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Notre regard

Appel contre l’application aveugle du Règlement Dublin

L’Appel contre l’application aveugle du Règlement Dublin lancé en janvier 2017 par Solidarité Tattes et soutenu par de nombreuses organisations dont Vivre Ensemble s’étend désormais à toute la Suisse. L’ambition est d’atteindre 25’000 signatures d’ici le 15 octobre, date de clôture, qui s’ajouteront aux quelque 3000 signatures «genevoises» déjà récoltées, explique Juliette Fioretta, de Solidarité Tattes.

L’appel, désormais relayé par Amnesty, Solidarité sans frontières, le Collectif R et l’OSAR, demande au Conseil fédéral d’examiner les demandes d’asile en activant l’article 17 du Réglement Dublin. Appelée «clause de souveraineté», la disposition permet à l’Etat de procéder lui-même à l’examen d’une demande d’asile. A noter que dans certains cas, comme par exemple les personnes ayant transité par la Grèce, la Suisse est TENUE de l’appliquer [1].

Reste que la Suisse est la championne d’Europe en matière de transferts Dublin (carte et analyse). «Au cours des 8 dernières années (de début 2009 à fin 2016), elle a renvoyé 25’728 personnes dans un autre pays européen, ce qui représente 13,6% de tous les demandeurs d’asile qui ont déposé une demande en Suisse. En comparaison, ce pourcentage est seulement de 3% en Allemagne», rappelle Amnesty.

En tout état de cause, l’Appel demande que la Suisse entre en matière et examine les demandes d’asile des personnes qui:

  • sont en charge d’enfants en bas âge ou scolarisés,
  • ont des problèmes médicaux nécessitant un suivi régulier,
  • ont des membres de leur famille qui résident en Suisse,
  • connaissent d’autres situations exceptionnelles notamment pour des motifs humanitaires et/ou qui demandent la compassion.

Sophie Malka


« Appliquer Dublin, cela signifie aussi user de cette marge de manoeuvre »

A Neuchâtel, quatre parlementaires fédéraux ont souscrit à l’Appel relayé au niveau cantonal: Jacques-André Maire (PS) et Denis de la Reussille (POP), conseillers nationaux, ainsi que les deux sénateurs, Didier Berberat (PS) et Raphaël Comte (PLR). Lors d’une interview parue dans le journal L’Express/L’Impartial du 10 mai 2017, Raphaël Comte témoigne des raisons qui l’ont convaincu de signer:

«Les accords de Dublin ménagent une petite marge de manoeuvre. Donc appliquer Dublin, cela signifie aussi user de cette marge de manoeuvre. L’appel que j’ai signé rappelle aux autorités que Dublin ne prévoit pas que des automatismes mais leur laisse une part de libre arbitre.»
«Dans le cadre de l’intergroupe sur les droits humains au Parlement fédéral, que je copréside, quelques cas difficiles en relation avec l’application de Dublin nous ont déjà été transmis. Je suis particulièrement sensible au sort réservé aux enfants.» (…)
«Ce que je retiens, c’est que l’examen d’une demande d’asile ne se fait pas en appliquant une formule mathématique, car les êtres humains ne se résument pas à des équations. En définitive, ce sont des autorités composées d’êtres humains qui prennent des décisions concernant d’autres êtres humains. L’esprit de l’Appel, c’est qu’il faut leur laisser une marge de manoeuvre.» (…)
(Et de rappeler aux autorités) «que si elles ont à appliquer les accords de Dublin, elles ne doivent pas pour autant oublier de respecter d’autres conventions internationales tout aussi valables. Leur rôle est d’opérer une pesée d’intérêts entre Dublin et d’autres conventions que la Suisse a également signées.»

Danielle Othenin-Girard


Note:

[1] Sur les 4000 applications de clause de souveraineté par la Suisse en 2016, 3200 cas sont des cas « Dublin Grèce » selon le Conseil fédéral. Autrement dit, des cas où la clause doit être activée. (Source: Réponse à une question de Lisa Mazzone (16.5238)).