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Notre regard

Neuchâtel | Un centre pour encadrer les mineurs isolés

«Chaque enfant séparé devrait être hébergé dans une structure adaptée à son âge et à ses besoins», préconise le manuel des bonnes pratiques du Service social international (1). Suivant l’exemple d’autres cantons, les autorités neuchâteloises ont décidé de mettre en place de nouveaux moyens d’accueil pour les mineurs non accompagnés, dont le nombre s’est accru en 2015. Et pour offrir une cohérence dans leur prise en charge, elles ont décidé de réunir ces jeunes dans un même centre d’hébergement. Un lieu qui leur est réservé, pour leur offrir une sécurité, mais aussi des occasions de rencontres et de socialisation. Une entrevue avec les responsables du lieu nous a permis de découvrir leur démarche et leurs objectifs.

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Le Centre de la Ronde a ouvert il y a quelques mois en plein coeur de La Chaux-de-Fonds. L’établissement est suffisamment spacieux et adapté à la vie communautaire. Il se situe près de la place du marché, à proximité d’écoles, ainsi que de plusieurs lieux de rencontres et d’activités sportives. Aujourd’hui quarante jeunes partagent ce lieu de vie. Ils ont entre 15 et 17 ans pour la plupart. Beaucoup viennent d’Erythrée et d’Afghanistan.

Accueil immédiat dans le quartier

Nul besoin d’organiser un événement particulier pour faire connaître ces nouveaux arrivants. Les premières rencontres se sont passées tout naturellement : à l’occasion de la traditionnelle « fête entre voisins », les gens sont spontanément venus sur la terrasse du centre. Ce fut le début de nombreux échanges qui continuent à se vivre, notamment lors de repas partagés chez des particuliers ou autour de l’entretien de petits jardins communautaires.

La vie au centre est gérée par une équipe éducative bien rodée, axant son travail d’encadrement sur une approche pédagogique. Elle se compose de deux assistants sociaux, formés spécialement à l’accompagnement des mineurs, et de deux autres collaborateurs ayant également une expérience dans le social ; deux enseignants sont présents durant la semaine, d’une part pour le début de l’apprentissage du français, d’autre part pour donner du soutien scolaire après les heures de classe, chaque jeune étant aussi vite que possible intégré au système scolaire ordinaire : l’école obligatoire (en 10e année), les classes d’accueil du post-obligatoire, ou encore les structures d’enseignement pour adultes.

A cela s’ajoute l’obligation de nommer un tuteur, qui se réalise généralement 2 à 3 semaines après l’arrivée du jeune dans le centre. Dans ce partenariat avec le Service de la protection de l’enfance, les assistants sociaux assument un rôle d’intermédiaire, ayant des entretiens suivis avec chaque jeune, puis en communiquant avec le tuteur. C’est à ce dernier qu’il incombe d’assurer les liens avec l’extérieur (école, autres services parascolaires, médecin, etc.).

L’implication des jeunes dans la vie communautaire est essentielle à leur intégration : repas, courses, nettoyages… Leur participation, avec le soutien de l’équipe, est souvent l’occasion d’aborder des problèmes concrets, d’apprendre à gérer des conflits, à discuter autour des différences culturelles et à arriver à mieux les accepter. Une « boîte à idées » a été instaurée, chaque jeune pouvant y déposer une proposition, une demande, une critique. Des moments d’échanges par petits groupes s’organisent selon les besoins. On peut dire qu’un travail autour du processus d’intégration commence déjà là, à l’intérieur du centre, entre eux.

Encourager les contacts extérieurs

Très vite, des associations, des clubs sportifs, des groupes de bénévoles ont signalé leur disponibilité et proposé divers services. Mais plutôt qu’accueillir de nouveaux intervenants à l’intérieur du centre, l’équipe éducative a vu dans ces offres l’opportunité de développer l’autonomie des jeunes et de leur « créer un espace hors des murs ». C’est pourquoi elle cherche à faciliter les premiers contacts. Au-delà, la démarche appartient au jeune : « cela devient son histoire, dont il peut parler ou non, mais sans obligation aucune ».

La conviction pédagogique est qu’il faut éviter de tout vouloir organiser, l’important est d’« être là, à l’écoute », tout en laissant la place à « une part de choses non gérées par l’institution».
Les seules règles impératives sont de respecter l’heure de rentrée de 22h00, d’être régulier au niveau de l’enseignement scolaire et de prendre sa part de responsabilités dans la vie communautaire.

Travail de mise en lien

En complémentarité, l’équipe travaille à mettre en place le projet initié par le Service social international qui consiste à trouver des possibilités d’accueil régulier dans des familles (repas, sorties hebdomadaires…) (2). Il s’agit là de favoriser l’intégration de chacun au sein de la population. Un lien qui s’inscrit dans la durée : ce dont certains jeunes ont plus particulièrement besoin.

Danielle Othenin-Girard

(1) Manuel de prise en charge des enfants séparés en Suisse, Service social international, www.ssiss.ch/

(2) Lire Vivre Ensemble, n°158 / juin: projet « 1 set de + à table ».

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Et pour les jeunes non reconnus comme mineurs?

A deux pas du centre réservé aux mineurs se trouvent les locaux de l’association bénévole Bel Horizon (espace d’accueil pour personnes migrantes). Nous y rencontrons un très jeune homme venant d’Afrique de l’Ouest, arrivé dans le canton en juin 2016 après avoir déposé une demande d’asile en Suisse. Placé en procédure Dublin, il est considéré comme majeur par le Secrétariat d’Etat aux migrations et est menacé de renvoi vers le pays de transit européen censé examiner sa demande d’asile. Il nous explique qu’il aura en réalité 17 ans dans quatre mois. Pour l’heure, il n’a pu obtenir de documents prouvant sa minorité. Il aurait souhaité une expertise médicale, qu’un intendant social lui a déconseillée, relevant l’incertitude quant à la fiabilité de ces examens. Totalement démuni, il ne voit plus d’issue. Après avoir vécu plusieurs semaines dans un abri PC, il se retrouve aujourd’hui au centre de premier accueil de Fontainemelon (Val-de-Ruz) : « C’est très difficile, je suis très seul dans ma situation. Il y a surtout des Afghans, des familles, et je ne peux parler avec personne à cause de la langue. La journée, je n’ai rien à faire. Je peux aller dans le cours de français, mais c’est seulement pour les bases. Je connais déjà cela, je n’apprends rien. Ce qui m’aide à tenir le coup, à retrouver un peu de vie et d’espoir, c’est les gens que je rencontre ici à Bel Horizon, ou à l’association l’Amar à Neuchâtel. Sans eux, je serais encore plus mal dans ma tête ».

Danielle Othenin-Girard