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Notre regard

Le Courrier | Assignés à résidence, ils protestent

Les mesures de contrainte se multiplient pour les personnes menacées de renvois Dublin, dénonce le collectif R. Mercredi, le mouvement de défense des migrants a convoqué les médias devant la justice de paix de l’arrondissement de Lausanne, lors d’une action de protestation. Au même moment, une audience devait se prononcer sur l’assignation à résidence d’une femme enceinte et de ses cinq enfants, en vue d’un renvoi en Italie. Par hasard du calendrier ou crainte d’une mauvaise presse, l’audience a été reportée à ce jeudi matin.

Article de Sophie Dupont, publié dans Le Courrier, le 23 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Mais d’autres migrants, qui viennent de passer par la même procédure, ont tenu à témoigner. A l’image de Weyni, Erythréenne enceinte de 7 mois, qui a reçu lundi une assignation à résidence au foyer Evam où elle vit. Elle peut désormais s’attendre à tout moment à l’irruption de la police. «Selon le juge, le renvoi peut être effectué avec un accompagnement médical adéquat jusqu’à un mois avant l’accouchement», rapporte Jonathan Calanca, membre du collectif R. Des larmes roulant le long de ses joues, la future mère témoigne des difficultés de concilier sa grossesse et sa vie de déboutée: l’incertitude, le quotidien dans un foyer collectif, les allers et retours au Service de la population.

Personnes vulnérables

Jeune Erythréen de 19 ans, diabétique, G. est également assigné à résidence en vue d’un renvoi en Italie. «J’y ai accosté avant de rejoindre ma mère en Suisse, relate-t-il. Je ne souhaite à personne de passer par ce pays, où je ne mangeais pas à ma faim et n’avais nulle part où dormir.» Avant de recevoir une décision de renvoi dans le cadre des accords Dublin, le jeune homme vivait chez sa mère, qui a obtenu un permis de séjour.

Alors que l’assignation à résidence concernait surtout les jeunes célibataires, elle s’applique dorénavant également aux personnes vulnérables dont les femmes enceintes et les enfants. La pratique des renvois semble bien se durcir, au moment où l’application vaudoise de la législation fédérale sur les étrangers subit les tours de vis de la droite au parlement. Et la pression vient aussi de Berne: Vaud s’est vu couper des subventions fédérales dans dix cas où la Confédération estime que les renvois n’ont pas été effectués à temps.

«Un scandale»

«Les assignations à résidence sont un scandale quand on connaît la situation de ces familles», dénonce Jean-Michel Dolivo. Le membre du Collectif R et député d’Ensemble à Gauche estime que le gouvernement ignore la résolution Melly votée par le Grand Conseil en 2015. Celle-ci demandait que les renvois vers l’Italie ne soient pas systématiquement appliqués et que le canton fasse valoir la clause de souveraineté pour traiter les demandes d’asile en Suisse.

«Derrière ce combat politique et juridique, il y a des êtres humains qu’il s’agit de défendre», a martelé le député Manuel Donzé (PDC), dont le domicile a été perquisitionné la semaine dernière. «Les fondements de notre Constitution sont foulés au pied» a renchéri la députée verte Céline Ehrwein Nihan. Une trentaine de personnes, dont l’ex-conseiller aux Etat Luc Recordon, étaient présents pour apporter leur soutien aux migrants. Le collectif R prévoit une grande manifestation le 6 mars à Saint-Laurent, pour protester contre le durcissement de la politique des renvois.

L’EPER dénonce un durcissement de la loi

Le Collectif R n’est pas la seule organisation de la société civile à s’inquiéter du durcissement de la politique de renvois, avec la révision de la loi d’application de la législation fédérale sur les étrangers. L’Entraide protestante suisse (EPER) a interpellé les députés, préoccupée par amendement qui vise à lever l’interdiction d’arrêter un migrant lors d’une convocation au Service de la population. «Certains préféreront renoncer au minimum vital (aide d’urgence, ndlr) plutôt que de risquer de se faire arrêter. Ils trouveront alors d’autres solutions encore plus précaires pour se nourrir», craint Magaly Hanselmann, secrétaire générale.

Autre préoccupation de l’organisation, la perquisition d’un appartement pourra avoir lieu à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Un grand facteur de stress pour les personnes concernées, selon l’EPER, qui relève que les interventions nocturnes de police causent des traumatismes et ont des répercussions négatives sur le développement des enfants.