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Comptoir des médias | Nouvelles de comptoir

Le Comptoir des médias est un projet d’action et de sensibilisation des médias romands aux préjugés sur l’asile lancé en 2013 par Vivre Ensemble. Son objectif: contribuer à ce que les informations relatives aux réfugiés restent factuelles et dénuées de préjugés. Revue de presse et fact-checking; interventions auprès des journalistes; documentation; sensibilisation auprès des rédactions. Voici quelques échos des actions menées ces derniers mois.

PAR CRISTINA DEL BIAGGIO, CHARGEE DE PROJET

La couverture médiatique de l’automne 2015

Août 2015. La guerre en Syrie ne s’essouffle pas, au contraire. La perspective d’un retour au pays pour les réfugiés sur le moyen terme s’amoindrit et les possibilités d’intégration dans les pays limitrophes restent limitées. En Turquie, 400’000 enfants syriens ne sont pas scolarisés selon Human Rights Watch (1). Anticipant l’arrivée de l’hiver, des milliers de personnes prennent la route de l’exil, depuis leur pays ravagé par le conflit ou depuis leur refuge temporaire au Liban, en Turquie ou en Jordanie. La route des Balkans est privilégiée. Un parcours à obstacles, car les frontières s’ouvrent et se ferment: alors que la Macédoine décide de délivrer des laissez-passer pour faciliter la traversée du pays, la Bulgarie, la Hongrie, la Slovénie, la Macédoine érigent des barrières (2) . Les migrants s’entassent aux frontières fermées et les médias en diffusent des images, des témoignages et des analyses. Dans ce cadre, les médias parlent d’«afflux» (3), de «flot de migrants» (4). Or, si l’augmentation des flux est indéniable au niveau européen, la Suisse «ne figure toujours pas parmi les pays de destination privilégiés des personnes empruntant cette route» (5). Nous sommes ainsi intervenus à plusieurs reprises tout au long de l’automne auprès de journalistes afin de les encourager à mettre en perspective les chiffres suisses avec la réalité européenne et extra-européenne. Nos interventions ont par ailleurs porté sur la terminologie, rappelant que le «statut de clandestin» (6) n’existe pas et qu’il n’est pas approprié de parler d’«entrées illégales» (7), s’agissant de personnes cherchant refuge. En effet, les personnes persécutées dans leur pays ont le droit de déposer une demande d’asile. La Convention relative au statut des réfugiés de 1951 stipule que « les Etats Contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés». Pour que ce droit puisse être exercé, les réfugiés sont obligés de traverser les frontières de manière irrégulière, lorsqu’aucune voie légale n’est offerte.

(1) Human Rights Watch, «Turquie: 400’000 enfants syriens ne sont pas scolarisés», 08.11.2015.
(2) Carte interactive, site Radio Free Europe / Radio Liberty: «Fencing off Europe», 23.02.2016.
(3) Philippe Castella, «Il faut réduire notre attractivité», Le Courrier / La Liberté, 04.08.2015.
(4) Thierry Jacolet, «Le flot de migrants fracture l’Europe», Le Courrier / La Liberté, 16.09.2015.
(5) Communiqué du SEM: «Asile: statistiques d’octobre 2015», 13.11.2015.
(6) 19h30 (RTS): «Les migrants sont des réfugiés. Vrai ou faux?», 01.09.2015.
(7) Dépêche afp reprise sur le site RTS Info et de la Tribune de Genève: «800’000 ‘illégaux’ dans l’UE depuis janvier», 04.11.2015.

140 jours au lieu de 700 jours? Vraiment? Le bras de fer autour de la durée des procédures d’asile

Un membre de notre comité nous rend attentif à un chiffre, répété ici et là dans plusieurs médias 1 et qui le laisse dubitatif. La restructuration du domaine de l’asile permettrait une accélération spectaculaire des procédures d’asile: «140 jours au lieu des 700 jours que prennent en moyenne les cas complexes». La source: une dépêche de l’Agence télégraphique suisse (ats) reprise dans de nombreux journaux. D’où sort la durée de 700 jours? Un long échange épistolaire débute entre des journalistes de l’ats, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et Vivre Ensemble pour comprendre l’origine d’un chiffre qui n’apparaît tel quel dans aucune communication officielle. Depuis 2011 et le début du processus législatif visant à «accélérer» les procédures d’asile, toujours en cours puisqu’un vote est prévu le 5 juin 2016, un nombre impressionnant de chiffres a été communiqué par les autorités compétentes: la durée moyenne des procédures ordinaires et celles des procédures dans le centre-test de Zurich, la longueur des procédures des cas dits complexes et celle des cas dits simples. Pour compliquer le tableau, les sources se superposent: des communiqués de presse du SEM et du Conseil fédéral, des dépêches ats, des prises de position du Tribunal administratif fédéral qui contestent les chiffres du SEM. 10 Il nous a alors paru utile d’élaborer un décryptage sur l’accélération des procédures réellement attendue de ladite restructuration de l’asile à l’intention des journalistes et du public. 3 Les données chiffrées sont bien moins spectaculaires (on tourne autour des 280 jours) et soulèvent de nombreuses questions quant à savoir quelles procédures aboutissent rapidement à une décision -les autorités traitent en priorité les cas a priori négatifs mais laissent en suspens les cas a priori positifs, prétéritant leur accès aux mesures d’intégration. Parallèlement, nous avons obtenu de l’ats -dont les dépêches sont la source de la plupart des articles publiés par les médias romands- le retrait de la référence aux 700 jours dans ses archives. Ainsi, osons l’espérer, ce chiffre, faux et trompeur, n’apparaîtra plus dans la presse romande.

(1) ATS, «Le peuple votera sur la loi sur l’asile», Le Temps, 14.01.2015.
(2) ELISA-ASILE, «L’ODM [SEM] rappelé à l’ordre par le TAF», 02.05.2012.
(3) Vivre Ensemble, «Restructuration de l’asile: Mise au point sur la durée des procédures», 15.02.2016.

La Rencontre des rédactions de 20 Minutes et de Newsexpress

Le 13 janvier 2016, Sophie Malka et moi-même avons été invitées par les rédacteurs en chef du 20 Minutes et de la plateforme multimedia de Tamedia (Tribune de Genève, 24h, Le Matin, etc.) à donner une formation sur l’asile et à présenter la démarche du Comptoir des médias. Nous avons été reçues par une quinzaine de journalistes. Planifiée pour durer une petite heure, la rencontre a en fin de compte duré près de deux heures! Le débat a été constructif et enrichissant, des deux côtés. Une expérience à renouveler! CDB

Le Comptoir des médias peut compter sur le soutien du Service de lutte contre le racisme, du Bureau de l’intégration des étrangers (Genève), du Service de la cohésion multiculturelle du Canton de Neuchâtel, du Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme du Canton de Vaud et des associations suivantes: Stopexclusion, Centre social protestant, coordination asile.ge.