Aller au contenu
Documentation

OSAR | Appel contre la levée de l’admission provisoire des Érythréen-ne-s

Les œuvres d’entraide appellent la Conseillère fédérale Sommaruga à annuler le changement de pratique.

Les organisations membres de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) appellent la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga à se distancier du changement de pratique annoncé et du réexamen de l’admission provisoire des ressortissant-e-s érythréen-ne-s.

Dans une lettre ouverte, ils relèvent combien l’arrêt du Tribunal administratif fédéral à l’origine de ce changement de pratique s’appuie sur des sources non-fiables et rappellent que cette jurisprudence est encore en examen devant le Comité  de l’ONU contre la torture.

Aussi longtemps que la situation en Érythrée demeurera incertaine, les personnes concernées ne pourront pas retourner dans leur pays d’origine et resteront en Suisse. Contraindre ces personnes à vivre dans la précarité de l’aide d’urgence et les priver de toute chance d’intégration n’est pas une solution.

Toutes les œuvres d’entraide ont signé l’appel au côté de l’OSAR: l’Entraide Protestante Suisse (EPER), Caritas, Amnesty International (AI), l’Armée du Salut, l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) et l’Union Suisse des Comités d’Entraide Juive (VSJF).

Nous reproduisons ci-dessous la lettre ouverte adressée à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Cliquez ici pour télécharger ou ici pour la consulter sur le site de l’OSAR.

Berne, le 18 avril 2018

Appel contre la levée de l’admission provisoire pour les Érythréennes et les Érythréens

Madame la Conseillère fédérale,

L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et ses organisations membres observent avec une profonde inquiétude la nouvelle pratique du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) consistant à procéder au réexamen de l’admission provisoire de plus de 3000 personnes exilées d’Érythrée. Nous tenons à souligner de manière commune et avec insistance les points suivants:

Un arrêt fondé sur des informations floues

Dans son arrêt D-2311/2016 d’août 2017, le Tribunal administratif fédéral (TAF) souligne lui-même à plusieurs reprises qu’il n’existe que très peu d’informations fiables sur la situation en Érythrée. Toutefois, malgré ces réserves, il conclut dans le cas d’espèce à l’absence de risque pour les droits des réfugiés et pour les droits humains. Dès août 2017, la société civile a exprimé toute son inquiétude face à ce jugement et a déploré que le TAF se soit fondé principalement sur les informations du gouvernement érythréen et des Fact- Finding-Missions, ignorant largement les informations provenant d’institutions internationales reconnues et indépendantes et d’organisations de défense des droits humains.

L’arrêt susmentionné du TAF a été porté en appel [1] devant le Comité de l’ONU contre la torture (CAT). Le SEM a, en novembre 2017, suspendu l’exécution du renvoi sur instruction du CAT. Le SEM s’appuie donc sur un arrêt dont la recevabilité en droit international n’a pas encore été confirmée.

Les contradictions de la Confédération

Tant la décision du TAF que la modification de la pratique du SEM reposent sur des informations extrêmement incertaines. Rien n’indique en effet que la situation en Érythrée s’est améliorée. Bien au contraire: ces dernières semaines, des manifestations ont à nouveau été réprimées et des arrestations massives ont eu lieu. La Suisse le reconnaît d’ailleurs officiellement: lors des discussions du Conseil des droits de l’homme à Genève le 12 mars 2018, la délégation suisse s’est déclarée préoccupée par la situation des droits humains en Érythrée. Elle a notamment déploré les restrictions d’accès au pays, qui rendent impossible la vérification des informations.[2] Il est donc d’autant plus incompréhensible que l’admission provisoire des Érythréennes et Érythréens soit levée.

Une nouvelle pratique qui n’apporte aucune solution

Actuellement, les retours forcés vers l’Érythrée ne sont pas possibles, seuls les retours «volontaires» sont acceptés par l’Érythrée. La levée de l’admission provisoire place donc délibérément les personnes concernées sous le régime de l’aide d’urgence. Les œuvres d’entraide cosignataires ne voient dans cette manière de procéder que des désavantages. Les Érythréennes et Érythréens, qui jusqu’à présent ont pris part de manière indépendante et autonome à notre société, seront contraints par la nouvelle pratique de vivre dans la précarité, dans la dépendance de l’État et sans aucune perspective : ils n’auront plus aucune possibilité légale de subvenir à leurs propres besoins. Cette situation insatisfaisante n’est ni dans l’intérêt des personnes concernées, ni dans l’intérêt de la population suisse ou des autorités.

Une nouvelle pratique à repenser

Nous vous prions, Madame la Conseillère fédérale, de vous distancer de cette nouvelle pratique et du réexamen de l’admission provisoire pour les Érythréennes et Érythréens. Aussi longtemps que la situation en Érythrée demeurera incertaine, les personnes concernées ne pourront pas retourner dans leur pays d’origine et resteront en Suisse. Contraindre ces personnes à vivre dans la précarité de l’aide d’urgence et les priver de toute chance d’intégration n’est pas une solution.

Veuillez recevoir, Madame la Conseillère fédérale, nos respectueuses salutations.

Manon Schick
Directrice, Amnesty International

Daniel Röthlisberger
Directeur Œuvre sociale, Armée du Salut

Kim Schweri
Secrétraire nationale, OSEO

Gaby Rosenstein Présidente, VSJF

Bruno Bertschy
Chef Secteur Projets Suisse, Caritas

Peter Merz Directeur, EPER

Miriam Behrens
Directrice, Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR

1 – G/SO 229/31

2 – SR on Human Rights in Eritrea – 30th Meeting, 37th Regular Session Human Rights Council www.youtube.com/watch?v=WxKtvQmHQbA, dès la minute 35.