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Notre regard

Le Courrier | Mobilisation contre le serrage de vis

Le Collectif R appelle à la désobéissance et enjoint au canton de s’engager contre les renvois Dublin.

Article de Sophie Dupont, paru dans Le Courrier, le 22 septembre 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Après les arrestations de deux habitants du Refuge Mon-Gré le 27 août, puis des perquisitions chez des parrains et marraines de réfugiés, le mouvement de défense des migrants dénonçait hier devant la presse «une politique répressive» du canton en matière de renvois. Le Collectif R demande au gouvernement de rendre des comptes suite aux perquisitions et d’appliquer la résolution Melly, votée par le parlement en mai 2015, qui demandait d’éviter au possible les renvois vers l’Italie. Une interpellation, cosignée par des députés de la gauche et du centre, a été déposée au Grand Conseil mardi. Une pétition en ligne a récolté 1500 signatures.

Ce printemps, Vaud s’est fait remonter les bretelles par la conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, pointé du doigt comme un «mauvais élève» en matière de renvois. Selon le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), le canton aurait 57% de renvois en suspens de plus que la moyenne fédérale. Et le 31 août dernier, la Confédération a encore fait monter la pression. Les cantons qui n’exécutent pas systématiquement les renvois de requérants déboutés perdront des indemnités forfaitaires.

La police au petit matin

«Le canton de Vaud joue le chasseur de primes à la solde de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga alors que des vies sont brisées et que les réfugiés, qui ont tout perdu, demandent simplement la sécurité», s’insurge Pierre Conscience, membre du collectif et élu lausannois.

Réveillée à 6 heures du matin par la police, Céline Cerny a vécu la perquisition de son domicile comme une intimidation. «Cela m’a donné l’impression qu’un criminel était recherché et que j’étais complice», témoigne-t-elle. La jeune mère de famille, auteure et animatrice socioculturelle, n’en sort que renforcée dans sa volonté de lutter «contre le repli et l’indifférence».

Appel à la désobéissance

Présidente des Verts lausannois, Léonore Porchet, dont l’appartement a également été fouillé à la recherche des documents d’identité de son protégé, abonde et appelle à la désobéissance civile. «Ce n’est pas parce qu’une loi est légale qu’elle est juste. Ces personnes sont broyées par un parcours migratoire pénible et une situation de danger chez elles», clame l’élue lausannoise.

Fontaine, son «filleul», travaillait pour l’armée de l’ancien gouvernement de Côte-d’Ivoire. «J’ai dû quitter le pays quand le président a perdu la guerre. Certains de mes amis revenus se sont retrouvés en prison, je me sens en sécurité en Suisse», affirme le réfugié.

Un réseau de 28 personnalités publiques protège des migrants Dublin, notamment en leur proposant d’établir leur domicile chez eux. Grâce à ces parrainages, 35 personnes ont pu éviter un renvoi, selon le collectif. Les autres actions, comme une protection dans le refuge sis à la chapelle Mon-Gré, des soutiens et conseils, ont permis de sortir 117 personnes du système Dublin, affirment les militants.

Avant de prendre ses fonctions de municipal, le POP lausannois David Payot était parrain d’un réfugié aujourd’hui renvoyé en Sicile. Aujourd’hui, il affirme qu’il n’hésiterait pas, à titre personnel, à reprendre la voie de la désobéissance civile. L’édile rappelle que le Conseil communal de Lausanne a chargé la municipalité d’étudier la possibilité d’accueillir 1500 réfugiés et de ne pas prêter son concours aux renvois forcés, avec le postulat Lausanne Ville-Refuge.

Le rôle des communes

Pour Karine Clerc, nouvelle municipale POP à Renens et également marraine, les communes ont un rôle à jouer pour coordonner les nombreuses initiatives d’aide qui se jouent au niveau local. Quant au député PDC Manuel Donzé, parrain déjà deux fois, il considère que la mobilisation est une question de «valeur humaniste». «Sous les pressions financières de la Confédération, le canton de Vaud va continuer à accélérer la mise en œuvre des renvois ces prochains mois», avertit-il.

Au lendemain des perquisitions, le conseiller d’Etat PLR Philippe Leuba répondait que le canton ne faisait qu’appliquer strictement la loi adoptée par le peuple, tout en se défendant d’un durcissement. Alors que le collectif dénonce une «intimidation politique» du gouvernement, son président Pierre-Yves Maillard conteste qu’il y ait eu une décision du Conseil d’Etat in corpore concernant les perquisitions. «Nous avons peu de marge de manœuvre et la seule décision que nous avons prise est de préciser la notion de proportionnalité en établissant des priorités dans l’usage de la contrainte», rapporte le conseiller d’Etat.