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Notre regard

Médecins du monde | Appel de Neuchâtel

L’appel de Neuchâtel est une campagne lancée pour promouvoir l’octroi de visas humanitaires pour les réfugiés. Cette solution, existant dans le droit suisse mais rarement mobilisée, leur permettrait d’arriver en Suisse sains et saufs, par voie aérienne. Interpellant le Conseil fédéral et demandant une action tant au niveau helvétique qu’européen, l’appel plaide pour un plus large recours à cette solution. Cet appel tenant en quatre points est soutenu par une dizaine d’ONG, dont Vivre Ensemble.

Lien vers le site de l’appel de Neuchâtel

VisaHumanitaire

Appel de Neuchâtel

La crise de l’accueil des réfugiés a induit une crise humanitaire sans précédent. Nous constatons une nette dégradation des conditions sanitaires et sécuritaires et plaidons pour l’octroi facilité de visas humanitaires. Nous interpellons le Conseil fédéral afin qu’il joue un rôle de politique étrangère plus actif dans le domaine de l’aide humanitaire et de l’asile. La Suisse propose deux principaux instruments d’entrée légale, le visa humanitaire et la réinstallation. Nous attendons de la diplomatie suisse qu’elle œuvre auprès des autres pays de l’Espace Schengen pour les amener à accueillir un nombre plus élevé de réfugiés.

Quatre mesures

  1. L’obtention d’un visa humanitaire permet aux réfugiés de venir en Suisse en toute sécurité. A titre d’exemple, dans le cadre de Syrie II, seul 189 visas huma­nitaires ont été délivrés en 2015. Nous demandons aux autorités que l’octroi soit facilité afin de répondre à une situation urgente, notamment en prenant en compte en priorité la menace contre la vie ou l’intégrité physique dans le pays d’origine et non dans l’Etat tiers où est déposée la demande de visa et en fournissant des infor­mations claires sur la procédure dans toutes les représentations suisses à l’étran­ger.

2. En regard de l’ampleur de la crise de l’accueil des réfugiés, nous deman­dons aux autorités d’offrir des possibilités supplémentaires de réinstallation aux personnes vulnérables identifiées par le HCR et de favoriser le regroupement fa­milial. Afin de compenser le programme de l’UE pour la répartition des réfugiés, la réduction du programme de réinstallations de 2’000 à 1’000 personnes et des visas humanitaires de 1’000 à 500 personnes n’est pas satisfaisante car la relocalisation n’offre aucun statut aux personnes concernées.

3. Les pays européens et la Suisse doivent garantir un accès sûr et légal à leur territoire aux personnes en situation de vulnérabilité par le biais de visas humanitaires ou par les autres voies humanitaires d’admission en permettant les demandes dans les ambassades. Les expériences faites avec la demande d’asile à l’étranger auparavant ont montré qu’il s’agissait là d’un instrument efficace pour aider les personnes ayant besoin de protection.

4. Les pays européens et la Suisse doivent créer un système centralisé pour garantir des conditions d’accueil satisfaisantes et un accès à une procédure d’asile efficace dans les pays situés aux portes d’entrée de l’Europe.

Signataires:

Médecins du Monde,

Amnesty International,

Handicap International,

Solidarité Sans Frontières,

Solidar,

Solidarité avec la Grèce,

Aravoh,

Destination Unknown / Fédération Terre des hommes,

Centre de contact Suisse-Immigrés – Genève,

CFD,

Vivre Ensemble

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Argumentaire: des visas humanitaires pour les réfugiés

Aujourd’hui, plus de 60 millions de personnes sont déplacées dans le monde par des conflits armés, des violences et des persécutions. Il s’agit du nombre le plus élevé jamais atteint depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Une minorité seulement a trouvé refuge en Europe ou dans d’autres pays industrialisés : actuellement, 86% des réfugiés sont accueillis dans des pays du Sud.

Depuis l’an 2000, plus de 32 000 personnes ont déjà péri dans la mer Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe, dont plus de 3 700 pour la seule année 2015. L’Europe est aujourd’hui la destination la plus dangereuse du monde pour les réfugiés et les migrants. Malgré cela, une famille de migrants dépense généralement des sommes considérables pour rejoindre le continent. Cet argent finance les passeurs et les trafiquants qui, grâce aux réfugiés, ont engrangé plus de 15 milliards d’euros depuis 2000.

Il existe pourtant une solution pragmatique pour mettre fin au calvaire que les réfugiés doivent endurer pour arriver en Europe, solution qui présenterait de nombreux avantages pour les pays d’accueil, mais que personne ne semble aujourd’hui envisager. Il s’agirait de délivrer simplement des visas humanitaires à ceux qui fuient la violence, et de créer ainsi de véritables couloirs humanitaires afin que les réfugiés puissent trouver la protection qui leur est légitimement et légalement due.

Délivrer des visas humanitaires et permettre aux réfugiés d’arriver par avion, c’est avant tout leur permettre d’arriver en vie. D’arriver dans des conditions dignes, d’être mieux accueillis et donc de pouvoir, le cas échéant, mieux s’intégrer en Europe. C’est aussi permettre au plus vulnérables de se mettre à l’abri et stopper cette discrimination insupportable qui veut que seuls les plus nantis aient les moyens de se mettre à l’abri et en sécurité.

L’un des objectifs prioritaires de l’Union européenne est aujourd’hui la lutte contre les réseaux illégaux de passeurs et de trafiquants. Si les réfugiés peuvent arriver en avion grâce à un visa humanitaire, ils cesseraient d’être dépendants des passeurs, et ce business n’aurait plus de raison d’être. C’est l’absence de couloir humanitaire qui crée les conditions du business des passeurs et trafiquants.

Le prix d’un billet d’avion pour l’Europe est infiniment moins cher, pour les réfugiés, que celui d’un passage en bateau. Pour arriver en Europe, beaucoup ont laissé toutes leurs économies aux passeurs. Pourtant, cet argent leur aurait été fort utile pour subvenir à leurs besoins et redémarrer une vie en Europe, ou pour reconstruire leur vie dans leur pays une fois le retour possible. Permettre aux réfugiés d’arriver par avion, ce serait donc aussi leur permettre de ne pas arriver ruinés en Europe et peut favoriser les retours dans les pays d’origine.

L’arrivée des réfugiés a donné naissance, en Europe, à une crise politique sans précédent : les premiers pays où arrivent les réfugiés – Italie, Grèce – sont dépassés par les événements. Octroyer des visas humanitaires et permettre aux réfugiés d’arriver par avion, c’est aussi permettre une meilleure adéquation entre les pays où les réfugiés souhaitent se rendre, et les pays qui souhaitent les accueillir. Cela permettrait de mieux répartir les réfugiés dans l’espace européen et cela soulagerait les zones de premier accueil. Cela permettrait enfin de déployer une véritable réponse européenne à la crise, à la hauteur du projet politique de l’Europe.

Si l’Europe a été pointée du doigt, à juste titre, pour sa gestion de la crise, l’incurie européenne ne doit pas faire oublier l’indifférence d’autres pays qui peuvent également accueillir des réfugiés. Ainsi d’autres pays pourraient attribuer des visas humanitaires et l’Europe ne serait plus seule à devoir gérer cette situation.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que les visas humanitaires sont une solution pragmatique et de bon sens, qui permettrait de rétablir un passage sûr pour que plus aucun réfugié ne trouve la mort en cherchant protection. Il y a urgence.