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Notre regard

Témoignage | Être famille-relais, une démarche citoyenne

A Genève, un nouveau type de famille a fait son apparition depuis fin 2016 au sein de la société civile : les familles-relais pour les requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA). Le projet «1 set de + à table» est un projet du Service social international (SSI) mené en collaboration avec l’Association des médiatrices interculturelles (AMIC) et les institutions en charge de ces jeunes. Par le biais d’activités diverses, le projet vise à favoriser l’intégration sociale des RMNA et ex-RMNA en Suisse par la mise en lien avec des familles et leur soutien. L’accent est mis sur l’accompagnement individuel, sur la relation entre des personnes d’ici et ces jeunes d’ailleurs, en continuité et en complémentarité des efforts menés par les autorités en matière de prise en charge.

On est là pour lui, il est là pour nous.

Au départ, nous étions une dizaine de familles à nous lancer dans l’aventure… et aujourd’hui nous sommes près de 85 familles et autant de jeunes RMNA « parrainés » à Genève.

Un projet simple à vivre, mais si difficile à raconter…

Photo: Nicole Eckmann Lévy

Être famille-relais, c’est quoi ? Pour nous, ça veut dire que Solomon mange avec nous deux fois par semaine, qu’il passe parfois le week-end ou quelques jours durant les vacances à la montagne avec nous. Pour d’autres, ça veut dire le partage d’une activité de loisirs un dimanche par mois, un jour fixe dans la semaine pour l’aide aux devoirs ou à la lecture, un accueil pour les repas de midi en période scolaire… Pour tous, ça veut dire l’occasion d’exprimer sa solidarité, d’offrir des repères stables dans la continuité, une opportunité de parler le français, des moments privilégiés, une expérience nouvelle d’«être ensemble».

Mais être famille-relais, c’est bien plus que cela! Pour moi, cela a d’abord été une timide rencontre, un temps d’apprivoisement et de mise en confiance et finalement la création d’un lien avec un réel attachement réciproque. Aujourd’hui, 18 mois après notre première rencontre, si nous nous voyons toujours quelques fois dans la semaine, Solomon est présent dans nos pensées (et par WhatsApp) quasi quotidiennement. Il a l’occasion de vivre dans notre famille, avec nos propres adolescents, quelque chose qui ressemble à ce que nous imaginons devoir être la vie d’un jeune de cet âge, une pause dans la dure réalité de son statut précaire, une sieste sur le canapé, une blague sur les filles, un « like » sur Instagram, une virée à vélo. On apprend ensemble à vivre dans l’instant présent, nos discussions deviennent plus « philosophiques » grâce à ses progrès en français, notre niveau de tigrinya restant malheureusement largement insuffisant.

S’apprivoiser, dans le respect

Nous connaissons ses amis, il connaît les nôtres. Il nous parle de sa famille, nous lui présentons la nôtre. Il nous raconte son pays, nous lui montrons le nôtre et essayons de lui en expliquer le fonctionnement. Nous rigolons beaucoup, mais accueillons aussi quand il le souhaite sa tristesse, sa colère, ses frustrations. On est là pour lui, il est là pour nous.

C’est donc aussi beaucoup d’émotions de part et d’autre : le plus souvent de la joie, du plaisir partagé, mais aussi régulièrement de l’inquiétude, parfois de l’indignation, souvent de l’impuissance. Beaucoup de questions, des doutes, de l’incompréhension, de la révolte même. Mais par-dessus tout, de la tendresse et de la complicité, de l’engagement peut-être, de l’incertitude bien sûr, un doux mélange de découragement et d’espoir…

Une rencontre… des rencontres

Alors quand on est famille-relais, on a parfois envie de rencontrer et d’échanger avec d’autres familles dans le même projet, dans le cadre des soirées organisées par le SSI et l’AMIC, mais également à l’occasion de moments de partage plus informels. De donner aussi aux jeunes l’occasion de rencontrer d’autres familles-relais et de présenter la leur. D’où l’idée d’une participation commune à la Course run2run qui se déroule le 22 septembre 2018 à Carouge. Une course-relais qui nous paraissait presque prédestinée.

C’est ainsi que nous nous entraînons en famille depuis le mois de juin, les hommes et les femmes, les jeunes et les moins jeunes, les Suisses, les Érythréens, les Afghans… et tous les autres… pour relever ce défi sportif et offrir une opportunité de plus d’intégration sociale à ces adolescents. À nouveau, on se rencontre, on rigole, on échange, on partage… et on court! Peut-être une façon de plus de continuer à aller de l’avant…

NICOLE ECKMANN LÉVY

Pour toutes autres informations sur les familles-relais ou pour manifester votre intérêt : http://solidarity-young-migrants.ch/fr ou info@ssi-suisse.org