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Pétition | Préservez le droit d’asile des Érythréens en Suisse!

L’Action citoyenne pour une politique d’asile digne de la Suisse, collectif vaudois émanant de la société civile a lancé une pétition auprès des autorités suisses intitulée « Préservez le droit d’asile des Érythréens en Suisse! ». Plusieurs personnalités et associations  en contact régulier avec des requérants d’asile ou des réfugiés érythréen-ne-s se sont associées à la démarche, inquiets du changement de politique des autorités d’asile à leur égard. La pétition demande que « les auditions des migrants soient effectuées selon des critères respectant la tradition humanitaire de la Suisse, et qu’elle accorde l’asile à tout requérant érythréen menacé de mauvais traitements dans son pays, ceci avec effet immédiat et rétroactif », selon les termes du § 1 de l’art. 3 de la Convention contre la torture. Disposition contraignante stipulant qu’«aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture».

La pétition en ligne peut être signée ici.

Un  court-métrage avec des témoignages recueillis auprès de ressortissants érythréens ayant demandé la protection à la Suisse a été réalisé et peut être partagé.

La pétition appelle Simonetta Sommaruga, Conseillère fédérale en charge de l’asile, à demander au Secrétariat d’État aux migrations de revenir à la pratique en cours en 2016 en accordant une protection aux requérant-es d’asile érythréen-ne. Une protection compatible avec la dernière révision de la Loi sur l’asile (LAsi) de 2016.

Les pétitionnaires relèvent, dans leur communiqué, que depuis 2016, on note une augmentation importante des refus d’accorder l’asile à des personnes qui ont fui l’Érythrée, une des dictatures les plus brutales du monde, avec la Corée du Nord : 1-3 % de refus entre 2010 et 2015, 9.1 % en 2016, 14.6 % en 2017…. Or ces refus croissants ne sont pas motivés par une amélioration de la situation en Érythrée mais par une pression de plus en plus forte de l’UDC sur le Parlement. En tant que citoyens, les signataires demandent donc que le Conseil Fédéral et le Secrétariat d’État aux Migrations continuent à protéger des personnes qui fuient les persécutions, selon la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ratifiée par la Suisse, et selon la demande du rapporteur spécial de l’ONU en Érythrée en 2017.

Quelques éléments du dossier de presse:

Situation et régime actuel en Erythrée
L’Érythrée est un État autocratique qui se caractérise par un parti unique et par une liberté d’opinion et une liberté de la presse très réduites. Depuis la proclamation de son indépendance, en 1993, l’Érythrée est dirigée par Isaias Afwerki et son Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), qui est un parti unique. Aucune élection nationale n’y a été organisée depuis cette date et la constitution votée en 1997 n’est jamais entrée en vigueur. La liberté de culte est elle aussi restreinte. L’Érythrée occupe la dernière place du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Il n’y existe aucune presse libre.
Depuis la guerre qui a opposé l’Érythrée à l’Éthiopie de 1998 à 2000 au sujet de leur frontière commune, tous les Érythréens, hommes et femmes sont tenus d’accomplir un «service national» de durée illimitée, dans un domaine militaire ou civil. Le lieu et la nature du service sont déterminés par les autorités et peuvent durer jusqu’à 30 ans…
De nombreux cas de violations des droits de l’homme ont été rapportés dans la partie militaire du service national notamment (détentions arbitraires et tortures, par ex.). Outre les soldates et les soldats, les principales victimes de ces violations sont les membres de communautés religieuses non reconnues et les opposants au régime. Ces personnes sont généralement placées en détention sans être jugées et sans que leurs familles en soient informées. Les conditions de détention en Érythrée sont précaires et les actes de torture fréquents.
L’Erythrée ne laisse entrer ni l’ONU, ni le CICR, ni aucune ONG. Ce régime très brutal est régulièrement dénoncé et les témoignages des personnes qui ont fui ce pays sont très nombreux quant aux exactions subies par une partie importante de la population, comme en témoignent les rapports de l’ONU et du Conseil Fédéral que vous trouverez en annexe.
Selon les estimations, quelque 5000 Érythréens quittent leur pays chaque mois. En raison des sanctions infligées par l’ONU, l’Érythrée est pratiquement isolée sur le plan international.

Les Erythréens, enjeu de la politique intérieure de la Suisse
Environ 25 % des demandeurs d’asile en Suisse viennent d’Erythrée. A noter toutefois que cette communauté dont on parle tant représente 0.33% de la population suisse… Depuis de nombreuses années, l’UDC les a dans son collimateur. En 2007 déjà, Christoph Blocher annonce lors d’une conférence de presse qu’il veut proposer un arrêté fédéral urgent qui exclurait la désertion ou l’objection de conscience comme preuves d’une persécution politique. Cet article de loi (article 3, alinéa 3 de loi sur l’asile), surnommé « Lex Eritrea » finira par être avalisé par le parlement puis par le peuple dans la dernière révision de la loi sur l’asile en 2016.

