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ForumAsile |  A Genève une nouvelle procédure inciterait les personnes déboutées de l’asile à s’évaporer dans la clandestinité

Avec la nouvelle procédure imposée sans préavis le 1er mars par l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), les associations proches des personnes migrantes critiquent une approche contre-productive qui va à l’encontre du bons sens et de l’intention initiale de l’OCPM, celle d’éviter les disparitions dans la clandestinité des personnes déboutées de l’asile que le canton est chargé de renvoyer de Suisse. Selon l’OCPM, en 2017 ce sont 40 personnes qui ont disparu des radars et que le canton n’a pas été en mesure de renvoyer.

Billet de Jasmine Caye, publié sur le blog ForumAsile, le 1er mai 2018. Cliquez ici pour lire le billet sur le blog.

La procédure avant et après le 1er mars

Les personnes déboutées de l’asile reçoivent 10 francs suisse par jour pour subvenir à leurs besoins de première nécessité. Cette aide d’urgence  est garantie par l’article 12 de la Constitution suisse. C’est un minimum vital qui permet aux personnes de mener une existence conforme à la dignité humaine. Jusqu’au 1er mars, l’aide d’urgence  était octroyée moyennant un tampon obtenu à l’OCPM puis un passage au service administratifs de l’Hospice général. Selon les personnes et leur profil, les tampons devaient être renouvelés toutes les semaines, tous les mois où à intervalle plus espacé. Lorsque l’exécution d’un renvoi pouvait se faire, la police arrêtait les personnes à la sortie de l’OCPM ou au milieu de la nuit dans leurs chambres, lorsqu’elles y dormaient.

La nouvelle procédure mise en route le 1er mars exige des requérants d’asile déboutés de faire un long parcours pour obtenir d’abord un tampon au Service asile et rapatriement de l’aéroport (SARA) à Cointrin – unité elle-même chargée d’exécuter les renvois –  puis d’aller pointer à l’OCPM afin d’obtenir l’aide d’urgence au centre administratif de l’Hospice général.

[caption id="attachment_47642" align="aligncenter" width="600"] Carte: Aldo Brina, 2018.[/caption]

Les critiques à l’encontre de cette procédure

Pourtant cinquante associations genevoises réunies en coalition (“Coalition article 12”) sont convaincues que la procédure n’évitera pas les disparitions dans la clandestinité mais y contribuera au contraire. Dans une lettre adressée au Conseil d’Etat le 15 mars, la Coalition article 12 demande d’y renoncer car cette manière de procéder est jugée inique et contre-productive.  Une motion sera soumise au Grand Conseil genevois à laquelle Pierre Maudet en charge du Département de la sécurité et de l’économie a promis de répondre. Cette procédure concerne actuellement 284 personnes déboutées de l’asile.

Aldo Brina, chargé d’information au Centre social protestant (CSP) a récemment qualifié la nouvelle procédure administrative «d’auto-goal» pour les autorités puisque les personnes concernées vont “disparaître des radars administratifs avec tout ce que ça implique de risques sanitaires, humains, sociaux, voir même sécuritaire”.

La Coalition article 12 a organisé plusieurs rassemblements de contestation et aussi une permanence continue de bénévoles au poste de police du SARA à l’aéroport de Genève, sensée rassurer les personnes obligée d’y passer. Malheureusement ils ne pourront rien si la police décide d’exécuter un renvoi.

De son côté, l’Hospice général, sous l’autorité du Conseiller d’Etat Mauro Poggia – qui sera réélu le 6 mai – a décidé d’ignorer la nouvelle procédure en continuant de donner l’aide d’urgence même aux personnes qui ne sont pas passées par le SARA et l’OCPM.

Chasser de Suisse à coûts réduits sera cher à long-terme

Malheureusement, le projet pilote de l’OCPM va clairement dans le sens “d’une mesure pour faire disparaître”. Mais c’est aussi un moyen d’économiser sur les coûts des renvois. Les requérants déboutés sont d’ailleurs régulièrement encouragés par des policiers et des fonctionnaires de l’OCPM à quitter volontairement notre pays.

Le Conseil d’Etat ferait bien de réfléchir à plus long-terme sur le véritable impact de la nouvelle procédure très critiquée qui pourrait bien produire davantage de clandestins qui auront toujours besoin d’assistance. A long-terme, d’autres services sociaux seront sollicités pour prendre en charge ces personnes qui doivent se cacher des autorités pour éviter un renvoi. On pense évidemment à la Croix-rouge suisse, au Centre social protestant (CSP) et à d’autres associations d’aide comme Caritas Genève, Partage ou les Colis du coeur.