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Documentation

Le temps des réfugiés | La chute des demandes d’asile à l’aéroport de Genève inquiète les associations

La procédure de consultation sur les modifications apportées à la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) vient de se terminer. Elle a permis aux milieux intéressés de se prononcer sur les adaptations envisagées. La nouvelle loi qui doit encore être approuvée par les chambres fédérales est sur le point de renforcer le rôle des gardes-frontière en ce qui concerne notamment l’entrée des personnes qui souhaitent déposer une demande d’asile.

Billet de Jasmine Caye, publié sur le blog Le Temps des réfugiés, le 9 novembre 2016. Cliquez ici pour lire le billet sur le blog.

Mais depuis quelques temps, de sérieux doutes planent sur l’attitude des gardes-frontière suisses à l’égard des requérants d’asile. Le sujet a été débattu cet été au moment des refoulements à la frontière tessinoise. Il rebondit maintenant avec le durcissement récent de la procédure à l’aéroport de Genève et l’adaptation de cette loi.

Déposer une demande d’asile à l’aéroport est devenu presque impossible

A la lumière des récents événements à l’aéroport, les associations s’inquiètent. La baisse du nombre de requérants d’asile, le cas d’une personne empêchée de soumettre une demande d’asile, l’isolement inadmissible des personnes non-admises (INADs) sur le territoire suisse et enfin la pratique connue des refoulements à la passerelle (1) sont toutes les raisons qui motivent les associations à tirer la sonnette d’alarme.

Lorsqu’une personne se présente à l’aéroport sans remplir les conditions d’entrée, elle reçoit une décision de refus d’entrée et de renvoi. Actuellement c’est le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) qui prend cette décision après avoir été notifié par le Corps des gardes-frontière. Mais, l’avant-projet de la LEtr propose de déléguer cette compétence décisionnelle aux gardes-frontière qui pourront, au moyen du formulaire prévu par le code frontières Schengen, refuser l’entrée d’une personne si elle ne satisfait pas aux conditions d’entrée comme celle d’avoir un visa valide sur un passeport authentique.

Le déplacement des requérants d’asile vers un lieu isolé simplifie la tâche des gardes-frontière dont le travail est moins visible

De 2008 à 2015, des centaines de personnes ont été autorisées à déposer une demande d’asile à l’aéroport de Genève. Elles étaient logées dans l’espace prévu pour les requérants d’asile situé dans la zone de transit internationale qui se trouvait dans le bâtiment principal de l’aéroport. Beaucoup de requérants arrivaient sans pièces d’identité car ils avaient effectué le voyage avec l’aide de passeurs qui leur fournissaient de faux passeports. La plupart d’entre eux parvenaient à se faire envoyer les documents une fois arrivés et les transmettaient directement aux Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) lors des auditions.

Malheureusement le climat a changé en 2015 avec le déplacement des requérants d’asile vers un bâtiment grillagé, éloigné et isolé qui se trouve loin des regards de l’autre côté du tarmac sur la commune de Meyrin. Ce déplacement très contesté a fait l’objet de recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) et au Tribunal fédéral (TF). L’affaire est encore en cours de jugement au TAF. Mais ce qui est étrange c’est que l’espace prévu dans le nouveau bâtiment pour accueillir les «INADs»est inutilisé, vide, sans lits, ni tables. En septembre 2016, un requérant d’asile, considéré d’office comme INAD, n’y a pas été logé. Il a été placé dans une chambre au bout de nulle part et encouragé durant trois jours à embarquer dans un avion, ce auquel il s’est fermement opposé en langue française d’ailleurs. Ces motifs de fuites sont suffisamment crédibles pour justifier un placement immédiat dans la procédure d’asile.

Et les gardes-frontière le savent parfaitement, les personnes qui estiment avoir besoin de protection sont en droit de demander l’asile à la Suisse qui ne peut les refouler à la frontière sans examiner leur demande conformément à l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés. Le fait de ne pas posséder un document valable pour entrer en Suisse n’est pas un motif pour refuser l’accès à la procédure d’asile.

La prise de position des CSP

Inquiète, l’Association suisse des centres sociaux protestants (CSP) s’est exprimée dans une prise de position récente. Elle demande des délais de recours étendus avec effets suspensifs pour les personnes s’opposant à leur renvoi. Elle insiste sur une information compréhensible aux personnes concernant la possibilité de déposer une demande d’asile à l’aéroport de Genève et la possibilité de recourir en ayant accès à un conseil gratuit en cas de besoin. Enfin, elle souligne l’importance d’une formation adaptée sur les questions d’asile et de droits humains afin d’affiner le jugement des gardes-frontière et éviter à tout prix qu’une personne ne soit refoulée en présence d’un besoin de protection.

Le Corps des gardes-frontière est une formation armée qui a toujours été confrontée à la détresse des personnes qui fuient leur pays d’origine. Traiter ces dernières avec humanité comme dans le passé ne devrait pas être insurmontable. L’expérience est acquise, il suffit que la hiérarchie corrige le tir. Le signal doit venir de tout en haut.


(1) autorisés par l’annexe 9 à la Convention de Chicago de 1944 sur l’aviation civile.