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Documentation

Réponse du Conseil fédéral à la question urgente de Balthasar Glättli sur la situation à Côme/Chiasso

Question posée au Conseil fédéral par Monsieur Balthasar Glättli du Groupe des Verts (question n°16.1045) le 14 septembre 2016: « Monsieur le conseiller fédéral Maurer, Madame la conseillère fédérale Sommaruga, que se passe-t-il à Chiasso? »

Vous pouvez lire le texte de la question déposée ainsi que la réponse du Conseil fédéral du 23 septembre 2016 sur le site de l’administration fédérale en cliquant ici.

Texte déposé par Monsieur Glättli:

La crise humanitaire que vivent des centaines de migrants à Côme et à Chiasso ne peut pas être tolérée. La quasi-fermeture ses frontières sud est problématique d’un point de vue humanitaire et juridique. Il s’agit également d’une question de solidarité vis-à-vis des Etats situés aux frontières de l’Europe. Pourtant, chaque jour, des dizaines d’hommes, de femmes, d’enfants sont refoulés à la frontière suisse sans avoir eu l’opportunité de déposer une demande d’asile, ce qui est contraire aux lois suisses.

Le Conseil fédéral est prié de répondre aux questions suivantes:

1. Sur quelles bases juridiques le Corps des gardes-frontière (Cgfr) procède-t-il à des contrôles ciblés à la frontière sud? En quoi la situation s’apparente-t-elle à une « menace grave à l’ordre public ou à la sécurité intérieure » qui permet à un Etat de réintroduire le contrôle à ses frontières (art. 23, al. 1, Code frontières Schengen)? La Suisse peut-elle réintroduire le contrôle sans s’annoncer auprès des autres Etats membres?

2. Comment le Cgfr détermine-t-il si un individu souhaite déposer une demande d’asile? Est-il vrai que le Cgfr utilise une carte de l’Europe pour déterminer si un individu souhaite simplement transiter ou demander protection? Les procédures d’entretien sont-elles formalisées? Est-il possible d’obtenir des copies desdites procédures ainsi que des documents distribués dans différentes langues aux migrants interpellés à Chiasso?

3. La réglementation Dublin l’emporte sur l’accord de réadmission Suisse-Italie: comment les autorités fédérales et le Cgfr, qui n’a pas accès à Eurodac, peuvent-ils garantir cette primauté?

4. Quelles sont les compétences linguistiques du Cgfr affecté à la frontière sud pour faire face à la situation particulière actuelle?

5. Quelle est la formation (continue) des Cgfr pour faire face à ce type de situation? Quels sont les modules de formation (nombre de jours, type de formateurs, etc)?

6. Quelles sont les garanties offertes par l’Italie qui permet à la Suisse de refouler des mineurs non accompagnés qui ne souhaiteraient pas déposer une demande d’asile? Quelle(s) institution(s) seraient-elles en charge de leur protection sur sol italien/à Côme?

7. Comment Cgfr et SEM collaborent-ils sur place? Dans quel type d’instance et avec quelle régularité se réunissent-ils?

8. Comment les besoins des personnes vulnérables sont-ils pris en compte?

Réponse du Conseil fédéral du 23 septembre 2016:

1. Le Corps des gardes-frontière (Cgfr) n’effectue aucun contrôle aux frontières intérieures avec l’Italie sur la base du Code frontières Schengen. Des contrôles fondés sur les risques et la situation ont cependant lieu à la gare de Chiasso. Ils sont exécutés d’après les informations dont dispose le service de renseignement au sujet des routes migratoires empruntées à l’heure actuelle et des activités des passeurs. Ces mesures sont prises afin d’assurer la sécurité publique au centre de la ville de Chiasso et le long des lignes ferroviaires allant en direction du nord. Les contrôles en question sont réalisés conformément à la loi sur les douanes et à la loi sur les étrangers.

2. Les personnes interpellées à la frontière qui demandent asile ou protection en Suisse en vertu de l’article 18 de la loi sur l’asile sont remises par le Cgfr au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Il y a demande d’asile lorsqu’il ressort des déclarations d’une personne qu’elle souhaite que la Suisse la protège contre des persécutions. Ce message simple n’est ni difficile à communiquer ni difficile à comprendre. Le Cgfr travaille avec des pictogrammes et des cartes pour faciliter les échanges. La grande majorité des migrants est originaire d’un petit nombre de régions, si bien qu’au besoin, il est généralement possible de trouver quelqu’un parlant la même langue que la personne concernée et pouvant apporter son aide en cas de problèmes de compréhension. Certains migrants ont déjà vécu pendant quelque temps en Italie et savent s’exprimer en italien. D’autres ont des connaissances de français ou d’anglais. Dans des cas particuliers, il est fait appel à un interprète.

3. Ni le Conseil fédéral ni les autorités italiennes ne partagent la conception juridique selon laquelle l’accord de Dublin prévaut sur les accords de réadmission bilatéraux. La réglementation de Dublin n’est applicable qu’à certaines conditions, notamment si une demande de protection a été déposée. Si une personne demande asile ou protection contre des persécutions conformément à l’article 18 de la loi sur l’asile, elle est assignée à un centre d’enregistrement et de procédure sur la base des directives du SEM. A cet égard, il n’est pas nécessaire que le Cgfr ait accès à Eurodac.

4. Les connaissances linguistiques particulières ne constituent pas un critère pris en compte pour l’engagement des gardes-frontière ou le détachement de ces derniers dans une région précise. Les formulaires servant à la saisie des données personnelles sont disponibles en plus de 50 langues au Cgfr.

5. Dans le cadre de leur formation de base et de leurs cours de perfectionnement réguliers, les membres du Cgfr abordent des sujets relevant du droit des étrangers tels que Schengen, Dublin, la procédure d’asile, les accords de réadmission, les accords de police avec les Etats voisins, les conditions d’entrée à la frontière intérieure et à la frontière extérieure, ainsi que les autorisations de séjour, l’établissement de l’identité, la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains et les techniques d’interrogation. Pour tous les sujets précités, des problèmes actuels, des particularités culturelles, des exemples et des bases légales sont traités de façon détaillée.

6. L’accord de réadmission bilatéral conclu entre la Suisse et l’Italie n’établit aucune distinction entre les adultes et les mineurs. Le Cgfr traite tous les cas individuellement et a besoin de l’accord préalable de l’Italie pour pouvoir transférer une personne dans ce pays. Il est ainsi possible de garantir que les autorités italiennes ont été informées du fait que la personne qui leur est remise est mineure. Le Conseil fédéral n’a aucune raison de douter que l’Italie prenne au sérieux ses engagements internationaux envers les personnes en quête de protection et fasse son possible pour surmonter cette situation difficile. Le Conseil fédéral n’est pas en mesure de s’exprimer sur l’organisation interne des autorités italiennes.

7. Le Cgfr et le SEM sont en contact permanent à Chiasso. En outre, le SEM et le Cgfr coordonnent leurs activités dans le cadre du groupe de pilotage sur les frontières et de l’Etat-major Situation asile ainsi que par le détachement d’une personne de liaison du Cgfr auprès du SEM. Un groupe de coordination réunissant des membres de la direction de l’Administration fédérale des douanes et du SEM va élaborer des mesures visant à poursuivre le renforcement de la collaboration vu la situation migratoire.

8. Les personnes vulnérables telles que les malades, les femmes enceintes, les mineurs non accompagnés et les familles ont besoin d’une protection particulière. Le Cgfr prend en charge en priorité ces personnes et leur fournit un hébergement séparé. La procédure appliquée est définie en étroite collaboration avec le SEM.