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aedh | Fin des relocalisations: pour quel bilan?

Il y a deux ans, la Commission européenne lançait un programme de relocalisations basé sur la répartition de 160’000 demandeurs d’asile arrivés en Grèce, en Italie et en Hongrie, vers les États membres (et dans des pays volontaires comme la Suisse ou la Norvège). Suite au retrait de la Hongrie, l’adoption par le Conseil, le 29 septembre 2016, des décisions de relocalisation ne portaient plus que sur 98 255 personnes.

Article publié sur le site de l’Association européenne pour la Défense des droits de l’homme (aedh). Cliquez ici pour lire l’article sur le site de l’aedh.

Le programme étant arrivé à son terme le 26 septembre dernier, l’heure du bilan a sonné.

Loin, bien loin des objectifs initiaux

Les derniers chiffres font état d’un total de 29’144 personnes relocalisées entre septembre 2015 et septembre 2017. Ce n’est que 18,2% du projet initial, 29,7% du quota finalement retenu et, en réalité, à peine plus que les trois-quarts du chiffre de 37’000 que la Commission visait réellement, une fois «exclus» les migrants arrivés sur le sol grec après l’accord avec la Turquie et les nationalités ne parvenant pas à passer le seuil d’un taux de reconnaissance de 75% (1).

Que s’est-il passé? Deux États, la Hongrie et la Pologne, ont refusé d’accueillir ne serait-ce qu’un seul demandeur d’asile. La République tchèque n’a plus procédé à aucune relocalisation depuis août 2016. Le fait que, en juillet, des procédures d’infraction aient été lancées contre ces trois États pour avoir refusé d’appliquer le programme de relocalisation ne les a cependant pas fait changer de stratégie.

Quant aux autres Etats membres, l’Espagne n’a atteint que 13,7% de son quota, la Belgique, 25,6% et la France 21,7%. Les Pays-Bas et le Portugal ont rempli 39,6% et 49,1% de leur objectif, respectivement. Et pour ces Etats qui n’ont pas accueilli le nombre de demandeurs d’asile pour lequel ils s’étaient pourtant engagés, aucune sanction n’est à l’ordre du jour…

Malte et la Lettonie sont les deux seuls pays de l’UE à être parvenus au chiffre fixé.

Il est important de souligner aussi les efforts de certains États membres comme la Finlande, qui a accueilli 1951 demandeurs d’asile, soit 94% du chiffre prévu, ou encore l’Irlande qui a ouvert ses portes à 459 demandeurs d’asile, représentant 76,5% de son quota. La Norvège et le Lichtenstein, qui ont participé volontairement au programme, ont tous les deux respecté leurs engagements, respectivement fixés à 1500 et 10.

Cela étant, en dépit de la bonne volonté de certains États membres ou d’États associés, nul n’oserait qualifier cette initiative – sensée, reconnaissons-le – de succès. Ce qui ne peut que poser question sur l’esprit qui va guider les États membres dans les discussions concernant la réforme du droit d’asile en cours.

L’optimisme de façade de la Commission

La Commission européenne refuse cependant de parler d’échec et continue d’espérer que, passé le 26 septembre, certains États membres auront à cœur de continuer à accueillir des personnes «relocalisables», moyennant une «aide financière» (2). La Commission fait, en effet, état de 2000 personnes en Grèce en attente d’une relocalisation (et le même nombre pourrait encore s’enregistrer) et de 7200 demandeurs admissibles arrivés en Italie courant 2017 (dont seuls 4000 ont été enregistrés) (3). Alors même si l’Italie et la Grèce devraient pouvoir adresser des demandes de relocalisation pour les demandeurs admissibles, arrivés avant la date butoir du 26 septembre, aux États membres qui n’ont pas encore procédé à la totalité des relocalisations qui leur incombent, le bilan n’en restera pas moins assez misérable.

Quant au Président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, il a déclaré: «Même si cela m’attriste de voir que tous nos États membres ne montrent pas le même degré de solidarité, l’Europe prise dans son ensemble a continué à faire preuve de solidarité […] L’Europe est et restera le continent de la solidarité où doivent pouvoir trouver refuge ceux qui sont poursuivis pour des raisons inacceptables.» (4). 29’000 personnes, c’est une mesure de la «solidarité» européenne qui paraît bien faible!

La clôture du programme de relocalisation signe la fin d’une exception temporaire au «système Dublin», qui conduit généralement le pays d’arrivée dans l’UE à assumer la responsabilité de traiter une demande d’asile. Dans le projet de réforme du règlement Dublin, la Commission a proposé de garder la règle de la responsabilité des pays d’arrivée, mais en l’assortissant d’un mécanisme correcteur en cas d’afflux massif. Dans ce cas, des obligations de solidarité inter-Etats seraient déclenchées. À voir le bilan du programme de relocalisation, on se demande dans quelles mesures des «obligations de solidarité» pourraient être efficacement mises en œuvre.


Notes:

(1) AEDH : Relocalisation : des annonces à la réalité, une comptabilité en trompe-l’œil, 29 mai 2017.

(2) Commission européenne : « La Commission présente les futures étapes d’une politique migratoire et d’asile de l’Union plus solide, plus efficace et plus juste » – Communiqué de presse du 27 septembre 2017.  

(3) Commission Européenne, « Relocalisation : Sharing responsability », septembre 2017. 

(4) Jean-Claude Juncker, discours sur l’état de l’Union du 13 septembre 2017. 

Pour aller plus loin :