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HCR | Des enfants syriens non accompagnés fuyant la guerre sont recueillis en Espagne

Le gouvernement régional de l’Andalousie a accueilli l’année dernière huit enfants syriens non accompagnés réinstallés depuis la Grèce, une première en Espagne.

Article de Tim Gaynor, publié le 27 juin 2017 sur le site du HCR. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du HCR.

Un balai à la main et faisant semblant de balayer la salle de classe, Bienvenido Ortega, un professeur bénévole, aborde l’enseignement de l’espagnol d’une manière ludique.

«Où serez-vous demain?», demande-t-il à ses élèves, installés derrière leurs pupitres dans une salle de classe décorée de cartes du monde. «En classe!», répondent-ils. «Est-ce que vous allez travailler en classe ou est-ce que vous allez jouer?», demande-t-il. «Travailler!», répondent-ils en chœur en riant.

Le prénom de Bienvenido signifie “bienvenue” en espagnol et cette évocation touche les enfants syriens de sa classe qui ont fui seuls la guerre civile dans leur pays.

«Il n’est pas seulement un professeur, il est comme un père avec son fils», explique Mahmoud, 16 ans, et qui a fui seul les massacres et le chaos d’Alep. «Il rit tout le temps, il parle, il blague. Il est génial.»

L’année dernière, le gouvernement de l’Andalousie était le premier gouvernement régional du pays à accueillir des enfants réfugiés syriens non accompagnés tels que Mahmoud. Depuis septembre dernier, il a accueilli huit adolescents âgés de 15 à 17 ans, six garçons et deux filles, tous relocalisés depuis la Grèce.

L’objectif était d’offrir un environnement sûr et accueillant dans un cadre résidentiel doté de ressources sociales, sanitaires, éducatives et culturelles destinées à “favoriser leur développement social” et les aider à se sentir intégrés.

Bavardant sous le regard protecteur d’un éducateur dans leur foyer résidentiel de Motril, un petit groupe de jeunes racontent comment ils ont échappé aux combats, aux meurtres, au recrutement forcé et à l’extrême pauvreté chez eux, échappant aux combattants armés pour s’enfuir en Turquie.

Entassés dans des embarcations surpeuplées, ils sont arrivés en Grèce, où certains ont dormi à la dure dans le chaos d’un camp improvisé près de la frontière de l’Ex-République yougoslave de Macédoine.

«C’était très, très, très dur», se souvient Mahmoud. «Les gens volaient, tuaient, faisaient des choses terribles aux filles. Beaucoup de choses terribles… Ce n’est pas un endroit pour des enfants. … Parfois on se couchait sans avoir mangé.»

Maintenant, ils habitent une résidence commune dans une ruelle calme, où le chant des canaris est ce qui fait le plus de bruit. Les jeunes partagent des chambres parfaitement entretenues, ils partagent les repas et vont au collège dans le cadre d’un projet mis en place par le gouvernement de l’Andalousie et soutenu par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés.

«Notre rôle est de les encadrer dans un environnement où ils se sentent en sécurité pour permettre leur développement social et les aider à se sentir intégrés», explique Margarita de la Rasilla, une juriste du HCR en Espagne.

Pour faciliter leur intégration, les enfants sont invités à participer à des activités parascolaires dans cette ville de 60’000 habitants au sud de Grenade, la capitale provinciale. Ces activités comprennent les cours du soir en espagnol au club UNESCO Motril, où Bienvenido donne cours aux enfants, mais aussi des stages en entreprise et des opportunités de bénévolat.

Tareq, 17 ans, est originaire de Damas, la capitale syrienne, et fait un stage en entreprise dans un restaurant de la ville. Portant un tablier noir, une toque de cuisinier et une cravate, il se dirige vers la cuisine bourdonnante pour préparer des produits du terroir. Initialement peu friand de la cuisine espagnole riche en produits de la mer, il explique qu’il commence à aimer les plats et à se faire de nouveaux amis.

