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Documentation

ISSOP | Engagement international de pédiatres pour les enfants déplacés

Déclaration de Budapest sur les droits, la santé et le bien-être des enfants et des jeunes déplacés – Children and Youth on the Move

La société internationale de pédiatrie sociale et de santé de l’enfant, réunie en congrès en octobre 2017 à Budapest, alerte sur l’accueil des enfants et jeunes déplacés. Au nom d’une meilleure application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE), les organisations signataires s’engagent pour que les pédiatres jouent un rôle de leader au sein d’un accueil et d’une prise en soin globale des migrants mineurs. Elles soutiennent un accueil digne, équitable et indépendant de tout statut administratif.

Ce texte a été publié en anglais sur le site de l’International Society for Social Pediatrics and Child Health (ISSOP). Il a ensuite été traduit en français par Yvon Heller, Nyon. Vous trouverez  l’original, la liste des organisations signataires et la traduction du texte en français, allemand, hongrois, grec et japonais sur le site ISSOP. Vous pouvez télécharger la version française ici.

Déclaration de Budapest

Sur les Droits, la Santé et le Bien-être des Enfants et des Jeunes Déplacés – Children and Youth on the Move

International Society for Social Pediatrics and Child Health (ISSOP)

Budapest, Octobre 2017

Nous, pédiatres et professionnels de la santé de l’enfant, réunis en 2017 à Budapest en Hongrie à la Conférence annuelle de l’International Society for Social Pediatrics and Child Health (ISSOP) dont le thème était « Enfants et Jeunes Déplacés – Children and Youth on the Move »

Constatant le déplacement sans précédent au niveau mondial d’enfants et de jeunes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs pays – suite à des conflits armés, à d’autres formes de violence, à la pauvreté ou à des catastrophes naturelles,

Préoccupés des conséquences négatives liées à ces déplacements – telles que les violences physiques, psychologiques et sexuelles, le trafic d’êtres humains, la détention et la séparation de leurs parents – sur leur santé et leur bien-être durant l’enfance et tout au long de leur vie,

Considérant les vulnérabilités particulières des nouveaux-nés, des enfants en situation de handicap, des adolescents et des jeunes adultes, des mineurs non accompagnés et des femmes enceintes déplacées,

Alertés par les graves violations de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE), par l’atteinte à la dignité et au respect qui leur est faite avant et tout au long de leur déplacement,

Engagés pour une approche fondée sur les droits et la protection de l’enfant, basée sur la CDE, encourageant la participation des enfants et des jeunes et abordant tous les droits concernant la protection, la promotion et la participation,

Conscients du rôle crucial que les pédiatres et les professionnels de la santé de l’enfant doivent jouer dans une approche transdisciplinaire afin d’aborder tout le spectre des violations des droits de l’enfant et de l’être humain et d’assurer que les droits fondamentaux à la vie, à un développement de qualité, à la santé et à l’accès aux soins soient respectés,

Défendant une approche globale, en concertation collégiale et en lien avec les organisations professionnelles,

Attentifs à la nécessité d’aborder toute violation de leurs droits aussi bien dans le contexte clinique que dans la mise en place des systèmes de soins et des politiques publiques,

Reconnaissant que l’accès aux soins de ces enfants et de ces jeunes, même dans les pays avec un système de santé bien développé, est souvent fragmenté, avec de nombreux obstacles qui empêchent une prise en charge optimale,

Observant que : a) l’âge est régulièrement utilisé comme critère d’éligibilité pour l’accès aux soins et au placement, b) il n’existe aucune mesure objective et culturellement validée qui permette d’établir précisément l’âge d’un jeune, et c) que de telles décisions peuvent avoir des répercussions graves sur l’avenir de ces jeunes,

Adoptant la définition de la santé de l’OMS, comme « un état complet de bien-être physique, mental et social, ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »

Partant du principe que les Etats signataires de la CDE vont exercer leur mandat légal de garantir aux enfants et aux jeunes déplacés, en particulier aux mineurs non accompagnés, l’accès sans discrimination à tous leurs droits tels que décrits dans la CDE, et

