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Communiqué Solidarité Tattes | Renvoi Dublin d’Aman: Encore un acte de lâcheté du Conseil d’Etat genevois

Communiqué de presse de Solidarité Tattes du 13 octobre 2016.

Lundi matin très tôt, Aman Nesrur, un jeune homme érythréen de 29 ans demandeur d’asile a été arrêté par la police et amené à Cointrin pour être expulsé vers l’Italie. Aman s’y étant opposé il a été incarcéré à la maison d’arrêt de Favra. Mardi matin il a été transféré à Zurich et hier il a été expulsé vers l’Italie.

A la différence d’autres requérants expulsés, Aman a eu la chance de voyager avec un vol de ligne normal ce qui lui a évité l’humiliation et la forme de torture que représentent les vols spéciaux.

A peine débarqué il a été littéralement lâché dans la nature. Il s’est donc retrouvé à l’aéroport de Malpensa à Milan sans aucune prise en charge, livré à lui-même sans pouvoir communiquer puisque Aman ne parle que le tigrinya et quelques mots d’anglais. Grâce à l’aide des bénévoles d’une association d’aide aux migrants que nous avons pu contacter il a été orienté vers un centre d’urgence déjà bondé où il a pu passer la nuit. Mais son hébergement n’est pas garanti pour les jours à venir. A moins que la chance lui sourie et qu’une place se libère dans un des centres surpeuplés de Milan, il bénéficiera tout au plus d’un carton et d’une vieille couverture pour passer la nuit sous le porche d’une gare ou d’un commerce comme des centaines de réfugiés dans ce pays.

Sans l’initiative autonome des bénévoles, l’Etat italien est simplement incapable de faire face à l’afflux. Le fait que la police ait accueilli Aman en lui disant débrouille-toi est significatif de cette impuissance.

Aman a fui l’Erythrée en 2012, après avoir passé plusieurs années dans une prison militaire où il a été torturé. Il se retrouve quelques mois dans un camp de réfugiés en plein désert au Soudan. Il arrive en 2014 en Libye et en Septembre 2015 débarque en Sicile. Très rapidement les autorités italiennes l’envoient à Milan où on l’oblige à donner ses empreintes bien qu’il affirme ne pas vouloir rester en Italie mais vouloir rejoindre son frère, Alker, qui habite et travaille à Genève depuis 2008 et possède un permis B.

A Genève il a survécu sous terre durant des mois (bunkers de Versoix et de Balexert). Ce jeune homme a été victime de torture dans son pays. A Genève, il était suivi par la «Consultation pour victimes de torture et de guerre». Le Dr Adrien Fleury, psychiatre et membre de notre association, a accepté de devenir son parrain: le travail thérapeutique initié à Genève doit être poursuivi. Il est indiscutable qu’en Italie, aucun suivi médical digne de ce nom ne pourra lui être prodigué.

Sourd et aveugle à l’histoire médicale d’Aman et à l’évidence que la présence du frère constitue un soutien essentiel à sa reconstruction psychique, le Conseil d’Etat a de nouveau perdu une occasion de prendre une décision humaine et courageuse. Pourtant ces deux raisons fondamentales justifient l’application de l’article 17 du règlement Dublin.

Solidarité Tattes, le parrain d’Aman ainsi que d’autres personnalités politiques ont lancé un appel en toute discrétion lundi après-midi au Conseil d’Etat afin qu’il revienne sur l’exécution de ce renvoi. Nous nous sommes abstenus de toute « médiatisation contreproductive » qu’on nous a si fréquemment reprochée dans notre défense des frères Musa. Le constat est pourtant le même: rien n’ébranle le conseil d’Etat dans son entêtement à exécuter sans sourciller les basses besognes du SEM.

De notre part, le fil qui nous lie à Aman ne sera pas cassé.

Nous allons continuer à dénoncer ces renvois, à dénoncer le scandale de la  non entrée en matière contraire aux principes des droits humains et de l’asile, à dénoncer les accords de Dublin cette machinerie qui brise des vies et surtout à soutenir et à lutter aux côtés des personnes qui en font les frais.

Solidarité Tattes