle considérait ce pays comme le meilleur en termes de droits humains et d’hospitalité.»