Aller au contenu
Documentation

CNRS Journal | Effets bénéfiques des migrations sur l’économie

Une nouvelle étude macroéconomique révèle que les flux migratoires ont eu un effet positif sur l’économie au cours des trente dernières années en Europe. Plus encore, les demandeurs d’asile ne pèseraient pas sur les finances publiques des pays qui les accueillent. Explications avec l’économiste Hippolyte d’Albis, l’un des auteurs de cette étude.

Cet interview a été publié le 20.06.2018 sur le site du CNRS Journal. Il a été effectué par Saman Musacchio. Pour lire l’intégralité de cet article, cliquez ici ou sur l’illustration ci-contre. Nous reproduisons ci-dessous la première partie de l’article.

L’article auquel se réfère l’interview a été publié dans Science Advances: «Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European countries» par Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane, Dramane Coulibaly, Science Advances, 2018.

Vous venez tout juste de publier dans Science Advances une étude macroéconomique concernant l’effet des flux migratoires sur l’économie européenne. Sur quels éléments repose cette analyse?
Hippolyte d’Albis: Les données proviennent d’Eurostat et de l’OCDE et couvrent la période de 1985 à 2015. Nous considérons l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest – dont la France bien sûr – mais en laissant de côté certains États comme la Grèce, car les données fiscales avant 1990 ne sont pas disponibles. Ce sont les principaux pays d’accueil des demandeurs d’asile – ils totalisent 89 % de ces demandes en 2015. Nous avons distingué, dans le flux migratoire, le flux de migrants permanents – la différence entre le nombre d’immigrants et le nombre d’émigrants, ce qu’on appelle aussi le solde migratoire – et le flux de demandeurs d’asile. Un demandeur d’asile est admis au séjour temporairement le temps de l’instruction de sa demande d’asile et ne rentre donc pas dans la première catégorie de migrants permanents.
Au cours de la période étudiée, nous observons une augmentation importante des flux de demandeurs d’asile à la suite des guerres dans les Balkans entre 1991 et 1999, et à partir de 2011 à l’issue du Printemps arabe. Nous observons aussi une augmentation des flux de migrants permanents à la suite de l’élargissement de l’Union européenne en 2004 aux pays d’Europe de l’Est.

Quelles tendances ressortent le plus pour ces deux flux – migrants permanents et demandeurs d’asile?
H. A. : Il y a un effet positif très visible du flux de migrants permanents. À la suite d’une augmentation de ce flux à une date donnée, nous observons que le PIB par habitant va croître de façon significative pendant quatre ans, tandis que le taux de chômage va baisser. C’est le contraire de ce que l’on entend parfois ! Cette amélioration de la situation économique va aussi avoir un effet positif sur les finances publiques, car même si l’on observe une hausse des dépenses publiques, les recettes – en impôts et cotisations – augmentent elles aussi.

S’agissant du flux de demandeurs d’asile, nous ne nous attendions pas à un effet important car c’est une immigration très particulière. La plupart des pays en Europe proposent, pendant l’instruction de leur demande, une prise en charge aux demandeurs d’asile, qui n’ont généralement pas l’autorisation de travailler. Ainsi, la contribution économique attendue des demandeurs d’asile est plus faible que celle des migrants permanents, qui ne connaissent pas de restrictions sur le marché du travail.

On entend parfois que l’accueil de demandeurs d’asile représente un coût significatif pour les pays hôtes, mais sur la période que nous observons (1985-2015), nous ne trouvons pas de preuves statistiques qui indiqueraient une dégradation des conditions économiques des pays d’Europe de l’Ouest, que ce soit sur le plan du niveau de vie, du chômage ou du solde des finances publiques. Au bout de quelques années, il peut y avoir un effet positif, plutôt faible, qui s’explique par le fait que les demandeurs d’asile autorisés à rester durablement contribueront, en travaillant, à l’économie du pays.

Quelle méthode avez-vous employée pour cette étude ?
H. A. : C’est une méthodologie fréquemment utilisée en macroéconomie pour évaluer les effets d’une hausse des dépenses publiques. C’est ce que dans le jargon nous appelons le « multiplicateur keynésien », qui quantifie l’effet d’une hausse des dépenses publiques sur le PIB. L’originalité de notre article est d’utiliser cette méthode pour analyser les effets de la hausse des flux migratoires sur les agrégats macroéconomiques et sur les finances publiques. C’est ce dernier point qui n’avait jamais été pratiqué auparavant. Nous utilisons un modèle statistique, qui laisse essentiellement parler les données en imposant très peu d’hypothèses théoriques. Ce type de modèle a notamment été utilisé pour évaluer les effets économiques d’une augmentation des dépenses publiques. Nous vérifions que notre modèle reproduit les résultats précédemment obtenus afin de le valider. Une fois cette première étape achevée, notre objectif est de l’utiliser afin d’évaluer les effets économiques et budgétaires des chocs migratoires.

[…] Pour lire la suite de l’article, vous pouvez consulter le site de CNRS Journal en cliquant ici.