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Documentation

Revue Urbanités | Contraints de vivre sous terre à Genève. Les exilés et la société civile face à l’accueil indigne

Article de Cristina Del Biaggio et Raphaël Rey, publié dans le numéro 8 de la revue Urbanités, dédié à « La ville indigne ». Cliquez ici pour lire l’article complet sur le site de la revue.

Voir aussi le reportage photographique d’Alberto Campi en complément de l’article.

Sous une école, entre deux édifices publics, à côté d’un parking ou sous un hôpital, des structures souterraines sont disséminées un peu partout en Suisse. Appelées tantôt «abris de la protection civile (abris PC)», tantôt «bunkers», il en existe environ 360’000 dans tout le territoire. Ils sont de différents types et leur structure interne dépend du nombre de personnes qu’ils sont susceptibles d’accueillir. Si certaines de ces structures sont privées et se trouvent dans des immeubles ou maisons individuelles, une grande partie est publique et gérée par les communes, tenues de les équiper et de les entretenir.

[caption id="attachment_37436" align="alignright" width="300"]L’entrée est gardée par un agent de sécurité de Protect’Service, une agence de sécurité privée. L’identité des résidents est vérifiée à chaque accès. Photo: Alberto Campi. Cliquez ici pour voir le reportage photographique complet. L’entrée est gardée par un agent de sécurité de Protect’Service, une agence de sécurité privée. L’identité des résidents est vérifiée à chaque accès. Photo: Alberto Campi. Cliquez ici pour voir le reportage photographique complet.[/caption]

À Genève, entre 400 et 500 personnes vivent aujourd’hui dans ces structures, soit 12% à 16% des exilés logés en hébergement collectif). Ils sont demandeurs d’asile, personnes en procédure de renvoi (déboutés de l’asile ou personnes frappées d’une non-entrée en matière dans le cadre du Règlement Dublin), réfugiés statutaires ou encore titulaires d’une admission provisoire . À l’automne 2014, certains d’entre eux, regroupés dans le collectif «Stopbunkers», sont sortis de l’ombre et ont manifesté contre cet accueil considéré comme indigne. Par leurs actions et leur mobilisation, ils sont devenus visibles dans l’espace public et, en créant des coalitions avec d’autres groupes politiques ou citoyens, ils ont réussi à s’imposer comme une nouvelle voix dans la question de l’hébergement à Genève. Dans le même élan, de nombreux collectifs d’habitants se sont emparés de la question et ont constitué, dans les quartiers abritant ces abris, des groupes de soutien aux exilés vivant sous terre.

Après un bref retour historique sur les abris PC et une présentation des conditions de vie des exilés, nous retraçons en miroir la genèse du collectif Stopbunkers et la constitution de l’un des groupes de soutien. Nous abordons la question de la mobilisation citoyenne et de la défense du droit des exilés, en nous concentrant sur deux types d’actions menées pour que ceux-ci puissent loger dans la dignité. Sur la base de ces deux exemples, nous montrons comment se sont construits des rapports différenciés entre exilés et société civile, s’inscrivant soit dans la sphère de l’action politique soit dans celle de l’intervention humanitaire.

Cet article, écrit à quatre mains, est le résultat d’observations et d’analyses conduites par deux chercheurs fortement impliqués dans le milieu associatif. À plusieurs reprises et sous différentes formes, nous avons observé des situations sur le terrain, mais également accompagné des individus et groupes, qu’ils soient des exilés ou des résidents, dans leurs démarches s’inscrivant dans la lutte pour la défense du droit d’asile et pour la dignité. De ce fait, nous avons été à la fois observateurs et participants des différents processus de résistance qui ont vu le jour à Genève et en Suisse romande.

Les données collectées pour cette recherche proviennent ainsi de différentes sources, à la fois écrites et orales: consultation de la documentation officielle, d’articles de presse, de documents audiovisuels; participation à des rencontres avec les exilés et à des manifestations; prise de notes lors de réunions et discussions informelles avec les exilés et les groupes de soutien; suivi d’activités sur les sites Internet et les réseaux sociaux; ou encore participation à la réalisation de documents audiovisuels en lien avec la thématique.

Cliquez ici pour continuer la lecture de l’article.