Aller au contenu
Notre regard

Le Courrier | Genève: «Pas de migrants mineurs en prison!»

Une résolution a été déposée au Grand Conseil par les Verts pour que le canton demande à Berne de faire cesser la détention administrative de mineurs dans le pays.

Article de Camille Pagella, publié dans Le Courrier, le 31 octobre 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

La prison de la Brenaz abritera-t-elle un jour des mineurs? C’est la crainte des Verts genevois. Il y a deux semaines, ils ont préféré prendre les devants en déposant, devant le Grand Conseil, une résolution. Celle-ci veut que Genève demande à l’Assemblée fédérale d’interdire toute détention administrative (1) d’enfants de 15 à 18 ans.

Actuellement, selon le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), 19 mineurs sont incarcérés à travers le pays en lien avec leur statut migratoire. S’ajoute à cela, des enfants plus jeunes incarcérés pour ne pas être séparés de leurs parents, bien que la loi suisse exclue la mise en détention de mineurs de moins de 15 ans. «Dans l’intérêt de ceux-ci, les autorités compétentes hébergent, dans certains cas, des mineurs, en particulier des enfants en bas âge, dans les centres de détention, avec leur parents», spécifie le SEM.

Genève proscrit déjà la détention de mineurs

De son côté, Genève proscrit déjà toute détention administrative de mineurs. C’est également le cas des cantons de Vaud et  de Neuchâtel, tous deux membres d’un concordat signé avec Genève en la matière. Les centres de Frambois et de Favra, situés tous deux sur le territoire genevois mais sous l’égide de ce concordat, n’abritent donc aucun mineur. Cette collaboration pourrait être étendue à l’ensemble des cantons romands pour la prison de la Brenaz. Or, certains, à l’instar de Fribourg, pratiquent la détention administrative de mineurs.

«Des enfants pourraient donc être privés de liberté sur le sol genevois à l’avenir, craint Frédérique Perler, députée verte au Grand Conseil et initiatrice de la résolution. Nos préoccupations sont nées en 2013, au moment de l’annonce de ce concordat étendu à tous les cantons romands. Nous avions également manifesté notre réticence à la vue du plan d’aménagement de la prison de la Brenaz qui comprenait des cellules familiales.»

Il y a un peu moins d’un mois, Frédérique Perler, inquiète de l’avancée des négociations du concordat romand, décide donc d’interpeller le Conseil d’Etat. Rassurant, l’exécutif genevois indique qu’il reste «défavorable à la détention administrative de mineurs» et que cet élément sera «intégré dans la discussion du concordat romand». Il rajoute cependant que «les autres cantons n’ont pas encore fait part de leur décision d’y adhérer», que «les travaux sont en cours» et qu’«aucune échéance n’a encore été fixée». Un collaboration étendue qui paraît donc être au point mort, d’autant plus que la prison de la Brenaz n’est pas encore un centre de détention administrative: Elle sert toujours à décharger sa voisine surpeuplée, la prison de Champ-Dollon, et accueille des condamnés jusqu’à la construction de la prison des Dardelles, qui pourrait n’être inaugurée qu’en 2021.

Cellules familiales

Le Conseil d’Etat spécifie aussi que «la modification de l’infrastructure pour transformer des cellules individuelles en cellules familiales impliquerait des transformations importantes et que, sans ces dernières, le centre fermé de la Brenaz n’est aujourd’hui ni adapté, ni prêt à la prise en charge de personnes mineures.»

Si le problème ne semble pas être d’actualité à Genève, la résolution des Verts fait écho à une initiative parlementaire déposée à Berne par leur conseillère nationale, Lisa Mazzone.

«Nous voulons travailler sur tous les niveaux de pouvoir, ajoute Frédérique Perler. Nous ne nous faisons pas d’illusions et savons qu’à l’Assemblée fédérale, le rapport de force nous est défavorable, c’est pourquoi le poids de Genève pourrait peser en notre faveur. Nous avons aussi envoyé notre résolution aux Verts d’autres cantons pour qu’ils puissent nous suivre.»

Dans le cas où la résolution venait à être acceptée par l’Assemblée fédérale, c’est la loi sur les étrangers (LEtr) qui serait alors modifiée. La détention de mineurs serait proscrite pour tous les cantons, qui conservent aujourd’hui beaucoup de liberté dans la mise en application de ce texte. «C’est une affaire de libre appréciation. La loi sur les étrangers est elle-même soumise à la directive de la Commission européenne sur le retour et aux accords de Dublin III, explique Dominique Bavarel, avocat au Collectif de défense. Selon ces accords, la détention de mineurs doit être une mesure exceptionnelle et de dernier ressort. Ce sont des législations élastiques qui laissent une libre appréciation à chaque Etat. A un plus haut niveau, selon les principes directeurs du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les mineurs ne devraient, en principe, jamais être détenus.»


Note:

La détention administrative est prévue par la loi sur les étrangers (LEtr) et a pour objectif de garantir l’exécution de la procédure de renvoi.

[caption id="attachment_41477" align="alignright" width="161"] Dessin de Ambroise Héritier[/caption]

Voir aussi le préjugé « Détention? » de notre brochure

 

Il y a ce qu’on dit sur les réfugiés. Et il y a réalité.

« Dans quels pays peut-on être détenu sans avoir commis aucun délit pénal? »

Découvrez la réponse en cliquant ici.