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Notre regard

Le Courrier | Un renvoi forcé sépare une famille

Un père et ses trois filles de 3 à 13 ans ont été expulsés en Norvège par vol spécial. Sans la mère des enfants ni le fils aîné, âgé de 17 ans.

Article de Sophie Dupont, publié dans Le Courrier, le 8 juin 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Mardi matin, la famille Hassani a été réveillée par une descente de police, venue les embarquer au foyer EVAM de Leysin, pour un vol spécial. Seul le père et ses trois filles de 3, 11 et 13 ans, étaient présents. Ils ont été renvoyés en Norvège, sans la mère de famille ni le fils aîné de 17 ans, restés en Suisse. C’est une première dans le canton de Vaud, selon le Collectif R, qui a dénoncé mercredi une violation des droits de l’enfant et «des délits graves» de la part des autorités vaudoises.

Originaire d’Afghanistan, la famille s’est rendue en Suisse l’automne passé après le refus de sa demande d’asile en Norvège. Elle a reçu une décision de non entrée en matière, selon les accords Dublin.

La famille aurait subi des violences de la part des talibans. En Suisse, elle aurait de fortes chances d’obtenir une admission provisoire. Quant à la Norvège, elle est pointée du doigt par plusieurs organisations de défense de l’asile pour sa tendance à renvoyer des familles en Afghanistan. «Un pays où les violences augmentent et les risques sont importants», dénonce Denise Graf, spécialiste de l’asile à Amnesty International.

Une séparation choquante

Le père de famille et le fils aîné étaient au bénéfice d’un certificat médical attestant qu’ils n’étaient pas en mesure de voyager, pour cause de fragilité psychologique. Les enfants étaient scolarisés à Leysin. «Cette violence d’Etat, sans tenir compte des situations personnelles, est choquante. Elle viole le principe de préservation de l’unité familiale, inscrit dans la loi», réagit Valentina Matsci, du Collectif R.

Fin avril, le collectif de défense des migrants avait déjà dénoncé une «intervention policière musclée» à l’encontre de la famille Hassani. S’en était suivi une lettre aux députés et au Conseil d’Etat.

Soutien de la famille, le municipal POP David Payot est particulièrement choqué qu’une enfant de 3 ans soit séparée de sa mère. «Je ne comprends pas comment la séparation d’une famille peut légalement se justifier. Cette pratique doit être sanctionnée», s’indigne-t-il. Va-t-il interpeller le Conseil d’Etat? Avec le Collectif R, il décidait mercredi soir des suites à donner à l’affaire.

Bien-être de l’enfant prioritaire

Selon une décision du Tribunal fédéral rendue le mois dernier, les familles ne devraient être séparées dans le cadre de l’exécution des accords Dublin qu’en dernier recours, après un examen de toutes les alternatives possibles. Le tribunal considère que le bien-être de l’enfant est prépondérant.

«La famille a été séparée parce que le père a refusé de dire où était son épouse», réagit Philippe Leuba, conseiller d’Etat en charge de l’asile. Il ajoute que la Confédération a confirmé que «le droit était parfaitement respecté pour ce renvoi».