Acceptant la responsabilité de surveiller et de documenter l’adhésion à tous les articles de la présente Déclaration ;

Décidons de participer et de jouer un rôle de leader afin de promouvoir les droits, la santé et le bien-être des enfants et des jeunes déplacés, de la naissance à 25 ans, localement et mondialement, comme suit : 

La CDE reconnaît sans discrimination (Article 2) et dans toute la mesure du possible le droit à la survie et au développement de l’enfant (Article 6), le droit de s’exprimer et de participer aux décisions qui le concernent (Article 12) et reconnaît le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services de santé de qualité (Article 24). A ce titre :

. Les enfants et les jeunes déplacés doivent avoir accès et recevoir les mêmes soins que la population locale, indépendamment du statut légal de l’enfant et sans discrimination basée sur quelques caractéristiques de l’enfant que ce soit.

. La santé des femmes enceintes étant essentielle afin d’assurer celle de leurs enfants et leur bien-être tout au long de leur enfance et de leur vie, les pédiatres doivent collaborer avec les autres professionnels et institutions de santé que ce soit dans le domaine somatique ou mental afin d’assurer la bonne évolution et le meilleur aboutissement possible de la grossesse et de la naissance.

. Partant du principe de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits humains, tous les droits de l’enfant mentionnés dans la CDE qui concernent la survie et le développement, la santé et les soins doivent être pris en considération par les parties prenantes concernées dans les domaines de la santé physique et mentale ainsi que du bien-être.

. Dans les limites de leurs frontières, les Etats parties doivent être tenus responsables de leurs actions envers les enfants et jeunes déplacés, dans le respect de tous les articles de la CDE ; ils doivent rendre compte de cette responsabilité dans leurs rapports périodiques au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.

Les enfants et les jeunes déplacés présentent des risques et des besoins spécifiques dans les domaines de la santé physique et mentale. En conséquence:

. Les pédiatres ainsi que les autres professionnels de la santé de l’enfant doivent participer à la planification et à la mise en place de l’accueil, des programmes de prise en charge au niveau clinique et de santé publique, des politiques et des protocoles de santé.

. Les soins dans les domaines de la santé somatique, mentale et sociale doivent répondre aux différents risques et expositions en fonction du pays d’origine et du parcours migratoire.

. A leur arrivée en lieu sûr, un bilan de santé complet aussi bien somatique que mental doit être proposé à tous les enfants et tous les jeunes afin d’identifier leurs besoins aussi bien dans le domaine de la prévention que des soins.

. L’évaluation de la santé mentale doit identifier tous les problèmes ou risques urgents, ainsi que les facteurs protecteurs, tant pour l’enfant que pour ses proches, sans stigmatiser l’enfant ou sa famille.

. Les enfants et les jeunes doivent recevoir des soins primaires selon une approche globale en lien avec des consultations spécialisées et des ressources locales doivent pouvoir répondre à leurs besoins aussi bien dans les domaines de la santé physique que mentale.

. La prise en compte du développement et du comportement des jeunes doit être déterminante dans le choix de leur lieu de vie afin de garantir leur santé physique et mentale ainsi que leur bien être.

Les soins aux enfants et aux jeunes déplacés exigent des compétences culturelles et linguistiques, ainsi que la capacité de prendre en compte, dans une population traumatisée, les barrières culturelles et linguistiques. A ce titre

. Les professionnels travaillant avec ces enfants doivent être formés afin d’avoir des compétences transculturelles et linguistiques, de savoir travailler avec un interprète et donner des soins dans le domaine post-traumatique.

. Les bilans de santé et la continuité des soins doivent : a) se faire de manière respectueuse des origines linguistiques, culturelles et ethniques, b) se dérouler avec le consentement éclairé, c) s’assurer de la participation du patient dans les décisions le concernant aussi bien dans les soins somatiques que ceux de la santé mentale, et d) inclure une approche qui prend en compte la possibilité d’un syndrome de stress post-traumatique.

