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Documentation

SOSF | Détention, assignation, interdiction

4 décembre 1994. 72,9% des votant-e-s acceptent la loi fédérale sur les mesures de contrainte (LMC) en matière de droit des étrangers. Sur fond de lutte contre la «scène ouverte de la drogue», les arguments sécuritaires faisant l’amalgame entre étrangers et dealers ont facilement convaincu.

Article publié en mars 2017 dans le bulletin de Solidarité sans frontières. Cliquez ici pour lire l’article PDF de SOSF.

Ces nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur en février 1995, n’ont cessé d’évoluer jusqu’à aujourd’hui, où les articles 73 à 79 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) distinguent et règlent les mesures de contrainte suivantes: la rétention, l’assignation à résidence et l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée, la détention en phase préparatoire, la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion, la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion en cas de non-collaboration à l’obtention des documents de voyage et la détention pour insoumission. Les quatre dernières sont regroupées sous le terme générique de détention administrative.

Toujours plus longtemps

En 1986, une détention en vue du refoulement avait déjà été introduite dans la loi sur l’asile (LAsi). Elle pouvait être prononcée pour une durée maximale de trente jours. Avec la LMC de 1995, la durée est portée à trois mois, prolongeables jusqu’à neuf si «des obstacles particuliers s’opposent à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion». La LEtr, entrée en vigueur en 2008, reprend les dispositions de la LMC mais prolonge la détention administrative jusqu’à 24 mois. Avec l’entrée de la Suisse dans l’Espace Schengen et la reprise de la directive retour, la durée maximale de la détention administrative a dû être limitée à 18 mois. C’est le cas depuis le 1er janvier 2011.

Le 1er juillet 2015, l’article 28 du nouveau règlement Dublin III était transposé en droit suisse à l’art. 76a LEtr. Mais, curieusement, alors que Dublin III prévoyait une durée maximale de trois mois de détention administrative pour les personnes en attente d’un transfert Dublin, le Conseil fédéral s’est éloigné du texte en prolongeant la limite de manière importante. En tout, comme l’a dénoncé l’association Vivre Ensemble, cette période de détention maximale est, en Suisse, de sept mois et demi, soit le double de ce que préconise Dublin III. Nos autorités ne retiendraient-elles que ce qui les arrange du Règlement Dublin, adoptant les aspects les plus répressifs et ignorant ceux qui pourraient signifier une amélioration pour les personnes concernées?

Assignations et interdictions

En 2016, d’après l’Office fédéral de la statistique, 4,6% des personnes détenues en Suisse l’étaient sous le régime de la détention administrative. A notre connaissance, il n’existe en revanche pas de statistiques officielles dénombrant les assignations à résidence et les interdictions de périmètre au niveau suisse. Il semble en tout cas que certains cantons comme Vaud et Zurich y aient recours de manière accrue. Dans ce dossier, Samuel Häberli explique comment les autorités zurichoises assignent les requérant-e-s d’asile débouté-e-s au territoire d’une commune, les empêchant, entre autres, d’accéder à une aide juridique. Pauline Milani quant à elle, décrit comment, dans le canton de Vaud, les assignations à résidence se sont généralisées à l’encontre des requérant-e-s d’asile, générant violences et situations pour le moins absurdes.

Le recours aux mesures de contrainte fait partie d’une gestion essentiellement répressive de l’immigration. Et il semble que cette tendance ait de beaux jours devant elle. En effet, la dernière réforme de la loi sur  l’asile, adoptée en juin dernier, prévoit la création de «centres de départ» (dont la forme exacte n’est pas encore connue) et le doublement du nombre de places de détention administrative. La dernière contribution à ce dossier, de Camille Grandjean-Jornod, revient sur le rôle de «hub d’expulsion» attribué à Genève dans cette triste répartition des tâches entre cantons. Enfin, les futurs «centres spécifiques» pour les demandeurs d’asile «récalcitrants» poursuivront la même logique : priver de liberté des personnes en évitant de passer par une procédure pénale, qui impliquerait le droit de se défendre et la présomption d’innocence.

Alors que l’État suisse reconnaît enfin la nécessité de réparer les torts causés aux personnes placées par décisions administratives jusque dans les années 1980, ne serait-il pas temps de remettre en question également les mesures de même nature réservées aux étrangers?