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REISO |  Les Hautes écoles face à l’accueil des réfugiés

Comment permettre aux étudiant·e·s réfugié·e·s de poursuivre leur cursus universitaire? Depuis quelques mois, les bonnes pratiques académiques et administratives se mettent en place en Europe comme en Suisse pour répondre à ce défi.

Article de Laurent Dutoit, adjoint Enseignement, responsable de l’unité Formation et études, HES-SO de Delémont, publié sur la revue d’information sociale reiso.org, le 27 mars 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site reiso.org.

Sur le plan international, les crises politiques et économiques ont fait considérablement augmenté le nombre de personnes cherchant refuge en Europe. Cette situation inédite touche également les hautes écoles en Europe et en Suisse (1). En effet, nombre de ces personnes ont interrompu des études universitaires au moment de leur départ ou arrivent avec un niveau d’admission suffisant pour entreprendre des études dans les hautes écoles. A titre d’exemple, en Allemagne où il est prévu d’accueillir un million de réfugiés, la Deutscher Akademischer Austauschdients (DAAD) prévoit qu’entre 30’000 et 50’000 personnes auraient la possibilité d’entrer dans les hautes écoles allemandes. Le défi est donc de taille.

La Suisse est dans une situation de massification différente dans l’accueil des réfugiés, mais les hautes écoles se préparent également à faire face à une situation de demandes croissantes exigeant de proposer des solutions favorisant une intégration tant académique qu’administrative. Dans cet article, l’objectif est de décrire quelques actions entreprises par les hautes écoles suisses, romandes en particulier, tout en se référant aux travaux de l’European University Association (EUA), Scholars at Risk (SaR) et Swissuniversities.

Dans les Hautes écoles européennes

Le 23 octobre 2015, l’EUA a pris position face à la crise migratoire en développant des principes en faveur d’une université ouverte, notamment en encourageant les gouvernements à prendre des mesures afin de rendre possible l’accès aux étudiants réfugiés d’intégrer une haute école. L’EUA relève différents types d’initiatives que les universités peuvent prendre, tels que la mises sur pieds de cours de langues, de cours spécifiques de mise à niveau voire encore des systèmes de bourses ad hoc. Afin de donner corps à ces principes, l’EUA, dès novembre 2015, a généralisé la campagne appelée «European Universities for an Open World» de la Hochschulrektorenkonferenz (HRK).

Cette dernière s’appuie sur trois outils:

  • «EUA Refugees Welcome Map»: développement d’une carte publique où chaque haute école peut mettre des informations sur ses actions en faveur de l’intégration des réfugié-e-s. Il s’agit donc d’un outil favorisant la transparence, une large information au public et l’échange de bonnes pratiques;

  • «Science4Refugees»: initiative de l’Union européenne (UE) orientée vers les chercheuses et chercheurs réfugiés. Cette action fait partie du programme Euraxess, programme phare de l’UE en matière d’accueil des chercheurs et d’encadrement des conditions de la recherche;
  • «Open World Initiative»: initiative de la HRK, basée sur la mise en avant des principes comme la diversité, l’inclusion et la tolérance et contre la xénophobie, cette initiative est visible par un logo que les hautes écoles européennes peuvent afficher sur leur page internet.

Comme précisé, le but de ces initiatives est de donner une information publique et transparente sur les activités déployées par les universités européennes. Elle permet ainsi tant de faciliter l’échange de bonnes pratiques que de créer des bases solides pour justifier des prises de position des différents rectorats. De plus, le projet inHere, coordonné par UNIMED, est actuellement en cours, soutenu par les fonds Erasmus+, avec pour but de donner des possibilités aux réfugiés de participer à l’enseignement supérieur européen. Pour ce faire, ce projet recense les bonnes pratiques, les diffuse et prévoit des recommandations pour les hautes écoles européennes.

En Europe, il convient de relever le particularisme allemand, en raison du choix politique d’accueillir un million de personnes, ainsi la DAAD et les universités allemandes ont dû mettre en place un projet global d’accueil des réfugiés dans leurs hautes écoles. (voir Studying for free in Germany as a refugee) Avec un financement de 100 millions d’euro sur plusieurs années (27 millions en 2016), elle a développé un programme sur 3 niveaux:

  • Appliquer la reconnaissance des compétences et qualifications;
  • S’assurer des qualifications académiques: langues et thématiques;
  • Appuyer l’intégration dans les universités.

La situation allemande est sans nul doute exemplaire en Europe par sa structuration et par l’ampleur de la demande à laquelle est confronté le système éducatif, en particuliers les hautes écoles.

