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Notre regard

Le Courrier | Réfugiés: la leçon catalane

C’est une marée bleue qui a déferlé dans les rues de Barcelone samedi. A l’appel de la maire de gauche, Ada Colau, quelque 160’000 personnes ont défilé en scandant «Plus d’excuses! Nous voulons accueillir». Elles réclamaient que l’Espagne honore ses engagements envers l’Union européenne en hébergeant 16’000 candidats à l’asile. Depuis 2015, ils seraient seulement quelques centaines à être parvenus dans des familles d’accueil en Catalogne.

Editorial de Roderic Mounir, publié dans Le Courrier, le 20 février 2017. Cliquez ici pour lire l’éditorial sur le site du Courrier.

L’ampleur de la mobilisation impressionne. Son message tranche singulièrement dans une Europe forteresse où les portes se ferment sous la pression des discours populistes, et où les milieux de défense de l’asile en sont réduits à sauver ce qui peut l’être. En Catalogne, la campagne «Chez nous c’est chez vous» («Casa nostra casa vostra», en catalan) affiche un slogan sans ambiguïté, porté à la fois par la rue et une classe politique unie.

Une telle générosité, argueront certains, est sans doute plus facile lorsqu’on jouit de la prospérité qui est celle de la Catalogne. Economie la plus performante d’Espagne, la région pèse 20% du PIB national, génère un quart des exportations du pays et représente sa première destination touristique. Ce serait oublier que, sous l’impulsion d’Ada Colau, ancienne militante anti-expulsions et «Indignée», Barcelone a pris des mesures radicales contre une monoculture touristique asphyxiante (30 millions de visiteurs par an). Et encouragé la participation populaire en faveur d’un modèle de développement plus inclusif et durable.

La mobilisation de samedi n’est pas sortie de nulle part. Elle était le point d’orgue d’une vaste campagne de sensibilisation lancée par la société civile (milieux éducatifs, culturels et syndicaux, juristes et professionnels de la communication, volontaires engagés auprès des migrants, etc.). Depuis plus de deux mois, ateliers participatifs, expositions dans les écoles, série documentaire diffusée à la télévision catalane, chaîne humaine aux flambeaux et concert géant organisé par le «Paléo barcelonais» (Primavera Sound) ont rompu l’anonymat des «vies brisées» par l’exil.

La marée bleue de samedi a lancé un défi à l’Europe en proclamant la Catalogne «terre d’accueil». Un espoir et une méthode payante: pédagogie contre démagogie.