. Les interprètes doivent être formés dans le domaine de la santé et adhérer à des règles rigoureuses concernant la confidentialité et le professionnalisme.

Les pédiatres, les professionnels de la santé de l’enfant et les organisations liées à la santé doivent jouer un rôle de leadership afin d’assurer que soient reconnus les droits des enfants et des jeunes déplacés à la meilleure santé possible et à l’accès aux soins. A ce titre:

. Les pédiatres et les autres professionnels de la santé de l’enfant, soutenus par les organisations professionnelles, doivent s’engager à tous les niveaux, afin de permettre de répondre aux besoins des enfants et des jeunes déplacés – au niveau local, national et international – en clarifiant bien les rôles et les responsabilités de chacun.

. Les pédiatres ainsi que les autres professionnels de la santé doivent défendre une approche globale de la santé et du bien-être des enfants et des jeunes, basée sur les droits de l’enfant.

. Les pédiatres et les organisations de santé de l’enfant doivent être reconnus comme partenaires-clés des Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et d’autres organisations régionales, nationales et internationales des secteurs publics ou privés.

. Les sociétés pédiatriques régionales, l’Association Internationale de Pédiatrie (IPA) et les agences pertinentes dont la mission est globale doivent se donner pour priorité de mobiliser les pédiatres, les autres professionnels de la santé de l’enfant et les organisations concernées, y compris ceux des pays d’origine de ces enfants et de ces jeunes, afin qu’ils participent à l’organisation de la prise en charge aux diverses étapes de leur déplacement – même avec un délai court.

Il sera de plus en plus important de disposer d’un « Plan d’action concernant la santé des enfants et des jeunes déplacés » qui aborde de manière globale le travail des pédiatres, celui des autres professionnels de la santé de l’enfant et celui des sociétés professionnelles impliquées dans les soins et les politiques de santé. Notamment aux niveaux suivants :

. Clinique : Les enfants et les jeunes déplacés ont besoin de soins de qualité, financés par des fonds publics, dans le domaine de la santé physique et mentale qui incluent des soins spécialisés et généraux, ceci sans discrimination et indépendamment de leur statut.

. Système de santé : Le système de santé doit pouvoir répondre aux besoins spécifiques de ces enfants et de ces jeunes dans les différents domaines de la santé physique et mentale, de la santé publique ou sociale, en les protégeant des partis pris, des préjugés et de la xénophobie et en affirmant toujours leur dignité et leurs droits.

. Politique de santé : Tous les Etats doivent défendre et s’engager pour des programmes visant « une politique de santé pour tous et une couverture sanitaire universelle » afin de promouvoir les principes d’équité dans les domaines de la santé et de du bien-être des enfants et des jeunes déplacés.

Les pédiatres et les professionnels de la santé de l’enfant doivent utiliser des politiques, des protocoles et des pratiques fondées sur les preuves pour développer des programmes de santé, les mettre en œuvre et les évaluer. A ce titre :

. Les pédiatres et les professionnels de la santé de l’enfant doivent travailler avec leurs collègues de manière transdisciplinaire afin d’assurer que les enfants se développent dans un environnement propice au respect de leurs droits, et que dans ce cadre leurs besoins en santé physique et mentale soient identifiés et pris en charge le cas échéant.

. Une prise en compte des conséquences du stress post-traumatique doit être intégrée à tous les niveaux des programmes de santé.

. Une formation continue et des évaluations sommatives qui contribuent à améliorer régulièrement la qualité des programmes, des systèmes et des politiques de santé doivent être mises en place et se fonder sur les droits de l’enfant, la justice sociale et un accès équitable à la santé.

. Les institutions académiques doivent s’engager pour soutenir toutes les initiatives régionales, nationales et globales, y compris la formation continue, la recherche et l’évaluation, ainsi que la dissémination des connaissances et des expériences.

 

Traduction

Yvon C. Heller, 1260 Nyon, Suisse

Merci à Nicole Pellaud, Marie-Françoise Lücker-Babel et Amy Heller pour leur aide précieuse

17 juillet 2018.