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Comptoir

De la pertinence de mentionner la nationalité de personnes ayant commis un délit

Le 21 avril 2016, le Comptoir des médias est intervenu auprès des auteurs d’un article publié dans Edito, le magazine suisse des médias. L’article, publié en janvier 2016, portait sur les directives déontologiques concernant la mention de la nationalité dans les articles de presse traitant de faits divers liés à la criminalité et à la délinquance.

Edito2016-01_MentionNationaliteLes auteurs terminent l’article en prenant deux exemples tirés de la rubrique faits divers du Matin online du 10 février 2016:

Dans un cas la pertinence de l’origine du détenu paraît évidente, dans l’autre on ne voit pas ce qu’elle apporte:
«La surveillante de prison Angela Magdici a aidé à s’évader un Syrien Hassan Kiko condamné pour viol en Suisse.»
«Le Tribunal correctionnel de Genève a condamné un Turc de 50 ans à deux ans de prison avec sursis complet pour avoir transmis le VIH à sa copine.»

La pertinence de la mention de l’origine ne nous semblant pas évidente, nous avons interpellé les auteurs par ce message, que nous leur avons adressé le 21 avril 2016:

EDITO_01_2016_FR_LOW_COVERNous avons lu avec attention et intérêt votre article intitulé « Quand mentionner la nationalité? », paru dans le dernier numéro d’Edito (01/2016).

Au terme de l’analyse, vous proposez deux exemples pour lesquels « dans un des cas la pertinence de l’origine du détenu paraît évidente, dans l’autre on ne voit pas ce qu’elle apporte ». Or, malgré plusieurs lectures et quelques tests auprès de notre entourage, nous ne voyons pas dans quelle citation la mention est « évidente ». Pourriez-vous nous expliquer dans quelle citation la nationalité est pertinente à vos yeux et quels sont les critères qui vous amènent à l’affirmer?

Comme vous l’indiquez dans votre article, «ce qui est à évaluer, c’est s’il y a une relation de cause à effet entre la nationalité et le délit.» Relation de cause à effet en général relativement ténue, comme le rappelle le criminologue André Kuhn: « La nationalité n’explique généralement aucune partie supplémentaire de la variance de la criminalité. En effet, la population migrante étant composée de manière surreprésentée de jeunes hommes défavorisés, la variable ‘nationalité’ est comprise dans les autres [sexe, âge, niveau socio-économique, niveau de formation] et n’explique aucune part supplémentaire de la criminalité par rapport aux autres variables prises en considération » (André Kuh, « Comment s’explique la surreprésentation des étrangers dans la criminalité?« , mars 2013).

Le 22 avril 2016, nous avons reçu la réponse suivante d’un des auteurs:

Merci pour l’intérêt que vous avez porté à cet article. Il consiste principalement, comme vous l’avez certainement remarqué, en citations de rédacteurs en chef et autres journalistes concernés. Nous y avons ajouté ces deux exemples en fin d’article pour illustrer une distinction évoquée par plusieurs interlocuteurs.

Dans le cas de Hassan Kiko, la mention de la nationalité «paraît évidente» en raison des risques de fuite du couple à l’étranger et du contexte particulier dû à la situation en Syrie. Cela peut toutefois se discuter, c’est bien pourquoi nous avons mis «paraît».

Concernant la relation de cause à effet, même si la phrase n’est pas entre guillemets elle reflète clairement le point de vue de Dominique Strebel. L’avis d’André Kuhn apporte un éclairage complémentaire très intéressant et je serais ravi de le citer en publiant votre message dans le courrier des lecteurs.