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Notre regard

Le Courrier | Echange de bons procédés au foyer Appia

Des migrants donnent des cours d’arabe aux bénévoles qui leur apprennent le français.

Reportage de Stéphanie De Roguin, publié dans Le Courrier, le 14 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

L’ambiance est studieuse, ce mardi midi, dans une petite salle du foyer pour migrants Appia, situé dans le quartier des Nations. Sept étudiants se concentrent sur les mots arabes qu’Adel trace patiemment sur le tableau blanc. Le mot français, puis en phonétique, et enfin en écriture arabe. L’enseignant, par ailleurs fondateur et président du Conseil de l’opposition égyptienne – et candidat à l’élection présidentielle 2018 dans son pays –  réside au foyer. Les apprenants, eux, viennent pour la plupart des organisations internationales environnantes. Certains sont déjà bénévoles au centre, d’autres s’apprêtent à l’être. Enfin, Yonas, érythréen, réside également au foyer.

L’enseignant distribue des feuilles de théorie manuscrites contenant les 28 lettres de l’alphabet arabe. Il interroge, fait venir au tableau, corrige, répète, toujours avec le sourire. Deux employées de l’Organisation internationale des migrations (OIM) viennent respectivement pour la première et la deuxième fois. «On a reçu un mail en début d’année nous informant de ce cours. Cela peut être utile d’avoir des connaissances d’arabe pour communiquer avec les résidents.» Les deux jeunes femmes sont inscrites sur la liste des futurs bénévoles du foyer, s’ajoutant aux quarante volontaires déjà en fonction.

Valoriser les compétences

 A l’origine du projet né en automne dernier, on trouve deux de leurs collègues de l’OIM, Amanda Nero et Florence Kim. «Ici en Suisse, les migrants sont souvent marginalisés. Ils ont pourtant tant de choses à offrir», souligne Amanda Nero. Les deux femmes proposent alors l’idée d’un cours de langue donné par les résidents, afin de mettre en valeur leurs connaissances. L’assistant social œuvrant dans le foyer, Hacène Ouahmane, met immédiatement le projet en place, l’ajoutant aux nombreux autres qu’il a lancé ou qu’il soutient.

«La langue arabe est compliquée, surtout l’écriture, admet l’enseignant, Adel. J’essaie par tous les moyens de faciliter l’apprentissage.» Une manière d’aider en retour ceux qui l’accompagnent dans son séjour à Appia. L’enseignant est d’ailleurs secondé par un réfugié syrien du foyer, qui réexplique des éléments aux étudiants assis à leur place, pendant qu’Adel interroge quelqu’un au tableau.

Ouvert en mai 2016, le foyer Appia bénéficie d’une belle dynamique. Hacène Ouahmane a tout fait pour y parvenir. «Mener des activités au foyer, c’est y maintenir la vie», affirme-t-il. Chaque jour de la semaine est occupé: lundi, Christian, prof de gym, propose en salle de sport des mouvements adaptés à ceux qui sont «cassés» physiquement par leur parcours. Le mardi, en parallèle au cours d’arabe, Florence anime des activités créatrices: poterie, peinture, dessin. L’artiste a œuvré à Calais. Mercredi, un jeune bénévole, Heber, donne des cours de guitare. Un petit groupe de musiciens s’est constitué. Jeudi, l’un des résidents entraîne cinq à six migrants pour courir en extérieur, pendant que l’association Inner Peace enseigne la méditation à la communauté sri lankaise. Et tous les jours, des cours de français.

Riches collaborations

Cet élan est dû à l’énergie sans bornes de l’assistant social, mais aussi aux forces vives issues de l’OMS, de l’OIM, du BIT, qui se sont proposées d’elles-mêmes lorsque le foyer a ouvert. «C’est génial d’avoir pu développer ces partenariats», s’enthousiasme M. Ouahmane. Sans compter qu’un autre acteur du quartier est récemment entré dans la danse: «L’Ecole internationale nous a prêté gratuitement un local pour notre fête de fin d’année. Et puis, un projet est né avec des élèves âgés de 15 ans.» Avec l’aide d’une réalisatrice, les jeunes vont filmer la vie au foyer. Après, ils espèrent offrir une clé USB contenant les images du film à chaque résident, comme souvenir de leur année passée à Appia.

Le foyer fermera ses portes le 30 juin, pour laisser la place à un échangeur autoroutier. L’assistant social n’a pas dit son dernier mot: au vu du succès du cours d’arabe, il pense en ouvrir d’autres, à commencer par le tigrigna, la langue de l’Erythrée.