Et dans les Hautes écoles en Suisse

[caption id="attachment_39132" align="alignright" width="295"] Communiqué de swissuniversities du 17 septembre 2015[/caption]

swissuniversities, l’association faîtière des hautes écoles suisses, a publié un communiqué de presse le 17 septembre 2015 rappelant la responsabilité sociale des hautes écoles. Les institutions s’engagent à prévoir un accès adapté à ce public, notamment en adaptant les exigences sur les compétences linguistiques et sur les compétences non attestées. En effet, les compétences linguistiques sont un enjeu majeur de l’intégration réussie dans une haute école des personnes réfugiées qui viennent continuer leur cursus sans forcément avoir choisi ni le pays d’accueil ni l’université. Ceci est une différence marquante avec les étudiants étrangers provenant de la voie classique choisissant leur université d’études. Par ailleurs, swissuniversities rappelle dans son communiqué le rôle primordial de la Confédération dans l’accueil des réfugié-e-s. De par l’autonomie des hautes écoles, chacune est donc responsable de la mise en œuvre de programmes spécifiques visant à favoriser l’intégration et, aussi, de faire évoluer les conditions d’accueil.

A titre d’exemple, l’Université de Genève (UNIGE) a mis en place un programme d’accueil, Horizon académique, basé sur la possibilité de suivre des cours avant une admission formelle. Ceci a pour avantage de socialiser à l’institution ainsi que de tester le niveau de langues exigé. Ce programme permet à l’Université de s’assurer des compétences de la personne. L’UNIGE annonce accueillir 35 réfugiés de 12 nationalités différentes à la rentrée 2016.

On retrouve ici les dimensions énoncées plus haut quant aux mesures en faveur de l’accueil des réfugiés, soit la question linguistique, un statut spécifique permettant une intégration progressive par un statut d’auditeur et finalement la mise en place d’un mentorat étudiant pour aider la personne à comprendre l’institution. Si on se réfère aux 3 axes du programme de la DAAD, on retrouve ici également une approche similaire.

Une question sensible demeure pour les hautes écoles, en l’occurrence la question de l’admission. En effet, si les universités ont des démarches volontaristes, l’équité doit être garantie afin d’éviter des «passe-droits» qui engendreraient, à terme, des réactions négatives. Par conséquent, la plupart des hautes écoles ont d’abord commencé à évaluer leur procédure d’admission. En Europe, la situation est disparate en fonction de l’organisation nationale, qui par exemple prévoit ou ne prévoit pas des procédures centralisées. A titre d’exemple, le centre de compétence d’analyse des titres en Norvège, NOKUT, a mis en place une procédure permettant une analyse de dossier par une approche portfolio et en cas d’absence de titres «produisibles», NOKUT délivre un certificat pouvant être pris en compte par les universités norvégiennes. En Suisse, une telle procédure n’existe pas, le SwissEnic n’ayant pas la possibilité de répondre à des demandes de ce type. Ainsi, ce sont directement les hautes écoles qui ont une compétence pour proposer des conditions d’admission adéquates correspondant à la situation d’une telle candidature. A titre d’exemple, la HES-SO a développé une approche portfolio pouvant être activée au cas par cas en fonction de la situation de la personne afin d’analyser l’admissibilité dans ses filières.

Finalement, il convient de relever le rôle important des services sociaux en charge de l’accueil des réfugiés qui ont aussi une implication dans la détection des personnes pouvant répondre aux conditions de poursuite des études dans une haute école en Suisse et qui ainsi aiderait à une meilleure intégration.

Quelques pistes d’avenir

En partant de l’hypothèse que la situation géopolitique risque, malheureusement, de s’installer dans la durée, toutes les hautes écoles se doivent d’avoir une stratégie en matière d’intégration des réfugiés et ceci sur deux niveaux, pour les étudiants réfugiés cherchant à poursuivre des études interrompues par les conflits ou commencer un cursus, et pour les chercheurs réfugiés afin de continuer à valoriser le savoir-faire provenant des personnes actives dans ces pays et devant trouver protection pendant une période déterminée.

La stratégie à mettre en place tourne autour des trois grandes lignes énoncées plus haut, les langues, la socialisation à l’institution et une procédure de reconnaissance des compétences acquises. Par la suite, chaque institution dans son contexte peut mettre en œuvre tout ou partie de ces trois principes. Ainsi, si la situation de l’UNIGE a été brièvement évoquée, nous retrouvons ce type d’action dans de nombreuses institutions. La HES-SO travaille, par exemple, à la reconnaissance des compétences sur des éléments déclaratifs et a mis dans son agenda la question des langues.

Pour les chercheurs, l’avenir est de s’appuyer sur le savoir-faire de regroupements internationaux comme Scholar At Risk et de sensibiliser les offices cantonaux de la population ainsi que le Secrétariat d’Etat aux migrations à ces problématiques. D’une situation négative, les hautes écoles peuvent montrer des histoires positives car ces chercheurs sont sans nul doute un atout pour le développement des institutions suisses.

En conclusion, les hautes écoles ont un engagement moral et sociétal à trouver des pistes à leur niveau dont les axes fondamentaux sont aujourd’hui dessinés.

Bibliographie sélective