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Notre regard

Le Courrier | Les soutiens des migrants lancent un appel contre un projet de loi facilitant les renvois

L’administration pourrait bientôt ordonner la mise en détention ou l’assignation à résidence d’étrangers en situation irrégulière, en vue d’un renvoi. De nos jours, seule la justice de paix est habilitée à prendre une telle décision. Un appel est adressé aux députés pour défendre les droits des migrants.

Article de Sophie Dupont, publié dans Le Courrier, le 7 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Les députés débattent aujourd’hui (7 février 2017, ndr) d’un projet de loi qui propose un transfert de compétence au Service de la population (SPOP). Le Tribunal des mesures de contrainte sera chargé de contrôler les décisions de l’autorité administrative. Selon le projet cantonal, la police pourra prononcer des interdictions de périmètre et les arrestations dans les locaux du SPOP seront facilitées sous certaines conditions.

Appel aux députés

Regroupés en un collectif, les juristes progressistes vaudois, les mouvements de défense des migrants et la gauche radicale dénoncent «une atteinte aux droits fondamentaux». Par un appel fort de 1300 signatures en huit jours, ils demandent aux députés de refuser ces modifications. «En prononçant des décisions de détention administrative, le SPOP devient juge et partie», note Jean-Michel Dolivo, député de La Gauche.

Ce projet est une mise en œuvre cantonale de l’initiative fédérale pour le renvoi des criminels étrangers, votée en 2010. «Accepté par le peuple, cet aspect n’est pas discuté et discutable», relève l’élu. Mais le Conseil d’Etat vise également une simplification des procédures de renvoi pour les personnes en situation irrégulière qui n’ont commis aucune infraction pénale.

Dans son exposé des motifs, le gouvernement indique que le transfert au SPOP de la compétence en matière de détention administrative fait partie des conclusions des Assises de la chaîne pénale de 2013. Le projet de loi prévoit en outre l’obligation d’être assisté par un avocat lors d’une comparution au tribunal. De quoi présenter «un équilibre entre l’efficacité de la procédure administrative et l’octroi de droits supplémentaires», selon le Conseil d’Etat. En commission, le projet a été accepté à une courte majorité grâce à une présidence de droite.

Conditions à respecter

Les juristes progressistes vaudois rappellent que la détention administrative répond à des conditions précises imposées par la jurisprudence. «Le simple fait de ne pas avoir quitté la Suisse et d’y séjourner de manière illégale ne la justifie pas», explique l’avocate Irène Schmidlin. L’autorité doit avoir des éléments concrets qui indiquent que la personne veut se soustraire au renvoi et évaluer la possibilité réelle de sa mise en œuvre. La mesure doit en outre rester proportionnelle.

«Au vu de la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle, l’examen doit être mené par une autorité indépendante», martèle l’avocate en soulignant que pour les auteurs de délits, la détention provisoire est une décision judiciaire et non administrative.

Un acquis menacé

Selon le rapport de commission, l’Ordre des avocats vaudois a pour sa part relevé que le transfert de compétence exige «les garanties d’un contrôle judiciaire rapide et efficace, qui ne soit pas une simple validation de la décision du SPOP».

Grand acquis des milieux de défense des droits des migrants à la suite du mouvement de soutien aux 523 en 2004, l’interdiction d’arrêter un migrant lorsqu’il se rend au SPOP pour percevoir une prestation est également menacée.

Aujourd’hui, un migrant sans passé pénal ne peut être arrêté ni au SPOP, ni pendant les deux heures qui précèdent et suivent une convocation. Le projet de loi amendé supprime cette protection pour ceux qui ont refusé de partir de manière volontaire dans le cadre des accords Dublin ou qui ont reçu une interdiction de territoire. «Arrêter une personne venue chercher une aide d’urgence à laquelle elle a le droit, cela revient à lui tendre un piège», dénonce Jean-Michel Dolivo. Pour la militante Graziella de Coulon du collectif Droit de rester, ces propositions représentent une attaque virulente aux droits des migrants frappés de non-entrée en matière.