Pourquoi les Erythréen-nes demandent-ils l’asile ?
Les principaux motifs d’émigration des Érythréens sont les violations des droits de l’homme, la durée illimitée du service national, l’absence de perspectives qui en découle et l’oppression de la liberté d’expression. En résumé, les Erythréens fuient leur pays en raison d’un service national (assimilé à de l’esclavage par la Cour Européenne des Droits de l’Homme et l’ONU), de persécutions politiques ou religieuses.
La plupart des motifs d’émigration sont étroitement liés au service national. Les soldats restent soumis à ce dernier sans limite de temps, étant donné que le conflit frontalier avec l’Éthiopie n’est pas résolu. Dans le service militaire, les recrues subissent la volonté de leurs supérieurs : toute critique et tout manque de discipline sont durement sanctionnés (détentions arbitraires, tortures, abus sexuels et viols). La situation déjà précaire de l’économie, laquelle est dominée par l’État et l’armée, se détériore à vue d’oeil. La situation en matière d’approvisionnement est mauvaise, il y a une pénurie d’énergie et, après l’échec de la réforme monétaire de 2015/2016, l’économie manque de liquidités.
Les personnes qui critiquent la politique et le service national, de même que celles qui pratiquent une religion non enregistrée (pentecôtistes, témoins de Jéhovah, par ex.), sont arrêtées, mises en détention sans accusation ni délai dans des endroits inconnus et parfois torturées. Les déserteurs revenus en Érythrée sont régulièrement victimes de ces pratiques. Si les Érythréens obtiennent l’asile, c’est non pas à cause de la situation économique de leur pays, mais parce qu’ils s’exposent à des sanctions excessives et d’ordre politique s’ils retournent en Érythrée après avoir déserté ou refusé de servir.

La fuite en raison d’un service militaire brutal et à durée indéterminée est-elle un motif d’asile ?
Environ 25 % des demandeurs d’asile en Suisse viennent d’Erythrée. A noter toutefois que cette communauté dont on parle tant représente 0.33% de la population suisse… Depuis de nombreuses années, l’UDC les a dans son collimateur. En 2007 déjà, Christoph Blocher annonce lors d’une conférence de presse qu’il veut proposer un arrêté fédéral urgent qui exclurait la désertion ou l’objection de conscience comme preuves d’une persécution politique. Cet article de loi (article 3, alinéa 3 de loi sur l’asile), surnommé « Lex Eritrea » finira par être avalisé par le parlement puis par le peuple dans la dernière révision de la loi sur l’asile en 2016.
Toutefois, sur son site web, le SEM précise que : « …le refus de servir et la désertion ne sauraient justifier en eux-mêmes la qualité de réfugié. Toutefois, un requérant d’asile doit être reconnu comme réfugié si le refus de servir ou la désertion impliquent une persécution au sens de l’art. 3, al. 1 et 2, LAsi (…) Compte tenu de l’ensemble des informations dont il dispose pour apprécier les demandes d’asile de ressortissants érythréens, le SEM considère que les déserteurs et les objecteurs de conscience sont régulièrement punis de manière arbitraire par les commandants militaires, et ce, en dehors de toute procédure judiciaire. Les mesures disciplinaires revêtent souvent un caractère inhumain et dégradant, et se caractérisent par une extrême brutalité. Les sanctions prononcées à l’encontre des déserteurs et des objecteurs de conscience peuvent même consister en des tortures ou en des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sens de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Force est de constater que ces sanctions sont motivées par des raisons politiques (malus politique).

Fuir illégalement l’Erythrée est-il un motif d’asile ?
Plus forcément depuis le 30 janvier 20175 et un arrêté très controversé du Tribunal Fédéral, renforcé par un deuxième arrêt du 17 août 2017. Le SEM peut donc « apprécier » le risque encouru par les personnes en fuite. Ces arrêts ont été condamnés par le rapporteur de l’ONU, l’OSAR, Amnesty International et toutes les ONG actives dans le domaine de l’asile. Les déboutés de l’asile finissent à l’aide d’urgence, dans une situation de précarité qui ne leur permet ni de travailler, ni de s’intégrer, encore moins de bâtir un avenir dans notre pays. Il y a donc deux arguments pour dénoncer cette situation : d’une part, la Suisse maintient des personnes dans une situation précaire et indigne, empêchant intégration sociale et professionnelle. D’autre part, c’est une bombe à retardement, puisque ces personnes resteront dans notre pays avec des coûts humains, sociaux et médicaux très lourds pour la Suisse et la paix sociale.

 L’Erythrée, pays sympa pour le tourisme des politiciens suisses et pour nos banques?
Depuis quelques années, le gouvernement érythréen invite régulièrement des politiciens suisses en Erythrée, afin de leur prouver que la situation dans ce pays n’est pas catastrophique. Ces politiciens soigneusement choisis – ce sont en général des centristes, PDC, Verts ou PS – sont invités en Erythrée pour quelques semaines et leur itinéraire est soigneusement balisé. Ils n’ont, de leur propre aveu, pu entrer dans aucun camp militaire ou prison, où d’ailleurs ni le CICR ni l’ONU ne sont autorisés à entrer. Ils ont été encadrés pendant tout leur voyage, et n’ont aucun moyen de parler librement avec les gens qu’ils rencontrent. Comme le souligne la responsable de l’Erythrée de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés, ces voyages font beaucoup de tort aux réfugiés érythréens et alimentent l’idée que ce sont des « réfugiés économiques ».

Retrouvez  également, sur l’Erythrée,  la dernière Chronique Monde de la revue Vivre Ensemble – « La guerre des sources et ses conséquences »– ainsi que notre article « De l’interprétation des risques en cas de renvoi: agitation chez les juges du TAF« , VE 164 / septembre 2017.