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Notre regard

Le Courrier | En famille et mieux intégrés

Près de 100 requérants sont hébergés par des familles d’accueil dans le canton de Vaud.

Article de Sophie Dupont, publié dans le Courrier, le 23 novembre 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

«Je m’y sens chez moi», affirme Hannah, rayonnante, en jetant un regard en coin à sa logeuse. L’Erythréenne de 21 ans vit depuis un mois chez Marie-Pierre Walker Thonney, à Lutry. Elle a quitté sans regrets le foyer de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) où elle était placée. La jeune requérante d’asile accompagne la retraitée au parc avec ses petits-enfants et lui prépare des plats de son pays. «Je comprends comment les Suisses vivent», se réjouit Hannah, à l’aise en français.

Au foyer, les horaires étaient stricts, les activités peu nombreuses et les contacts avec la population limités. Hannah a commencé des cours de dactylographie et rêve de travailler dans les soins. Très enthousiaste, Marie-Pierre pense quant à elle déjà à accueillir un deuxième pensionnaire. «Tout s’est passé très facilement et nous partageons énormément de choses», témoigne-t-elle.

Pour 95 heureux élus

L’EVAM propose avec succès aux habitants du canton de loger chez eux un requérant d’asile. Aujourd’hui, 95 réfugiés en procédure ou avec un permis provisoire sont hébergés dans une famille ou accueillis par un village.

Le projet est né au printemps 2014 sous l’impulsion de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Un an plus tard, le premier requérant d’asile de ce projet pilote était accueilli par une famille vaudoise. L’OSAR a ensuite été rapidement dépassée par son succès. Dans le canton de Vaud, le projet est passé ce printemps aux mains de l’EVAM, qui a engagé trois collaborateurs chargés de mettre en relation les requérants d’asile et leurs logeurs.

«Nous cherchons un migrant avec qui la famille (qui peut également être une personne seule, ndlr) a des points communs», explique Jessica Bollmann, responsable du projet. Les familles doivent habiter à proximité des transports publics, disposer d’une chambre meublée et s’engager pour une durée minimale de six mois. Après une rencontre, un temps de réflexion est accordé aux deux parties avant la conclusion d’un bail.

Seuls les requérants qui ont une chance d’obtenir l’asile et qui ne sont pas en procédure Dublin sont acceptés. «Nous ne voulons pas créer de séparation trop brutale», souligne Jessica Bollmann. Environ 80 requérants, principalement des hommes, sont actuellement en attente d’une place. Parmi eux se comptent des mineurs non accompagnés sur le point d’atteindre leur majorité. «Pour participer au projet, les migrants doivent montrer une réelle volonté de s’impliquer dans la vie familiale», note Jessica Bollmann. Les familles doivent quant à elles être prêtes à partager leur quotidien.

Même si l’accueil d’une petite centaine de réfugiés dans des familles ne pèse pas lourd face aux 6000 personnes logées dans les structures de l’EVAM, l’institution y accorde une grande valeur. «Tout requérant placé dans une famille fait des progrès plus rapides en français et s’oriente plus facilement vers une formation et vers l’emploi», note Erich Dürst, directeur, en précisant que 400 personnes sont encore placées dans des abris de la protection civile, faute d’autre solution d’hébergement.

Des villages s’y mettent

L’EVAM a intégré dans son projet l’initiative «un village-une famille», lancée par la petite commune de Giez. Dans ce village du Nord vaudois, 80 habitants et sympathisants ont rénové un appartement pour y héberger une famille syrienne il y a un an. «Les enfants s’adaptent très vite, l’intégration est plus lente pour les ­parents», remarque Nicolas Rouge, satisfait d’un projet «fédérateur pour le village». Huit autres communes ont rejoint le mouvement.

Au niveau suisse, l’OSAR estime que 300 à 400 requérants sont hébergés par des familles. L’organisation avait lancé son projet pilote de familles d’accueil dans les cantons de Vaud, Genève, Berne et Argovie. Depuis, quinze autres cantons ont suivi l’exemple et l’OSAR espère encore étendre le projet. «Nous allons nous retirer petit à petit de l’opérationnel pour coordonner les différentes initiatives et asseoir le concept au niveau Suisse», affirme Julia Vielle, responsable du projet à l’OSAR.