Aller au contenu
Notre regard

Témoignage | Reliance: prendre un enfant par la main

Prendre un enfant par la main
Pour l’emmener vers demain,
Pour lui donner la confiance en son pas,
Prendre un enfant pour un roi.

Yves Duteil

Comment ne pas chantonner avec Yves Duteil, lorsque Hasan, ce garçon kurde de 10 ans, qui accuse un gros retard de développement, glisse sa main dans la mienne au hasard de nos balades au Bois de la Bâtie ou à l’aéroport? C’est le génie de celles et ceux qui ont créé l’association Reliance à Genève que d’avoir compris qu’il ne manquait pas forcément grand chose pour permettre à ces enfants de la guerre qui peuplent nos foyers de réfugiés d’échapper à un cul de sac scolaire. Un peu de temps, d’écoute et d’empathie suffisent parfois à faire des miracles. Et ce n’est pas pour rien que «reliance», qui repose sur la notion de lien, rime avec confiance et résilience.

Confiance et résilience

Depuis quelques années, plusieurs dizaines de «tutorats» scolaires se sont ainsi mis en place, entre un enfant signalé par le milieu scolaire du fait de ses difficultés, et des bénévoles offrant leur temps pour accompagner celui qui leur est confié à raison de 2 à 4 heures par semaine. Aide aux devoirs scolaires, bien sûr, appui personnalisé pour combler certaines lacunes d’apprentissage, mais beaucoup plus que cela, en fait : Un lien fort avec un enfant et sa famille mis au défi de s’adapter à leur société d’accueil. Et pour ceux qui souffrent souvent d’un isolement social difficile à rompre lorsqu’on se retrouve cantonné dans un statut précaire et limité par sa méconnaissance de la langue, ce lien individualisé peut être essentiel pour se reconstruire à partir de ses propres ressources. Pour être simple, l’idée de ces «tutorats» n’en implique pas moins un suivi et un encadrement conséquent. C’est que la mission que s’est assignée Reliance impose aussi une exigence de qualité. Filtrage des volontaires quant à leur motivation, séances régulières de formation, mise en commun des expériences dans des réunions périodiques d’intervision accompagnées par des professionnels qualifiés sont là pour garantir la bonne marche de l’association. Le fait est que sur ces bases le succès est au rendez-vous, avec des élèves initialement en difficulté qui parviennent parfois à des résultats brillants, et des jeunes qui retrouvent une motivation forte pour construire leur avenir.

Rapidement reconnue et subventionnée par le Département de l’instruction publique, Reliance est aujourd’hui fortement sollicitée pour élargir son activité, notamment auprès des mineurs et jeunes demandeurs d’asile non accompagnés, dont l’insertion sociale est un véritable défi. C’est que les autorités ont vite senti l’intérêt de cette démarche de «parrainage» individuel dans une optique d’intégration. Idéalement chaque enfant, chaque mineur gagnerait à pouvoir compter sur l’appui d’un «tuteur», mais une croissance mal contrôlée pourrait aussi mettre à mal la bonne marche de l’association, dont les responsables restent à ce jour bénévoles.

Faut-il encore le dire, ce travail d’accompagnement auprès de jeunes migrants, dont beaucoup sont appelés à vivre durablement parmi nous, a peu à voir avec du dévouement bien intentionné. Car ici, comme souvent dans la vie, donner veut aussi dire recevoir. Au delà de l’engagement citoyen que représente la volonté de prendre sa part de l’accueil de réfugiés, un tutorat Reliance est en effet une activité incroyablement gratifiante sur le plan humain, une expérience concrète enrichissante dans l’approche de personnes issues d’une autre culture et une ouverture essentielle sur la réalité de l’exil avec laquelle il est grand temps que notre société apprenne à vivre.

YVES BRUTSCH
TUTEUR RELIANCE

A Syrian child at the entrance of the canteen of the Krnjaca camp. Serbia, April 2015
Enfant syrien à l’entrée de la cantine du camp de Krnjaca. Serbie, avril 2015 Photo: Alberto Campi

Les enfants de la guerre
Ne sont pas des enfants
Avec leur mine fière
Et leurs yeux trop grands
Ils ont vu la misère
Recouvrir leurs élans
Et des mains étrangères
Égorger leurs printemps
Ces enfants sans enfance
Sans jeunesse et sans joie
Qui tremblaient sans défense
De peine et de froid
Qui défiaient la souffrance
Et taisaient leurs émois
Mais vivaient d’espérance
Sont comme toi et moi

Charles Aznavour

Les initiatives solidaires se multiplient en Suisse romande. Si vous aussi vous avez envie de vous engager,  consultez le « Petit guide solidaire » de la coordination asile.ge.

Vous êtes un groupement ou une association active, d’une manière ou d’une autre, auprès des réfugiés en Suisse romande? Vous récoltez des  habits, cherchez des  bénévoles pour des cours de français, accompagner les réfugiés ou les demandeurs d’asile? Nous pouvons relayer vos actions et vos besoins: écrivez vivre.ensemble@asile.ch.

Cet article a été publié dans le cadre du dossier de notre numéro 157 de la revue Vivre Ensemble, sur le thème de l’engagement et la solidarité, qui comprend également les articles suivants: