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Notre regard

Vivre Ensemble | Les expertises médicales douteuses de l’entreprise OSEARA pour le compte du SEM

L’entreprise OSEARA chargée de l’encadrement médical des renvois de requérants d’asile déboutés défraye la chronique suite aux révélations concernant ses pratiques douteuses. Participation au renvoi de femmes enceintes, absence totale de contrôle externe et manque de qualifications adéquates pour certains de ses médecins. Récemment, le Tages Anzeiger  révélait que les médecins OSEARA ne seraient pas rétribués lorsqu’ils déclarent une personne inapte à prendre place dans un vol spécial. Jusqu’où ira cette entreprise pour faire fructifier ses gains? Jusqu’où ira le SEM pour renvoyer des personnes? Les Verts du canton de Zürich ont déposé un postulat urgent et une pétition est lancée.

Pour rappel, l’entreprise OSEARA a été fondée en 2012 pour répondre à l’appel d’offres du SEM qui avait instauré une présence médicale à bord des vols de rapatriements forcés. Elle avait alors obtenu ce mandat qui est renouvelé régulièrement depuis. [Source: Bulletin de solidarité sans frontières, décembre 2012].

Un premier scandale avait éclaté en 2012 lors de la révélation de l’injection de kétamine, pour calmer les personnes réfractaires à bord des vols. Largement condamné par l’Académie suisse des sciences médicales, l’administration d’anesthésiants avait été interdit par le SEM en décembre 2012 du fait des risques avérés pour la santé. En 2013, la Commission Nationale de Prévention de la Torture (CNPT) avait rendu un rapport demandant notamment au SEM d’éclaircir le rôle du personnel d’assistance afin qu’il ne se confonde pas avec celui de la police. Il devrait par exemple consister à stopper un renvoi si des raisons médicales l’imposent. [Source: Vivre Ensemble, VE 144 / septembre 2013]

Or, à en croire les dernières révélations, ni le SEM, ni OSEARA ne semblent avoir suivi cette voie-là. Au mois de décembre dernier, un médecin de la société OSEARA avait outrepassé la prescription de l’hôpital de Zurich. Suite à une demande du SEM, il avait attesté qu’une femme enceinte de huit mois pouvait être expulsée seule avec son enfant d’une année vers l’Italie [Source: Appel d’Elles]. En effet, OSEARA en plus du mandat d’accompagner les rapatriements forcés, a le devoir d’expertiser l’aptitude des personnes susceptibles d’être renvoyées à prendre place à bord du vol. Néanmoins, ce diagnostic semble davantage être dicté par la perspective du bénéfice que par un souci médical. C’est ce que révèle le Tages Anzeiger du 16 janvier 2018. Selon son enquête, les médecins ne seraient rétribués que si les personnes sont estimées aptes à embarquer. Dans ce cas-là,  l’expertise et l’accompagnement du vol sont payés. En cas contraire, aucun argent n’est perçu, explique la journaliste. Le SEM porte à cet égard une responsabilité,  dictant un comportement peu respectueux de la santé et des droits des personnes qu’il entend renvoyer.

Dans ce même article, le Tages Anzeiger dénonce le fait que certains médecins employés par OSEARA sont des médecins free-lance qui ne possèdent pas les qualifications médicales nécessaires. Pourtant, il y a quelques années déjà, le docteur Pierre Froidevaux, président de SOS Médecins (ONG qui avait renoncé à effectuer cet accompagnement) l’exprimait clairement. À ses yeux, dans la mesure où les autorités avaient pris la décision de procéder à un vol dit spécial (de niveau IV), il valait mieux qu’un médecin ayant une pratique des urgences et des situations de rupture psychique soit au côté de la personne sous contrainte, vu les tensions générées par la situation. [Source: Vivre Ensemble, VE 144 / septembre 2013].

Est-ce l’entreprise elle-même qui se donne ce code de conduite? Ou alors le SEM prêt à tout pour se débarrasser des personnes indésirables? Pourquoi aucun organisme indépendant n’assure le contrôle de ces pratiques ni le bien-fondé de la formation de ses médecins? Qui sera tenu pour responsable en cas de dérapage ou de drame?

Giada de Coulon / Vivre Ensemble


Le parti des Verts du canton de Zürich a réagi par un postulat urgent. Le 22 janvier 2018, ils ont demandé des explications détaillées sur ces exactions. Ils exigent que des contrôles externes soient effectués sur cette compagnie. Consultez le texte sur leur site.

De même, l’ONG CAMPAX a lancé une pétition en ligne pour demander que le mandat d’accompagnement médical soit retiré à cette entreprise. Signez-là ici.