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Notre regard

Le Courrier | Durcissement en matière de renvois

Les députés vaudois donnent plus de pouvoir à l’administration mais les arrestations au Service de la population seront limitées.

Article de Sophie Dupont, publié le 15 mars 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

 

«La citadelle vaudoise de l’humanisme a vacillé mais n’a pas cédé», a déclaré hier le vert Raphaël Mahaim, à l’issue du débat-fleuve de la loi d’application sur les étrangers (LVLEtr). L’interdiction d’arrêter des étrangers au service de la population (Spop) est en partie conservée, au soulagement de la gauche.

La droite sort néanmoins victorieuse des débats, avec un durcissement marqué de la loi: les renvois seront plus vite exécutés, l’administration pouvant désormais mettre en œuvre des mesures de contrainte sans attendre l’aval de la justice. Les décisions du Spop seront contrôlées a posteriori par la justice. Hier, la LVLEtr a passé la rampe avec 51 oui, 45 non et 31 abstentions.

Le vote est le résultat d’un compromis, une partie de la droite ayant accepté de conserver l’interdiction d’arrêter au Spop les personnes qui ont refusé un départ volontaire dans le cadre des accords de Dublin. L’«exception vaudoise» acquise en 2008 suite au mouvement des 523 était remise en cause par le PLR, qui a fait passer en première lecture un amendement qui autorise les arrestations au Spop pour les cas Dublin.

Un arrangement

«Une ligne rouge à ne pas dépasser», a-t-on averti à plusieurs reprises à gauche de l’hémicycle. Le conseiller d’Etat PLR Philippe Leuba a appelé à refuser l’amendement en deuxième débat: «C’est une part de l’arrangement que j’ai tenté de dresser», a-t-il soutenu. En clair: si la droite faisait passer son amendement, le Conseil d’Etat à majorité de gauche menaçait de retirer l’entier du projet de loi.

Une partie du PLR a soutenu le maintien de la «sanctuarisation» du Spop pour les cas Dublin après avoir été rassurée: les personnes qui ont violé une assignation à résidence – ce qui constitue une infraction pénale – pourront être arrêtées.

La loi se durcit pour les étrangers qui ont une interdiction d’entrée en Suisse. Le plénum a suivi sur ce point le Conseil d’Etat. «Il s’agit de se donner la possibilité d’arrêter au Spop des personnes qui ont été reconduites au-delà de la frontière et à qui on a remis de main à main une notification d’interdiction d’entrée en Suisse», a précisé Philippe Leuba.

Pour Ensemble à gauche, cette disposition risque de provoquer des «situations absurdes»: un sans-papiers depuis longtemps en Suisse qui se rend au Spop pour être régularisé pourrait y être arrêté, parce qu’il a fait un jour l’objet d’une interdiction de territoire.

Un avocat à choix

En deuxième lecture, le parlement a continué à suivre le Conseil d’Etat sur le transfert des compétences de la justice de paix à l’administration, qui sera chargée de prononcer les mesures de contrainte: interdiction de périmètre, assignation à résidence et détention administrative. Un contrôle judiciaire interviendra a posteriori.

Comme c’est le cas aujourd’hui, le requérant aura le choix de se faire assister ou non par un avocat, malgré une tentative de la gauche de rendre le conseil obligatoire. «Les personnes en détention administrative seront moins bien protégées que les criminels de droit commun», a plaidé en vain le vert Raphaël Mahaim.

La nouvelle loi prévoit un garde-fou, qui consacre une pratique actuellement en vigueur: les mesures de contrainte ne seront ordonnées qu’en dernier recours, les autorités privilégiant les départs volontaires. «Une déclaration chewing-gum qui n’apporte pas grand-chose» pour l’UDC Fabienne Despot.
A l’issue des débats, le PLR s’est réjoui du résultat: «C’est tout le système qui gagne en efficacité», a déclaré la députée Christelle Luisier-Brodard. L’UDC regrette que le Spop «reste une zone de non-droit». Le Parti socialiste se dit quant à lui «mi-figue mi-raisin».

Il veillera à ce que le contrôle judiciaire des décisions de détention administrative intervienne systématiquement. Le centre était partagé et la gauche radicale a dénoncé une attaque inacceptable des migrants, portée par un gouvernement à majorité de gauche.