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Notre regard

Accord UE-Turquie | Un parfum de peau de chagrin

«Dans le cadre des nouvelles dispositions [liées à l’accord entre UE et la Turquie], [les hotspots] sont devenus des lieux de rétention. Par conséquent, et conformément à notre politique d’opposition à la détention obligatoire, nous avons suspendu certaines de nos activités dans tous les centres fermés sur les îles, y compris le transport des arrivants vers et depuis ces sites.» (Communiqué du HCR du 22 mars 2016)

Conclu fin mars et aussitôt critiqué par le HCR et Médecins sans frontières, l’accord entre l’Union européenne et Istanbul réglemente, moyennant 6 milliards d’euros et une exemption de visa pour les ressortissants turcs, le renvoi en Turquie de migrants arrivés en Grèce. Il prévoit que pour chaque «migrant» réadmis par la Turquie, un pays européen accueille un réfugié depuis ce pays. Le communiqué du Conseil européen affirme que les personnes concernées auront préalablement été individuellement enregistrées en conformité avec le droit international.

Ce que mettent en doute nombre d’observateurs, dont le HCR qui rappelle que «actuellement, la Grèce ne dispose ni d’une capacité suffisante sur les îles pour l’examen des demandes d’asile, ni de conditions adéquates pour accueillir les personnes décemment et en toute sécurité en attendant une décision sur leur cas». Autre faille de l’accord: le fait de définir a priori la Turquie comme un pays sûr. Or, le pays n’applique la Convention sur les réfugiés qu’aux ressortissants européens. Le risque de refoulement sans procédure d’asile de réfugiés afghans, irakiens, etc. est donc réel. Affirmant vouloir «briser le commerce des passeurs», cet accord vise à annihiler l’intérêt d’entrer en Europe par ce biais, et sous-traite de fait la gestion des frontières européennes à la Turquie d’Erdogan.

Depuis, Amnesty International a dénoncé la détention arbitraire de migrants dans des lieux tenus secrets, l’impossibilité pour des déplacés de déposer une demande d’asile sur sol turc ainsi que de nombreuses expulsions illégales vers la Syrie. Human Right Watch a également documenté le meurtre de Syriens tentant d’entrer en Turquie.

ANOUK PIRAUD

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