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ODAE romand | Le SEM met en doute le récit et prononce le renvoi d’un Erythréen de 19 ans

Le SEM met en doute le récit et prononce le renvoi d’un Erythréen de 19 ans

Arrivé comme mineur non accompagné (MNA), « Bereket » est entendu sur ses motifs d’asile deux ans après avoir déposé sa demande. Pour le SEM, ses propos manquent de détails et de consistance. Le SEM qualifie son récit d’invraisemblable, lui refuse l’asile et prononce son renvoi vers l’Erythrée.

Ci-dessous le résumé du cas publié par l’ODAE romand le 19 septembre 2018. Le descriptif complet se trouve sur le site de l’ODAE ou téléchargé ici en format PDF .

« Bereket » est emprisonné à 16 ans et interrogé au sujet de son frère, soupçonné de désertion. À sa sortie de prison il est exclu de l’école et reçoit une convocation pour le service national. Il décide de fuir l’Erythrée et arrive en Suisse en 2015 en tant que MNA après un périple de sept mois. L’audition sur ses motifs d’asile a lieu deux ans plus tard. Devenu majeur, il ne bénéficie plus des mesures spécifiques prévues pour les enfants (art. 17 LAsi et art. 7 OA1). Son récit n’est pas considéré comme vraisemblable par le SEM qui rejette sa demande d’asile. Dans son recours au TAF, sa mandataire reproche au SEM de ne pas avoir tenu compte de son jeune âge. Elle affirme que « Bereket » aurait pu donner des détails sur ses conditions de détention si ceci lui avait été demandé explicitement, plutôt que par des questions générales telles que : « Racontez-nous tout ce que vous pouvez ». Par ailleurs, le SEM doute de ses déclarations relatives à son recrutement car il n’a pas présenté la convocation reçue. Le jeune homme explique qu’au moment de fuir, il n’a pas pensé que ce document aurait une importance dans sa future procédure d’asile. Lors du recours, il verse au dossier un rappel reçu par sa mère après sa fuite. Le SEM considère ce document comme un faux, arguant qu’il est aisé de s’en procurer en Erythrée, et considère peu probable que « Bereket » ait été interrogé une seule fois puis détenu durant un mois.  Pour la mandataire, le SEM fait preuve d’arbitraire en appréciant ainsi les propos de « Bereket » qui concordent pourtant avec les informations qui existent sur la situation en Erythrée, par exemple concernant la détention arbitraire de proches de déserteurs (persécution réfléchie). Remettant en cause la manière dont le SEM a établi les faits, la mandataire demande la reconnaissance du statut de réfugié, subsidiairement l’admission provisoire pour « Bereket ». Le recours est pendant au TAF.

Questions soulevées

Les autorités semblent attendre des personnes en fuite qu’elles pensent à ce qui sera déterminant pour leur procédure d’asile avant même de quitter leur pays. De telles exigences sont-elles raisonnables ?

La capacité d’un requérant à relater des faits est caractérisée davantage par l’âge qu’il avait lorsque ces faits se sont produits que par son âge lors de l’audition. Le degré d’exigence pour la reconnaissance du caractère vraisemblable d’un récit ne devrait-il pas dépendre de l’âge au moment des faits ? Par ailleurs, les mesures d’accompagnement pour les mineurs ne devraient-elles pas se poursuivre pour ceux arrivés comme MNA et ayant atteint la majorité ?

La situation des droits de l’homme en Erythrée reste dramatique (cf. not. Rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Erythrée, juin 2018). S’il existe un doute sur le risque de persécution, ce doute ne devrait-il pas profiter à la personne en quête de protection ?

ODAE Romand