«C’est bien ici… j’ai rencontré énormément de gens», dit-il. «Que ce soit à l’école ou au restaurant. Peu à peu j’ai appris beaucoup de choses.»

Pour Alvaro Garcia, le patron du restaurant, la présence d’un jeune consciencieux et poli dans l’équipe est une expérience positive et il estime que d’autres employeurs locaux devraient essayer de faire la même chose.

«Les gens pensent peut-être que ça va poser des problèmes, mais c’est le contraire», explique-t-il, assis à une table couverte d’une nappe blanche dans la fraîcheur de la salle du restaurant. «Ils viennent ici pour apprendre, pas pour poser des problèmes. Ça a été très positif.»

Ylias, un jeune de 16 ans qui a fui la ville de Qamishli dévastée par la guerre avec sa petite sœur, travaille maintenant comme bénévole une fois par semaine chez CONECTA, une organisation locale sans but lucratif qui rapproche des enfants autistes et d’autres jeunes du même âge. Il se souvient à quel point il avait des difficultés à s’exprimer à son arrivée à Motril, et qu’il cherchait à trouver un moyen pour établir des liens avec Juan, un jeune autiste non verbal.

«J’avais de l’empathie pour lui», raconte Ylias. «Je communiquais avec lui en utilisant les mains et les yeux.»

Aujourd’hui, témoigne-t-il, la réunion hebdomadaire qui a lieu dans un bâtiment derrière le petit port de la ville est “ce que je fais de mieux.” Au milieu de l’activité et des conversations, Juan et lui jouent avec un ballon de basket avec d’autres jeunes ou ils s’assoient côte à côte pour beurrer des tartines au moment de la “mérienda”, du goûter.

Pour Elisa Salamanca, la fondatrice et présidente de CONECTA, c’est une joie de voir les enfants communiquer avec Ylias et les autres bénévoles syriens.

«Ils sont sympathiques, très proactifs et super affectueux avec (les enfants), et ils apportent énormément de joie», dit-elle avec un large sourire. «Nous sommes ravis de les avoir et nous espérons qu’ils ne partiront jamais!»

En 2016, les autorités andalouses ont créé 24 places pour des enfants syriens demandeurs d’asile non accompagnés et elles prévoient d’en accueillir 16 de plus.

Le HCR a lancé un appel aux États pour qu’ils accélèrent le transfert de demandeurs d’asile éligibles en Italie et en Grèce, y compris des enfants non accompagnés.

Répondant à cet appel, d’autres gouvernements régionaux, notamment la Catalogne, la Cantabrie et le Pays basque, ont pris contact avec le HCR qui a offert des formations spéciales aux partenaires qui se préparent à les accueillir.

Au début, certains des enfants participant à ce projet pilote se faisaient difficilement à la vie dans la province espagnole, à la cuisine qui ne leur était pas familière et à la perte d’indépendance. Margarita de la Rasilla explique toutefois «qu’on voit peu à peu leur état d’esprit changer et qu’ils découvrent les opportunités qui se présentent à eux.»

Tous les enfants interrogés ont dit qu’ils ont tous appris à aimer leurs nouvelles vies, chacun à sa manière. «Au début, je n’aimais rien, je ne voulais pas vivre ici», dit Mahmoud.

«Je n’aimais pas la maison, je n’aimais personne, mais maintenant, tout est parfait. On a à manger, on a de l’eau, je peux prendre des douches, dormir, chercher du travail. Je peux faire des études et faire ce que je veux, comme tout le monde. Pour moi, ça suffit.»

Pour Tareq, un jeune homme réfléchi qui choisit ses mots avec soin, la réinstallation à Motril a “tout changé”.

«Ici, en Espagne, on suit une routine quotidienne. On doit aller à l’école, on partage les repas assis autour d’une table, on va au travail.»

Il marque une petite pause et laisse entrevoir l’enfant qui subsiste au cœur de ce jeune homme si posé. «C’est important parce que nous sommes encore des enfants.»