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Le temps des réfugiés | Au Mexique une forte hausse des demandes d’asile est attendue en 2017

Le Mexique est devenu une terre d’accueil pour des milliers de réfugiés en provenance d’Amérique centrale. Ils sont victimes des violences armées dans leurs pays, persécutés par des gangs, tués par des forces de sécurité, pourchassés par des cartels de la drogue et fuient des Etats dont les administrations sont corrompues. Les autorités d’asile au Mexique s’attendent à recevoir près de 20’000 nouvelles demandes d’asile en 2017, les ONG prévoient bien plus.

Billet de Jasmine Caye publié son blog, hébergé sur le site du Temps, le 22 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le blog Le Temps des réfugiés.

Un cadeau des Etats-Unis: Honduras, Salvador et Guatemala à feu et à sang

Dans les trois pays qui forment le Triangle du Nord en Amérique centrale – Honduras, Guatemala, Salvador – la violence est telle que les civils craignent pour leur vie, menacés par les gangs ultra-violents des “maras”, la guerre des cartels de la drogue et les attaques indiscriminées des forces paramilitaires qui tuent en toute impunité. Les victimes qui témoignent au micros des journalistes, lors des entretiens avec des travailleurs sociaux ou des conseillers juridiques comparent l’insécurité dans leur ville ou région d’origine à une situation de guerre généralisée où les civils sont abattus comme des chiens, enrôlés de force dans des gangs, torturés ou forcés à la prostitution.

Les reportages récents du New-York Times, de Al-Jazeera, du Guardian et du Monde sur les “maras” au Honduras, au Salvador et au Guatemala expliquent la gravité de la situation dans ces pays où les affaires des vendeurs de cercueils sont florissantes, où les assassinats sont rarement jugés et où les écoles se vident.

Cette violence extrême est un cadeau des Etats-Unis qui dans les années 90 a renvoyé des dizaine de milliers de membres des gangs de Los Angeles, une fois leur peine de prison purgée. Elle est aujourd’hui alimentée par la corruption des élites politiques, judiciaires, sécuritaires et économiques. Si les Etats-Unis ont longtemps été une destination rêvée pour les migrants et les réfugiés en provenance d’Amérique Latine, aujourd’hui le Mexique est devenu un lieu de refuge.  En 2017 cette tendance va se confirmer avec les nouvelles vagues d’arrestation de l’administration Trump (1).

De la prison de Tapachula au statut de réfugié

En 2014, l’explosion de la violence à forcé la fuite de milliers de mineurs non-accompagnés et de familles vers les Etats-unis. Certains mineurs ont tenté plusieurs fois leur chance, parcourant souvent à pieds plus de deux mille kilomètres pour arriver à destination. Depuis l’application en juillet 2014 du programme “Frontera Sur” les contrôles mexicains ont été renforcés à la frontière sud avec le Guatemala. Mais ce programme est très critiqué parce qu’il est souvent appliqué avec violence sans considération des motifs de fuite. Détenus à Tapachula dans la plus grande prison d’Amérique Latine avant d’être refoulés vers le Guatemala, le Honduras et le Salvador où ils doivent se cacher, les migrants tentent souvent à nouveau la traversée de la frontière mexicaine et de son territoire à l’aide de passeurs dangereux.

Cette situation a motivé les organisations et les avocats  à faire comprendre aux migrants qu’ils pouvaient demander l’asile au Mexique vu les dangers de persécution qui les attendaient à leur retour au pays. Selon les statistiques de la COMAR (“Comisiòn Mexicana de Ayuda a Refugiados”), les demandes d’asile de requérants en provenance de Guatemala, du Honduras et du Salvador sont passées de 887 en 2013 à 3’137 en 2015 puis presque 9’000 en 2016.

Les efforts de sensibilisation du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) a contribué à améliorer la procédure d’asile au Mexique qui est plus rapide et efficace. Le Mexique compte actuellement 6’000 réfugiés, une hausse de 1079% par rapport à 2011. Le pays est aussi devenu un lieu d’accueil pour les réfugiés en provenance d’Haïti.

Si la tendance continue, le Mexique pourrait recevoir 20’000 demandes  d’asile en 2017, selon les représentants du HCR mais les ONG font des estimations bien supérieures et leurs prévisions semblent plus justes. Parmi les 147’000 personnes refoulées du Mexique en 2016, beaucoup ne savaient pas qu’elles pouvaient prétendre à un statut de réfugié et la situation dans leur pays d’origine ne s’est pas améliorée. Il faut enfin ajouter les 67’000 personnes déportées des Etats-Unis en 2016 qui ne pourront pas y retourner.


Note:

(1) Le durcissement à l’égard des migrants a déjà commencé sous l’administration Obama qui a encouragé les renvois massifs et la détention administrative de millions de personnes, y compris de femmes, de mineurs et d’enfants en bas âge.