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OSAR | Fuir pour vivre et pour apprendre

Dans un article paru le 24 janvier 2018 dans le Basler Zeitung, l’assistance apportée aux mineur-e-s non accompagné-e-s arrivé-e-s en 2017 serait détruite par 70 % de ces jeunes, qui n’auraient pas la volonté de s’intégrer dans notre société. Il convient ici de s’interroger sur ces déclarations fallacieuses.

Retrouvez ci-dessous l’article de Tobias Heiniger*, juriste auprès de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR (traduit de l’allemand), publié le 08.02.2018 dans le numéro de février « Des faits plutôt que des mythes » (N°119). Cliquez ici pour lire l’article en ligne sur le site de l’OSAR.

D’après les derniers chiffres du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), 733 enfants et adolescent-e-s non accompagné-e-s en Suisse ont présenté une demande d’asile l’année dernière. C’est beaucoup moins que les deux années précédentes. Selon le journal Basler Zeitung (BaZ), ces jeunes ne viennent en Suisse que pour profiter du système. On «[…] ne veut pas mettre tous les migrants dans le même sac. […]», mais 70 % de tous les mineurs non accompagnés se seraient comportés selon des schémas destructeurs. Comme l’écrit cet article, ce serait là la pure réalité. Vraiment? Selon une déclaration contraire («Objection: des jeunes requérants d’asile motivés» par Hans-Georg Schaub, BaZ, 01.02.2018) qui n’a été publiée que dans la version imprimée du journal en question et n’est pas disponible en ligne, il est bon de s’interroger ici de manière critique sur ces déclarations.

Selon ses propres dires, l’article s’appuie sur des comptes rendus de discussions, des documents internes, des rapports, des sources bien informées et des déclarations d’expert-e-s. A première vue, il s’agit donc d’une histoire bien fouillée. La seule question est de savoir comment traiter ces sources. Le texte dit, de manière claire et à mi-voix, que toutes les offres bien intentionnées et l’assistance apportée seraient détruites par ces jeunes, qui n’ont pas la volonté de prendre part à notre société. Les adultes impliqué-e-s sont soit incompétent-e-s, soit incapables de faire face à ces jeunes en difficulté.

Mais ce n’est pas vrai. Diffusés par les médias, d’innombrables exemples de jeunes réfugié-e-s brossent un tableau tout à fait différent. De plus, la grande majorité d’entre eux tentent de se familiariser à une nouvelle culture, d’apprendre une langue, une profession et d’accéder à l’indépendance. Ces dernières années, des progrès ont également été réalisés dans l’accompagnement et la prise en charge des requérant-e-s d’asile mineur-e-s non accompagné-e-s dans de nombreux cantons, dont le canton de Bâle-Campagne. Les organisations d’encadrement, les mandataires, le personnel enseignant, les professionnel-le-s de la santé et bien d’autres – ainsi que les enfants et les adolescent-e-s eux-mêmes – font beaucoup pour promouvoir leur développement.

Toutes celles et tous ceux qui vivent ou travaillent avec des jeunes connaissent des scènes semblables à celles décrites dans l’article. Si des enfants et des jeunes dépassent les limites de la manière décrite ci-dessus, leur comportement doit être sanctionné et ils doivent être déférés au tribunal des mineurs s’ils sont soumis au droit pénal des mineurs. Tout comme les jeunes Suisses, les mineur-e-s non accompagné-e-s ont besoin de structures et de modèles clairs. L’article, par contre, exige implicitement quelque chose d’autre: leur exclusion de notre société.

D’après les chiffres susmentionnés, plus de la moitié des enfants et des jeunes récemment arrivé-e-s l’année dernière venaient de quatre pays. De l’Afghanistan, où la situation sécuritaire est si critique qu’un retour, à part dans quelques villes, est simplement inacceptable ; de la Somalie, un État en déroute, ou comme on le dit un «Etat failli», sans autorité étatique fonctionnelle; de l‘Érythrée, un État à parti unique avec un service national obligatoire de durée illimitée et enfin, de la Guinée, un pays où de nombreux enfants sont touché-e-s par le conflit et la pauvreté.

La procédure d’asile répond à la question de savoir si une personne sollicitant une protection peut retourner dans son pays d’origine. Le comportement de celle-ci joue un rôle à cet égard dans la mesure où elle peut se voir refuser certains droits si, par exemple, elle commet un crime ou a commis un délit. Il existe des possibilités de sanctions à l’aide sociale et par le droit pénal. Les enfants et les jeunes font ainsi également face à un élément éducatif.

L’article de BaZ se termine en les menaçant d’expulsion. Cependant, le travail avec les jeunes est toujours conçu pour développer les meilleures perspectives d’avenir possibles en tenant compte des ressources disponibles et des déficits. Si le retour d’un-e enfant ou d’un-e adolescent-e dans son pays d’origine ou dans sa patrie est effectivement la meilleure solution dans l’intérêt supérieur de l’enfant, cette solution doit être prise en considération. Sinon, il s’agit de trouver une solution en Suisse, au sein de notre société.

par Tobias Heiniger*, juriste auprès de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR (traduit de l’allemand).

*: Jusqu’en automne 2015, l’auteur a été lui-même curateur pour mineur-e-s non accompagné-e-s.