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Vivre Ensemble | Protéger ou externaliser? A propos de la rencontre interétatique sur la Méditerranée centrale

La Suisse s’apprête à accueillir la troisième rencontre du «Groupe de contact pour la Méditerranée centrale». Ce groupe affiche comme objectifs l’échange d’informations et la mise en place d’actions communes entre pays d’Europe et d’Afrique afin d’ «améliorer les conditions de vie et de protection» le long de la route migratoire de la Méditerranée centrale. Au vu des priorités établies lors des précédents rounds, en particulier le renforcement des capacités des garde-côtes libyens pourtant soupçonnés par l’ONU de liens avec les groupes mafieux, de nombreuses questions se posent quant à cette rencontre.

Un communiqué de presse a été publié par le DFJP le 03.11.2017, accompagné des documents liés aux précédentes rencontres. Cliquez ici pour accéder au communiqué sur le site du DFJP, et ici pour obtenir les documents complémentaires.

Crée en mars 2017 à l’initiative du ministre intérieur italien, ce groupe réunit aujourd’hui treize Etats européens et africains, des organismes européens, ainsi que l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Après une seconde rencontre à Tunis en juillet dernier, cette troisième rencontre souhaite «mettre l’accent sur les mesures de protection pour les réfugiés et les migrants en Libye et sur la route migratoire».

Au vu des priorités établies lors des précédentes rencontres, à savoir le renforcement des capacités des garde-côtes libyens, le développement des capacités de protection des migrantes et migrants en Libye et le contrôle des frontières au sud de la Libye, ces rencontres soulèvent toutefois de nombreuses questions.

Comme nous l’avions détaillé dans un récent décryptage («Polémiques en Méditerranée: des clés pour comprendre») la collaboration avec les garde-côtes libyens à travers des formations et un appui financier a de quoi inquiéter, un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU de juin 2017 soulevant d’étroits liens entre ceux-ci et des groupes armés et criminels. Rappelons aussi que parallèlement à leur soutien aux garde-côtes libyens, les autorités européennes ont accusé les ONG portant secours aux migrants en Méditerranée de collusion avec les réseaux de passeurs… Leur action a également été conditionnée à la signature d’un code de conduite demandant, entre autres, d’accepter à leur bord une présence policière armée. S’il est annoncé que la collaboration avec les garde-côtes libyens aurait amené plus de 14’000 personnes «à être sauvées de la noyade» depuis le début de l’année, ce qu’il advient de ces personnes après leur sauvetage reste flou. Au cours de l’été, la Libye a ainsi élargi la zone maritime de recherche et sauvetage (SAR) jusqu’à 100 miles de ses côtes, celle-ci étant interdite aux navires étrangers, en particulier ceux des ONG.

Derrière le discours humanitaire donnant la priorité au «sauvetage et à la lutte contre le trafic d’être humain», les priorités fixées par le groupe relèvent tout autant d’une logique sécuritaire de restriction de l’accès à l’Europe et d’externalisation des politiques migratoires. Les mesures de «protection» qui seront promulguées dans le cadre de la rencontre du 13 novembre 2017 consistent ainsi à améliorer les conditions dans les centres de détention en Libye; à encourager le retour volontaire vers les pays d’origine des migrants; à mettre en place des voies de migration sûres et régulières pour les réfugiés; et à lutter contre le trafic de migrants.

On attend de savoir comment ces mesures s’articuleront. Mais à la lecture des différents documents proposés, la fonction principale qu’elles rempliront sera celle du «tri à distance», c’est-à-dire maintenir les personnes dans les pays de transit ou les renvoyer vers des pays voisins, de manière à les «trier» avant qu’ils n’atteignent les côtes européennes, et s’assurer que seules les «personnes les plus vulnérables» y soient reçues. Une logique de pré-tri qui ressemble furieusement à celle qui préside à la gestion des «hotspots» grecs, largement critiqués pour leurs conditions d’accueil déplorables et leur procédure de détermination expéditive.

Raphaël Rey

Communiqué  de presse du DFJP du 03.11.2017

Rencontre internationale à Berne pour une meilleure protection des migrants sur la route migratoire de la Méditerranée centrale

La Suisse accueille la troisième rencontre du « Groupe de contact pour la Méditerranée centrale » le 13 novembre 2017, à Berne. Mis sur pied à l’initiative de l’Italie, le Groupe de contact permet aux pays européens et africains concernés par la route migratoire de la Méditerranée centrale d’échanger des informations et de coordonner leurs actions. La Suisse, en tant que pays hôte, a placé cette rencontre sous le signe de la protection des migrants. L’objectif doit être d’améliorer les conditions de vie et de protection des migrants le long de la route migratoire. Nombre d’entre eux sont en effet victimes d’extorsions, de menaces, de mauvais traitements, de violences et de trafic de migrants. La rencontre a lieu au niveau ministériel et doit déboucher sur l’adoption d’une déclaration commune.

Créé à l’initiative du Ministre de l’intérieur italien Marco Minniti, le Groupe de contact pour la Méditerranée centrale s’est réuni pour la première fois à Rome le 20 mars 2017. Une deuxième rencontre s’est tenue à Tunis le 24 juillet 2017. Lors de ces réunions, les participants se sont mis d’accord pour poursuivre trois priorités : le renforcement des capacités des garde-côtes libyens, le développement des capacités de protection des migrantes et migrants en Libye, et le contrôle des frontières au sud de la Libye.

Ces trois priorités ont depuis été poursuivies dans le cadre de différents forums et de multiples mesures ont été prises. Plus de 14’000 personnes ont par exemple pu être sauvées de la noyade depuis le début de l’année grâce au soutien aux gardes côtes libyens. Toutefois, la situation dramatique dans laquelle se trouvent les milliers de migrants en Libye et dans les pays voisins demeure et nécessite que la communauté internationale poursuive son engagement.  En accueillant la troisième rencontre du Groupe de contact au niveau ministériel, la Suisse entend soutenir ces efforts et mettre l’accent sur les mesures de protection pour les réfugiés et les migrants en Libye et sur la route migratoire.

Protection des migrants les plus vulnérables

Le Groupe de contact permet aux Etats concernés d’échanger des informations et de coordonner leurs actions. Sont invités à la rencontre l’Algérie, l’Allemagne, l’Autriche, l’Egypte, la France, l’Italie, la Libye, le Mali, Malte, le Niger, la Slovénie, le Tchad, la Tunisie, ainsi que le Commissaire européen aux Migrations et Affaires intérieures, l’Estonie en tant que Présidente du Conseil de l’UE et le Service européen pour l’action extérieure. S’y joignent également l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) participera pour la première fois aux échanges lors de la rencontre de Berne.

En collaboration avec les intervenants, la Suisse vise l’objectif, lors de la rencontre du 13 novembre, d’adopter une déclaration comprenant des mesures pour les personnes déplacées les plus vulnérables, telles que l’amélioration des conditions de détention en Libye, le soutien au retour volontaire des migrants vers les pays d’origine, le renforcement des structures d’asile et de protection de long de la route migratoire et la lutte contre le trafic de migrants.

L’organisation de la rencontre a lieu en coopération étroite avec plusieurs Départements de la Confédération, en particulier avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). L’événement débutera le dimanche 12 novembre au soir avec un dîner officiel auquel participera le chef du DFAE Ignazio Cassis. La réunion de travail aura lieu le lundi 13 novembre dans la matinée et sera ouverte par la Présidente de la Confédération, Doris Leuthard.

A l’issue de la réunion, les représentants de médias seront conviés à un point de presse.

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